Eglises d'Asie

Elections de la Constituante : face aux violences maoïstes, les chrétiens lancent un appel à la prière

Publié le 18/11/2013




A la veille des élections de l’Assemblée constituante du 19 novembre, la frange dissidente des maoïstes tente de pousser le pays au boycott du scrutin, en faisant régner un climat de terreur et de menaces. Les chrétiens lancent un appel à la prière dans tout le pays. 

Hier, dimanche 17 novembre, des milliers de catholiques et protestants (dont un grand nombre de chrétiens évangéliques) ont défié les interdictions de rassemblement des militants du Parti communiste népalais maoïste (CPN-M) qui imposent des grèves générales au pays depuis des semaines, pour se rendre aux rassemblements et veillées de prière prévus dans la plupart des grandes villes du Népal. Face à la violence, ont expliqué leurs leaders, toutes les confessions doivent s’unir dans une même démarche et un « même témoignage, qui soit autre que celui de la haine ou de la violence ».

Cette initiative a rassemblé des milliers de personnes, y compris des non-chrétiens, dans différents lieux de culte et ce malgré les très grandes difficultés de déplacement dues à la paralysie des transports provoquée par les manifestants anti-élections. Certains participants sont venus de loin et ont marché pendant des heures pour se rendre à cet appel à la prière et au dialogue.

A la cathédrale catholique de l’Assomption de Katmandou, Mgr Anthony Sharma, vicaire apostolique du Népal, a exhorté l’assemblée venue très nombreuse à « prier pour des élections pacifiques et la promulgation de la Constitution du pays ». S’adressant ensuite aux dirigeants du pays et leaders des partis se présentant au scrutin du 19 novembre, il leur a demandé « de ne pas ménager leurs efforts en vue d’instaurer un dialogue permettant de résoudre leurs divergences ».

Les principales pierres d’achoppement sur lesquelles ont buté – butent toujours – les députés chargés de rédiger la Constitution du pays sont en effet toujours les intérêts apparemment irréconciliables des différentes religions, castes, cultures ou minorités ethniques. Ces fortes disparités, accompagnées de revendications fédéralistes voire séparatistes, ont à chaque fois empêché l’Assemblée d’accoucher de la Constitution, repoussant à de multiples reprises les échéances de sa promulgation, malgré les injonctions des Nations Unies et de la communauté internationale, inquiètes de voir se prolonger la vacance institutionnelle du pays depuis 2008.

La dissolution de la Constituante en mai 2012 par le chef du gouvernement maoiste a été la dernière étape de la longue succession des échecs de l’Assemblée, achevant de plonger le pays dans un chaos politique et social, autant qu’institutionnel. Mais si ces élections, aussi redoutées qu’attendues, sont présentées par certains comme l’espoir de remettre enfin le pays sur les rails ou par d’autres comme une nouvelle désillusion inutile et prévisible, elles ont également leurs farouches détracteurs.

Les militants du CPN-M, un mouvement qui a fait sécession en 2012 du Parti communiste unifié du Népal (UCPN-M, le parti maoïste originel issu de la guérilla), tentent en effet de convaincre la population népalaise de ne pas se rendre aux urnes, contrairement à son opposant qui se présente aux élections avec « l’assurance de remporter la victoire à une écrasante majorité ». Une conviction qui ne semble cependant plus faire l’unanimité au sein de la population qui avait pourtant porté au pouvoir avec enthousiasme les maoïstes en 2008. « Ils nous ont promis beaucoup mais lorsqu’ils sont arrivés au pouvoir, ils ont fait exactement comme les autres , alors pourquoi voterai-je encore pour eux ? », s’interroge Dhital, 24 ans, vendeur à la sauvette à Katmandou, dans des propos repris par le Malaysian Insider le 17 novembre.

Menés par l’ancien leader Mohan Baidhya, le groupe des extrémistes maoïstes, après avoir déclenché une grève générale, a conduit des manifestations quasi-journalières durant la campagne électorale, maintenant le pays dans un état de paralysie et de tension permanentes. Partout au Népal ont été rapportés des attaques, des embuscades, des destructions, des pillages et des incendies, rappelant les heures noires de la guerre civile. Les groupes armés du PCN-maoïste, soutenus par les militants de 33 partis, semblent en outre pouvoir compter sur le mouvement jeunesse du parti maoïste, la Young Communist League (YCL), qui a été « réactivé » il y a quelques mois aux dires de l’ONG Human Rights Watch. Connu pour son extrémisme, ce mouvement avait participé activement aux violations des droits de l’homme qui avaient émaillé le scrutin de 2008. « La YCL est régulièrement accusée de violences, kidnappings, extorsion de fonds et même de meurtres », a rappelé l’ONG récemment, qui est convaincue de l’implication de ces militants dans les violences et les intimidations pré-électorales signalées ces dernières semaines.

Des bataillons de l’armée, rappelés en renfort, ne semblent pas parvenir à enrayer ces attaques de guérilla bien rôdées, qui visent chaque jour des cibles différentes. Des véhicules de campagne électorale ont été incendiés, un candidat du Parti communiste marxiste-léniniste a été abattu, d’autres ont été agressés. Les attaques des lignes de transports publics et privés se sont multipliées ; le 11 novembre, plus de dix bombes ont été désamorcées par l’armée népalaise ; le 12 novembre, une attaque au cocktail Molotov contre un minibus à Katmandou a fait un mort et plusieurs enfants blessés ; le 13 novembre, onze personnes étaient gravement blessées au cours d’un attentat contre un car et le 15 novembre un autobus circulant sur une autoroute vers le sud du pays était attaqué de la même manière, laissant treize personnes blessées, selon le quotidien Le Monde de ce 18 novembre.

Malgré les encouragements de Khil Raj Regmi, chef du gouvernement par intérim depuis mars dernier, qui a invité la population népalaise dimanche 17 novembre « à se rendre aux urnes sans inquiétude », assurant que « toutes les mesures avaient été prises concernant la sécurité de chacun », les observateurs prévoient déjà une participation à la baisse. Les électeurs inscrits pour le scrutin de mardi ne sont que 12 millions (ils étaient près de 19 millions en 2008) et il est à craindre que bon nombre d’entre eux renoncent finalement à voter, après la campagne d’intimidation que viennent de mener le PCN maoïste et ses alliés.

eda/msb