Eglises d'Asie

Gujarat : les hindouistes accusent l’Eglise catholique de la conversion forcée de 32 enfants dalits

Publié le 30/03/2012




Mardi 27 mars, les autorités du district d’Anand, dans le Gujarat, ont annoncé avoir ouvert une enquête sur des allégations de conversion forcée au catholicisme d’une trentaine d’enfants, en infraction aux lois édictées dans le cadre du Gujarat Freedom of Religion Act, loi anti-conversion en vigueur dans l’Etat depuis 2008.

Le Times of India a rapporté dans son édition du 28 mars que l’enquête concernant deux communautés chrétiennes accusées d’avoir procédé à des conversions de mineurs sans autorisation du responsable de district, serait diligentée par le magistrat de Cambay (Khambat) et le commissaire de police du district d’Anand. La plainte contre l’Eglise catholique a été déposée par le Forum for Peace and Justice, basé à Petlad, une ville du district de Cambay, qui se définit comme une association de défense des droits des dalits (ex-intouchables).

Le coordinateur du Forum, Dharmendra Rathod, a accusé l’Eglise catholique de Cambay d’avoir procédé à la conversion forcée de 32 enfants dalits, au cours de « deux cérémonies distinctes ». Selon sa plainte, 17 enfants auraient été forcés à adhérer au christianisme le 2 janvier à l’église catholique de Nagra, un village près de Cambay, et 15 autres auraient été à leur tour obligés de se convertir lors d’une célébration organisée par l’école Saint-Xavier de Cambay, le 12 février. Précisant que ces « mineurs appartenaient tous à la caste dalit des tisserands », Dharmendra Rathod a également déclaré au quotidien indien qu’« au moins 12 d’entre eux, pensionnaires à l’école Saint-Xavier, avaient été convertis sans que leurs parents en aient eu connaissance », étant donné que l’autorisation du responsable de district n’avait pas été sollicitée, comme l’exige le Freedom of Religion Act.

Les trois prêtres de l’Eglise catholique de Cambay désignés comme responsables par le Forum for Peace and Justice, les PP. Silvera, Vinay et Piyush, lesquels ont été entendus mardi 27 mars par la police locale, ont vigoureusement récusé ces allégations. « Tous les enfants dont les noms ont été mentionnés [dans la plainte] sont chrétiens depuis leur naissance, ce qui exclut de fait une quelconque conversion », a expliqué le P. Silvera, ajoutant que les parents étaient tous présents aux cérémonies auxquelles assistaient leurs enfants.

Qualifiant les accusations du Forum « d’allégations infondées, mensongères et calomnieuses », le P. Cedric Prakash, président du Gujarat United Christian Forum for Human Rights, a précisé à l’attention des médias que les cérémonies incriminées étaient en réalité des célébrations au cours desquels les enfants et les adolescents cités avaient reçu, non pas le baptême puisqu’ils étaient déjà catholiques, mais les sacrements de première communion et de confirmation.

« Ces jeunes sont issus de familles catholiques et les ‘cérémonies’ mentionnées dans les plaintes sont les sacrements traditionnels de la première communion et de la confirmation. Il est clair que la loi anti-conversion du Gujarat, bien que draconienne, ne peut s’appliquer à ces cas-là ! », a encore déclaré à l’agence AsiaNews le prêtre jésuite, très impliqué dans la défense des droits des minorités ethniques de l’Etat.

Pour Sajan George, président du Global Council of Indian Christians (GCIC), une ONG qui lutte contre les persécutions antichrétiennes en Inde, « le discours de l’hindutva (1) se propage aujourd’hui comme un virus (…) et la communauté chrétienne est chaque jour plus vulnérable ». Dénonçant le fait que les « extrémistes jouissent de la protection des autorités » dans cet Etat où plus de 80 % de la population est hindoue, le président du GCIC souligne la « totale impunité des assaillants » et la certitude pour les victimes que leur préjudice ne sera jamais reconnu.

Un avis partagé par le P. Prakash qui déplore, sans étonnement, ce nouvel incident : « Voilà une nouvelle preuve de la façon dont les minorités au Gujarat continuent d’être intimidées et persécutées par les forces extrémistes qui veulent maintenir le système des castes, avec la complicité de l’Etat. »

Le Gujarat, qui est l’un des six Etats de l’Union indienne à avoir adopté une loi anti-conversion, est gouverné depuis 2001 par le Bharatya Janata Party (Parti du peuple indien, BJP). Ses dirigeants sont régulièrement fustigés pour leur inaction voire leur complicité dans les vagues de violences récurrentes et les pratiques discriminatoires exercées par les hindouistes à l’encontre des musulmans et des chrétiens.

Une victoire juridique vient cependant d’être arrachée par les chrétiens sur la loi anti-conversion, rapporte l’agence Fides, avec une sentence historique de la Haute Cour du Gujarat, laquelle a déclaré, le 26 mars dernier, valide et légitime un mariage contracté entre un chrétien et une hindoue après que le gouvernement de l’Etat l’ait invalidé sur la base de la loi anti-conversion.