L’acte d’accusation et le réquisitoire réclamaient une condamnation au titre de l’article 258 du Code pénal qui sanctionne « les individus qui profitent de la liberté, de la démocratie pour porter atteinte aux intérêts d’organisations ou de citoyens individuels ». Contrairement à ce qui s’était passé pour Lê Quôc Quân, jugé pour une prétendue fraude fiscale, la véritable motivation du procès n’a donc pas été dissimulée. L’acte d’accusation énumérait onze textes écrits par l’accusé ayant eu pour conséquence « une perte de confiance du peuple à l’égard du Parti, et des autorités, ainsi qu’une perte de prestige individuel pour les dirigeants du Parti, de l’Etat et du gouvernement ».
Truong Duy Nhât, âgé de 50 ans, a commencé sa carrière de journaliste dans la presse patronnée par le gouvernement. Il avait abandonné le journalisme officiel en 2011 pour créer un blog intitulé « Un autre point de vue », fatigué, disait-il sur sa nouvelle tribune, « d’écrire ce qu’il ne voulait pas écrire (…), à savoir des articles pour lesquels il n’est pas besoin de réfléchir, de se creuser le cerveau (…), des articles dont on a honte et que l’on signe d’un pseudonyme ».
Il avait été arrêté le 26 mai 2013 par la police, qui, auparavant, avait effectué une perquisition de sa maison et emporté la totalité de son matériel informatique. L’acte d’accusation, pourtant daté du mois de décembre 2013, n’avait été connu de sa famille que le 25 février 2014, une semaine avant le procès.
Jusqu’à son arrestation au mois de mai 2013, Truong Duy Nhât a publié sur son blog de nombreux articles critiquant le gouvernement et les hauts dirigeants vietnamiens. C’est ainsi que, par exemple, il avait stigmatisé la lâcheté du chef de l’Etat qui n’avait pas osé révéler l’identité de celui pour qui le Bureau politique demandait une mesure disciplinaire, alors qu’il s’agissait du Premier ministre Nguyên Tân Dung, appelé simplement « camarade X » par le chef de l’Etat. Il avait aussi ouvertement demandé le départ du secrétaire général du Parti communiste.
Beaucoup d’observateurs ont été étonnés par la relative légèreté de la peine infligée. En effet, le paragraphe deux de l’article 258 réprimant les abus de la liberté et de la démocratie prévoit une peine de sept ans pour les cas les plus graves et de deux ans pour les cas les moins graves. Le différend entre le chef de l’Etat et le Premier ministre auquel avait fait allusion l’article du blogueur n’étant pas encore réglé, il se peut que cet état de choses ait influencé la décision des juges. D’après l’avocat de l’accusé, le tribunal aurait abandonné l’accusation d’atteinte aux intérêts d’organisations ou de citoyens pour ne retenir que celle d’atteintes aux intérêts de l’Etat.
L’association Reporters sans frontières appelle ses adhérents à protester contre cette condamnation et signale qu’après la Chine, le Vietnam est le deuxième pays au monde pour le nombre de blogueurs emprisonnés.
(eda/jm)