Eglises d'Asie – Indonésie
La plus grande université de Yogyakarta retire son règlement limitant la liberté religieuse
Publié le 26/02/2014
Cependant, après plusieurs semaines de manifestations menées par différents groupes interreligieux et militants des droits de l’homme, la Gajah Mada University (UGM), l’un des établissements les plus prestigieux de l’Indonésie, situé au centre de l’île de Java, a retiré de son règlement, un article controversé (article 12) qui interdisait à quiconque de professer en public l’athéisme ou l’une des religions non reconnues par l’Etat. Seules six religions sont à l’heure actuelle reconnues par les autorités indonésiennes, dans un pays où les musulmans représentent plus de 85 % de la population : l’islam, le protestantisme, le catholicisme, l’hindouisme, le bouddhisme et le confucianisme (2).
Ces directives, édictées par le recteur Pratikno, à la tête de la Gajah Mada University depuis 2012, avaient provoqué dès leur mise en application de vives réactions chez les étudiants et les militants des droits de l’homme, qui avaient rappelé que l’établissement devait tout au contraire faire la promotion du pluralisme et de la liberté religieuse. Plusieurs mouvements de défense des droits civiques avaient également souligné que l’article 12 du règlement violait les termes du « Pacte international relatif aux droits civils et politiques », adopté par l’ONU en 1996 et ratifié par l’Indonésie, ainsi que la Déclaration universelle des droits de l’homme, deux textes protégeant la liberté religieuse.
« Ce que nous voulions, c’était seulement mettre sous forme d’un règlement le fait que les étudiants devaient se conduire d’une façon convenable. Nous n’avons jamais demandé que quiconque soit obligé d’adopter telle ou telle religion », s’est défendue la porte-parole de la Gajah Mada University, Wiwit Wijayanti. Ce règlement sur « l’éthique et la religion », a-t-elle encore expliqué, devait mieux définir le comportement des étudiants mais aussi prévenir « d’éventuels affrontements ou violences communautaristes » parmi les élèves.
Selon l’article controversé, les étudiants « n’étaient pas autorisés à adopter ou diffuser des pensées ou des idées liées à l’athéisme ou à des croyances religieuses non reconnues officiellement par l’Etat indonésien ». Toujours selon ce règlement, qui était entré en vigueur en août 2013, étaient également interdits au sein de l’Université « tous les comportements inappropriés ou actes hostiles de nature sectaire envers la religion, la culture et les valeurs traditionnelles ».
Une part importante de cette nouvelle réglementation concernait les religions dites « ancestrales » (aliran kepercayaan), dont les fidèles se comptent par millions en Indonésie, en particulier parmi les membres des tribus aborigènes.
Le conflit qui a abouti au retrait du règlement a été peu couvert par la presse indonésienne. Un article du Jakarta Post évoquait cependant la décision de l’université de « suspendre le nouveau règlement en raison d’une clause qui semble être sujette à de multiples interprétations », dans son édition du 7 janvier dernier. « Nous n’avions aucune intention de restreindre [la liberté de conscience et de religion] des étudiants », affirmait au quotidien le recteur Pratikno, ajoutant que l’université avait toujours eu à cœur « le respect de la diversité ».
La porte-parole de l’UGM, Wiwit Wijayanti, interrogé par le Jakarta Post, récusait également les accusations selon lesquelles le nouveau règlement aurait été édicté sous la pression de groupes présents sur le campus et dont l’influence est aujourd’hui grandissante au sein des étudiants de l’UGM, prônant l’intolérance envers les religions autres que l’islam.
(eda/msb)