Eglises d'Asie

Iles Andaman : cri d’alarme de Survival International contre les « safaris humains » chez les Jarawas

Publié le 07/03/2014




Les Jarawas, tribu aborigène des îles Andaman et Nicobar dans le Golfe du Bengale, sont maintenant en voie d’extinction, malgré les avertissements des ONG et les mesures prises par les autorités indiennes. Décidée à attirer l’attention de la communauté internationale, l’organisation Survival International a lancé le 4 mars dernier un « compte à rebours » d’un an, pour que cessent les abus qui risquent de conduire la tribu à l’extinction 

L’ONG de défense des droits des aborigènes se bat depuis des années pour faire appliquer par le gouvernement du Territoire des îles Andaman et Nicobar, les réglementations qui pourraient permettre de préserver la survie des Jarawas (1), lesquels vivaient encore coupés du reste du monde en 1998.

Parmi ces dernières figure le jugement de la Cour suprême indienne de 2002, qui avait ordonné au gouvernement local de réduire au minimum les interventions extérieures et surtout de fermer la route qui traversait la réserve, l’Andaman Trunk Road (ATR). Mais plus de dix ans plus tard, la route, loin d’être fermée, a été agrandie et des centaines de touristes indiens et du monde entier continuent de l’emprunter quotidiennement de façon illégale pour observer les Jarawas au cours de « safaris humains », avec la complicité des autorités locales.

C’est le magazine britannique The Observer qui avait, en 2012, révélé l’ampleur du trafic organisé autour de la réserve protégée des Jarawas. L’article était accompagné d’enregistrements prouvant sans équivoque l’implication des autorités locales et des braconniers dans le « trafic humain des Jarawas », dont des vidéos filmées par les policiers eux-mêmes où l’on voyait des femmes aborigènes danser à moitié nues devant des touristes en échange de nourriture.

Après avoir été démenti par les autorités dans un premier temps, le scandale de l’exploitation des Jarawas avait ému l’Inde et la communauté internationale, qui avaient fait pression sur le gouvernement indien pour que soient prises d’urgence des mesures de protection des aborigènes.

Les Nations Unies, le ministère indien des Affaires tribales, Survival International et d’autres ONG avaient condamné officiellement les « safaris humains » tandis que des milliers de voyageurs, informés en grande partie via les réseaux sociaux, avaient boycotté le tourisme sur les îles Andaman, « tant que les droits des Jarawas ne seraient pas respectés ». Cette initiative avait été relayée par les Eglises chrétiennes en Inde, très engagées dans la lutte pour les droits des aborigènes, par l’intermédiaire de leurs propres médias comme The Christian Today, The Indian Catholic ou de sites tels que catholic.org.

Les mesures de restriction concernant l’entrée dans la réserve avaient été renforcées (2) et les autorités andamanes s’étaient engagées à ouvrir une route maritime alternative d’ici mars 2015, en vue de détourner les touristes circulant sur l’ATR. Mais l’autorisation environnementale pour cette nouvelle route maritime n’a toujours pas été accordée, ce qui rend très hypothétique le respect des échéances.

Alors que l’activité touristique illégale « à la rencontre des Jarawas » se poursuit, les dégâts déjà constatés au sein de la tribu sont de plus en plus visibles et menacent de devenir irréversibles, avertit Survival International qui révèle en outre que les enlèvements et les viols de femmes aborigènes se sont récemment multipliés.

En février dernier, c’est à nouveau The Observer qui a dénoncé, sur la base de témoignages des Jarawas eux-mêmes, l’exploitation sexuelle dont sont victimes leurs femmes, droguées ou sous l’emprise de l’alcool, des fléaux introduits dans le tribu par les trafiquants. Le journal britannique relayait des informations publiées par l’Andaman Chronicle, qui, avec d’autres médias locaux, rapportait également l’augmentation inquiétante des affrontements entre des membres de la tribu et les autres habitants des îles.

Le 4 mars, lors de l’envoi officiel du compte à rebours, Stephen Corry, directeur de Survival International, déclarait : « Les îles Andaman sont désormais inextricablement liées à cette affaire embarrassante, et si pratiquement rien n’a été fait pour prévoir un itinéraire alternatif à la route, aucun signe n’indique que le débat aboutira bientôt. Cela fait un an que les autorités des îles Andaman ont promis à la Cour suprême d’aménager une route d’ici mars 2015, mais cet engagement est de plus en plus dénué de sens. Les autorités doivent s’en tenir à la date limite qu’ils se sont imposés. Dans le cas contraire, l’avenir s’annonce extrêmement sombre pour les Jarawas. »

Les Jarawas ne sont pas les seuls à inquiéter les organisations de défense des peuples autochtones. Le tourisme est actuellement en plein essor sur le territoire des îles Andaman-et-Nicobar, qui forment un ensemble de plus de 570 îles, apprécié pour leur environnement paradisiaque et surtout pour la présence rare de tribus indigènes longtemps isolées du monde extérieur (3). Mais aujourd’hui plusieurs tribus des Andaman ont déjà payé le prix de l’intrusion brutale de la modernité dans leur environnement naturel (4).

Alors que le groupe des Jarawas comptait près de 8 000 individus à l’époque britannique, on en recense aujourd’hui moins de 400. Décimés par des maladies contre lesquelles ils n’étaient pas immunisés, les aborigènes sont également devenus dépendants du tabac, de l’alcool, de la drogue et de la nourriture fournis par les colons en échange de « prestations » pour les touristes, sans compter les menaces que font peser désormais sur l’ensemble du groupe, l’exploitation sexuelle des femmes jarawas par les trafiquants.

(eda/msb)