Eglises d'Asie

« Pas de démocratie sans liberté religieuse » : témoignage d’un communiste chrétien à la Constituante

Publié le 10/01/2014




Chandi Prasad Rai, un homme politique récemment élu à l’Assemblée constituante sous les couleurs du Parti communiste, évoque le parcours atypique qui l’a mené au christianisme militant. « Je suis issu de la communauté hindoue des Kirantis (1) », explique-t-il à l’agence AsiaNews, dans une dépêche datée du jeudi 9 janvier, « mais aujourd’hui je veux dire à tous que je me suis engagé sur le chemin de Jésus et des chrétiens. »

Membre du Parti communiste unifié du Népal (CP- UML, marxiste-léniniste), le député vient tout juste d’être élu à l’Assemblé constituante où les anciens alliés de son parti, les maoïstes, ont subi la plus humiliante défaite de leur histoire.

A l’occasion d’une interview pour l’agence catholique, Chandi Rai s’est confié sur sa conversion dont il n’avait encore jamais parlé publiquement. Maintenant qu’il est membre de la Constituante, il se dit prêt à « se battre pour une Constitution laïque », qui seule, selon lui, pourra permettre une véritable liberté religieuse dans le pays.

Un avis partagé par l’ensemble des minorités ethniques au Népal, qui s’inquiètent de la montée de l’extrémisme hindou, y compris au sein de l’Assemblée constituante, où certains groupes de pression voudraient obtenir le retour de la monarchie et la restauration de l’hindouisme comme religion d’Etat. Ces derniers temps, en particulier dans le cadre des élections législatives et au moment des fêtes de Noël, les chrétiens ont été les cibles de plusieurs attaques.

Né dans une famille hindoue de la minorité ethnique des Kirantis, à Khotang dans l’est du Népal, Chandi Rai a rejoint le Parti communiste en 1979 lorsqu’il n’était encore qu’un jeune étudiant. Les Kirantis font partie des minorités religieuses discriminées au Népal et ont souvent dû se battre pour leurs droits aux côtés des chrétiens, comme lors de l’affaire l’inhumation de leurs morts, refusée par les autorités hindoues du sanctuaire de Pashupatinath.

Pendant des dizaines d’années, Chandi Rai a enseigné dans un lycée de Pathari (district de Morang, situé dans la partie sud du pays), accumulant les récompenses et distinctions pour la qualité de son travail. Le militant communiste est également l’un des membres de la Madan Bhandari Memorial Academy, une ONG à but caritatif (enseignement technique et scolaire, formation et aide à la réinsertion, hôpital communautaire) et est engagé dans plusieurs dizaines d’autres organisations.

Après des années d’activité politique, le militant communiste, qui s’est converti entre temps au christianisme, décide de se présenter aux élections de l’Assemblée constituante du 19 novembre 2013, après les échecs successifs de l’organe législatif dissous en mai 2012 à rédiger une nouvelle Constitution népalaise.

Chandi Rai est élu à Mogang avec plus de 14 000 voix, en grande partie grâce à son soutien actif à la liberté de religion et d’opinion. Pour le député, il est indispensable d’acter clairement la séparation de la religion et de l’Etat, avant de parler de démocratie.

« Les hindous sont libres de pratiquer leur foi et il devrait en être de même pour les autres groupes religieux, explique–t-il. Mais les partis traditionnels et les leaders politiques n’ont cessé d’ignorer les minorités en raisons de la prégnance de la culture hindoue majoritaire dans le pays. »

En tant que responsable politique, il lui tient à cœur de faire comprendre à la majorité hindoue qu’elle n’a rien à perdre à soutenir l’élaboration d’une Constitution qui protègerait la liberté religieuse. « La seule chose qu’ils risqueraient de perdre, c’est leur hégémonie … », précise-t-il néanmoins.

Mais de nos jours, ajoute-t-il encore, « nous ne pouvons plus nous permettre de pratiquer la discrimination à l’encontre de certains individus en raison de leur foi et de menacer ceux qui se convertissent ».

Selon Chandi Rai, la démocratie et la laïcité vont de pair et seule cette approche permettra d’unifier le pays où s’affrontent régulièrement les différentes communautés religieuses et ethniques. Tous les droits de l’homme doivent être protégés dans le cadre d’une démocratie, rappelle-t-il, ajoutant que cela inclut les droits à la liberté de religion et à la pratique de sa foi.

Le nouveau membre de la Constituante tient à préciser qu’il n’y a eu aucune raison cachée, financière ou « d’ordre matériel » derrière sa conversion. Dans un pays où les accusations de conversions forcées augmentent sous la pression des hindouistes, ce point lui paraît d’importance : « Aucun motif d’ordre matériel n’est à l’origine de ma conversion : en fait, je voudrais démontrer par ma propre expérience, l’importance de la liberté de religion et encourager chacun à suivre la foi qu’il a choisie. »

Le législateur dit avoir confiance en la nouvelle Assemblée où les maoïstes ont été réduits à la portion congrue. Il espère que la discrimination envers les hindous et les bouddhistes qui se sont convertis au christianisme va désormais diminuer et permettre l’instauration d’une véritable liberté religieuse au Népal.

Selon les dernières statistiques (difficilement vérifiables en raison de la multiplicité des Eglises), l’ensemble des chrétiens, toutes confessions confondues – et dont le nombre a considérablement augmenté depuis 2008 – atteindrait aujourd’hui les deux millions de fidèles.

(eda/msb)