Eglises d'Asie

Le P. Thaddée Nguyên Van Ly a été condamné à huit ans de prison pour propagande contre la République socialiste du Vietnam

Publié le 18/03/2010




Tôt dans la matinée le 30 mars dernier (en fin de matinée heure du Vietam), on apprenait que le P. Thaddée Nguyên Van Ly a été condamné à huit ans de prison par le tribunal populaire de la province Thua Thiên-Huê, pour recel et diffusion de documents de propagande contre la République socialiste du Vietnam, crime décrit à l’article 88, alinéa 1 C, du Code pénal. Au cours du même procès, qui a débuté à sept heures du matin, quatre autres co-accusés, deux hommes et deux femmes, se sont vus infliger des peines allant de un an et demi de prison avec sursis à six ans de prison ferme. Les familles des accusés n’ont pas été admises dans l’enceinte du tribunal. La veille du procès, vers 14 heures 30, une voiture de police était venue chercher le P. Ly dans la petite paroisse de Bên Cui, où il était détenu depuis le 24 février 2007. Des témoins ont vu le prêtre enveloppé dans une pièce d’étoffe et poussé par deux policiers dans une voiture qui l’a conduit vers une destination inconnue.

Le 29 mars au matin, le prêtre dissident avait fait savoir qu’il se présenterait en soutane devant ses juges et avait fait diffuser le texte des paroles qu’il prononcerait si on lui en laissait la liberté.  Il y détaille son attitude à l’égard des autorités au cours des trois périodes qui ont suivi l’installation du communisme au Sud-Vietnam en 1975. Au cours d’une première période de 1975 à 2001, il a sans relâche témoigné de l’absence de liberté religieuse au Vietnam. Au cours d’une deuxième période, de 2001 à 2005, durant laquelle il a été emprisonné, il a renouvelé ce même témoignage mettant en cause le pouvoir communiste qui oblige les religions à se soumettre à lui. Dans une troisième période, qui débute après sa libération en 2005, il est passé du témoignage à l’action et à la lutte non violente contre le communisme, qu’il qualifie de « plus grand malheur subi par l’humanité et par son pays ».

Le P. Ly, qui, depuis le 24 février, est consigné par la police dans la sacristie de l’église de la petite paroisse de Bên Cui (1), avait été conduit le 20 mars dernier dans la maison de la culture du village. Là, deux représentants du tribunal populaire de la province de Thua Thiên-Huê, accompagnés de dix policiers, de deux cameramen et d’un témoin, lui avait lu un ordre le convoquant au tribunal populaire le 30 mars 2007, à sept heures du matin. Le prêtre s’est contenté de dire qu’il se présenterait aux juges en soutane et qu’il assurerait lui-même sa défense.

Le 24 février dernier, alors que le P. Ly était transporté par la police depuis sa résidence de l’archevêché jusqu’à la petite paroisse de Bên Cui, la police annonçait l’ouverture d’une enquête préliminaire à son sujet. Le 13 mars, le P. Ly était amené au poste de police de son village de résidence surveillée pour y écouter les conclusions de l’enquête menée contre lui et trois de ses « complices » (sic). Le rapport d’enquête affirmait qu’à la suite des perquisitions effectuées les 17, 18 et 19 février chez les quatre inculpés, de nombreux documents calomniant la politique gouvernementale avaient été découverts. Contrairement aux articles parus dans les médias officiels au moment de l’ouverture des poursuites judiciaires, les conclusions de l’enquête sont relativement discrètes sur le parti politique, le « Parti du progrès pour le Vietnam », auxquels appartenaient les trois autres accusés et dont le P. Ly était le conseiller. Le rapport d’enquête insiste surtout sur l’élaboration, la publication et la diffusion de documents s’opposant à la politique officielle.

Le P. Ly a entamé sa carrière de dissident dans les premières années qui ont suivi le changement de régime de 1975. Il a été incarcéré, une première fois, de 1977 à 1978, puis, une seconde fois, de 1983 à 1992. En novembre 2000, il entamait une retentissante campagne pour la liberté religieuse, multipliant les déclarations, manifestes et témoignages, dont un fut lu au Congrès américain. Arrêté en mai 2001, il fut condamné, quelques mois plus tard, à quinze ans de prison. Libéré le 1er février 2005 mais toujours assigné en résidence surveillée, il ne tarda pas à reprendre sa lutte, lui donnant comme objectif les droits de l’homme. Une opération policière avait été lancée contre lui et quelques autres militants aux premiers jours de l’actuelle année lunaire, les 17, 18 et 19 février 2007. Les agents de la Sûreté pénétrèrent dans sa résidence de l’archevêché de Huê, confisquèrent son équipement informatique et de nombreux documents et le gardèrent isolé pendant près d’une semaine, jusqu’au 24 février, date où il était transporté par la police dans la petite paroisse de Bên Cui.