Eglises d'Asie

Nouvelle vague de répression et d’exécutions publiques

Publié le 14/11/2013




Selon certains médias sud-coréens, près d’une centaine de personnes auraient été fusillées récemment en Corée du Nord. Et, dans au moins un des cas, rapporte le 13 novembre le Christian Science Monitor, cela s’est produit devant une foule d’environ 10 000 personnes.

Les faits se seraient produits au début du mois de novembre dans sept villes du pays, probablement le 3 novembre. La reprise des exécutions publiques, dans des stades comme le veut la « tradition » du régime totalitaire, inquiète fortement en Corée du Sud, ce type de « spectacle collectif et obligatoire » signifiant toujours un durcissement du régime considéré déjà comme le plus répressif de la planète.

Etabli sur des rapports et témoignages directs émanant de Corée du Nord, l’article du quotidien JoongAng Ilbo (Korea Joongang Daily, dans sa version en langue anglaise), source principale de cette information, parle de l’exécution de 80 personnes. Bien qu’il soit difficile de vérifier avec certitude les faits en provenance d’un Etat qui cultive le secret et la désinformation à l’extrême, des réfugiés nord-coréens arrivés récemment auraient confirmé les faits.

Ces nouvelles ont également été corroborées par le site d’information North Korea Intellectuals Solidarity (NKIS), animé par des transfuges nord-coréens depuis Séoul. Leur organisation a déclaré à l’AFP que leurs sources locales les avaient avertis de vagues de répressions qui sévissaient depuis plusieurs mois en Corée du Nord.

Les condamnés fusillés le 3 novembre dernier auraient été accusés de différents « crimes », selon les critères de l’Etat nord-coréen : certains auraient visionné ou vendu des vidéos « non autorisées » (des programmes télévisés sud-coréens ou encore des séries comme « Desperate Housewives »), introduites dans le pays par DVD ou clés USB ; d’autres d’avoir fait partie de réseaux de prostitution et enfin, pour une partie d’entre eux, d’avoir eu une bible en leur possession. Les complices de ces condamnés à mort auraient été envoyés en camp de détention.

Le quotidien sud-coréen apporte des précisions, décrivant notamment une exécution qui aurait eu lieu à Wonsan, cité portuaire de la côte Est. Huit personnes, la tête couverte d’un sac blanc et attachées à un poteau, auraient été tuées à la mitrailleuse dans le stade de Shinpoong. Selon les témoins, les autorités auraient rassemblé 10 000 personnes, dont des enfants, dans ce stade d’une capacité de 30 000 spectateurs, les forçant à regarder la mise à mort.

Parmi les autres villes concernées par ces exécutions, il y aurait eu la ville portuaire de Chongjin, centre industriel abritant une forte présence chinoise, et Pyongsong, ville située à quelques heures de route de la capitale, venant tout récemment de s’ouvrir au tourisme. La capitale Pyongyang aurait été quant à elle épargnée en raison de la présence des rares médias et diplomates étrangers que compte le pays.

Ce n’est certes pas la première fois que des exécutions publiques sont ordonnées depuis l’avènement de Kim Jung-un il y a deux ans ; certaines ont notamment été motivées par des délits mineurs tels que l’utilisation de téléphones cellulaires, le vol de nourriture ou bien encore l’activisme religieux. Parmi les condamnés à mort récents, on compte aussi neuf danseuses de l’Unhasu Orchestra, dont une ancienne maîtresse du dictateur, accusée d’avoir participé au tournage d’une cassette « pornographique », en réalité un trio de danse de cabaret, genre qui semble fort prisé par les dirigeants du régime.

Cependant, il semble que cette vague d’exécution soit la plus sévère et la plus massive du règne du jeune dictateur. Effectuées à grande échelle, dans des stades où a été convoquée la population, les exécutions publiques ont eu lieu simultanément dans sept villes du pays, de façon à « frapper durablement les esprits », analyse le JoongAng Ilbo. « Les récits des exécutions publiques à travers le pays auront sans aucun doute un effet ‘dissuasif’ sur l’ensemble de la population », explique de son côté au Telegraph, Daniel Pinkston, spécialiste de la Corée du Nord au sein de l’International Crisis Group à Séoul.

Le choix de Wonsan et des six autres villes n’aurait également pas été le fait du hasard, indique encore le NKIS. La ville portuaire est en effet actuellement le fer de lance d’un nouveau programme de transformation de la région en centre touristique censé attirer les investissements étrangers, essentiellement chinois et sud-coréens, par la mise en place d’une « zone économique spéciale ». Le régime projette de faire de Wonsan la nouvelle station balnéaire à la mode et a entrepris des travaux de construction d’hôtels de luxe sur le front de mer, d’un aéroport et même d’une station de ski dans le style occidental.

La récente ouverture à l’influence culturelle « étrangère » de ces villes pourrait être à l’origine de la vague de répression qui y a sévi, les autorités nord-coréennes ayant voulu prendre des mesures drastiques afin de prévenir de possibles troubles publics. « Le régime est totalement effrayé à l’idée de possibles changements de mentalité au sein de la population et il essaye d’effrayer les gens de manière préventive », explique le NKIS à l’AFP.

Le 18 octobre dernier, le secrétaire général des Nations Unies Ban Ki-moon avait demandé à Pyongyang d’accepter la venue dans le pays d’une commission chargée d’enquêter sur les violations des droits de l’homme et de « prendre des mesures immédiates en vue de lever les préoccupations » de la communauté internationale concernant des « allégations crédibles » d’exécutions publiques, de manque de nourriture et de traitements inhumains infligés aux personnes détenues dans des camps de prisonniers politiques.

(eda/msb)