Eglises d'Asie

La mention obligatoire de la religion sur les cartes d’identité est contestée

Publié le 18/03/2010




La religion est une mention obligatoire de la carte d’identité indonésienne (1). Des voix exigent pourtant sa disparition, au nom de la liberté et pour prévenir les violences. « Des personnes sont tuées dans des conflits sectaires car la religion est mentionnée sur les cartes », a affirmé à l’AFP Maya Safira, du Mouvement pour l’intégration nationale, une ONG basée à Djakarta (2). Les murs du local de cette association sont tapissés de symboles des différentes religions, pour illustrer la tolérance au nom de laquelle elle milite pour une carte d’identité « religieusement anonyme ».

En Indonésie, de 85 à 90 % des habitants se réclament de l’islam et le pratiquent de façon modérée dans leur immense majorité. Mais, dans certaines régions, les tensions interconfessionnelles ont été vives ces dernières années, en particulier dans l’archipel des Moluques et sur l’île des Célèbes.

L’Indonésie ne reconnaît officiellement que six religions : l’islam, le catholicisme, le protestantisme, le bouddhisme, l’hindouisme et le confucianisme (3). La loi impose d’avoir une de ces religions marquée sur sa carte d’identité. Or, fait valoir Maya Safira, aujourd’hui encore, le simple fait d’être « reconnu » comme appartenant à telle religion, en particulier les minoritaires, peut être source de danger. Le 21 mars dernier, trois islamistes ont été condamnés à des peines de 14 à 20 ans de prison pour avoir décapité trois lycéennes chrétiennes, « coupables » d’appartenir à une religion qu’ils haïssaient (4). Des villes indonésiennes restent divisées en quartiers chrétiens ou musulmans.

« Nous sommes préoccupés par ces fractures », déclare Maya Safira, dont le combat est partagé par d’autres organisations et des intellectuels, parmi lesquels l’ex-président Abdurrahman Wahid. « L’islam n’interdit pas de supprimer la mention de la religion des cartes d’identité, a déclaré ce dernier. Cette question est importante car elle pourrait permettre de sauver des vies dans les conflits religieux. »

La dépêche de l’AFP cite Yudanegara, qui a perdu son frère dans les violences qui, en 1999, ont enflammé les Moluques, opposant chrétiens et musulmans et ayant débouché sur 5 000 morts. « Au bureau de mon frère, entre cinquante et soixante personnes ont été brûlées vives, enfermées dans une pièce, a-t-il relaté. Mon frère était hindou, il n’avait rien à voir avec les deux communautés qui s’affrontaient, mais il en a pourtant été victime. »

Selon Suma Mihardja, de l’ONG LBH Rakyat, les personnes pratiquant une religion autre que les six officielles sont de fait privées de documents officiels tels que les certificats de naissance, de mariage, de décès ou de résidence. Pour éviter les soucis, de nombreux Indonésiens non musulmans choisissent donc la mention « islam » sur leur carte.

La réforme de la carte d’identité ne semble toutefois pas devoir intervenir dans un avenir proche. Le ministre des Affaires religieuses, Muhammad Maftuh Basyuni, a estimé que la mention obligatoire, loin de diviser, pouvait favoriser l’harmonie entre les différents croyants. Il a ajouté que cela permettait aussi de vérifier si un citoyen pratiquait correctement sa foi.

Din Syamsuddin, président de la Muhammadiyah, deuxième plus importante organisation musulmane de masse du pays, a lui assuré que les conflits interconfessionnels étaient suscités par les inégalités sociales et économiques, plutôt que par la carte d’identité. Au sujet des pays qui ont interdit la mention religieuse sur les papiers officiels, il a estimé : « Nous n’avons pas besoin de les imiter. »