Eglises d'Asie

Six hindouistes acquittés du viol d’une religieuse en 2008

Publié le 14/03/2014




Sur les dix suspects arrêtés et accusés d’avoir participé au viol collectif de Sr Meena Barwa lors des violences antichrétiennes de 2008 en Orissa, seuls trois d’entre eux viennent d’être reconnus coupables par la justice.

Ce matin, vendredi 14 mars, le tribunal du district de Cuttack a rendu son verdict concernant le procès très suivi de Sr Meena, religieuse catholique qui avait été violée par un groupe d’extrémistes hindous pendant la vague de violence antichrétienne qui avait déferlé sur l’Orissa et en particulier le district du Kandhamal en 2008, faisant plus d’une centaine de morts, près de 55 000 déplacés, ainsi que de milliers de maisons, de lieux de culte et d’institutions détruits.

Plus de cinq ans après les faits, suivis de multiples incidents de procédures, de menaces contre la religieuse et les témoins, la décision de la Cour a déclenché la jubilation des hindouistes du Bharatya Janata Party (BJP) et la consternation des chrétiens.

Bien que les neuf suspects (le dixième est en fuite) aient été reconnus formellement par la religieuse et les témoins, la Cour n’a reconnu la culpabilité que de trois d’entre eux, acquittant les six autres qui ont été remis en liberté.

L’Eglise catholique a fait part de son « indignation devant une telle injustice » par la voix de Mgr John Barwa, archevêque de Cuttack-Bhubaneshwar, lequel a dénoncé la partialité du tribunal et sa « complicité patente » avec les agresseurs, tous membres du BJP de l’Orissa, alors que l’Inde se prépare aux élections générales dans un contexte très favorable aux hindouistes.

Sr Meena travaillait avec le P. Thomas Chellan au centre pastoral Divyajyoti à K Nuagaon, dans le district du Kandhamal, épicentre des attaques, lorsqu’un groupe d’une cinquantaine d’hindouistes les ont attaqués le 25 août 2008. La religieuse et le prêtre ont été frappés, puis déshabillés par leurs agresseurs qui les ont forcés à parader nus dans le village. Après avoir envisagé de brûler vifs les deux chrétiens, ils ont préféré les torturer puis violer la religieuse. Les victimes et les témoins ont rapporté que la police, présente pendant les faits, « n’avait pas bougé », malgré leurs supplications de Sr Meena et du P. Chellan de leur venir en aide.

Mgr John Barwa, archevêque de Cuttack-Bhubaneshwar et oncle de Sr Meena, qui a soutenu sa nièce depuis son premier témoignage deux mois après le viol, ainsi que tout le long du procès, avait tenté, en vain, de faire transférer l’affaire devant un tribunal hors de l’Orissa, arguant des menaces de mort qui avaient été proférées à l’encontre de la religieuse.

Avant lui, son prédécesseur, Mgr Raphael Cheenath, avait saisi la Cour suprême, afin de demander que l’enquête soit transférée entre les mains du CBI (Central Bureau of Investigation), en raison des collusions patentes entre les institutions de l’Etat et le BJP, reconnu comme étant à l’origine des violences. Il n’avait pu obtenir que la délocalisation en 2010 du dossier du district de Kandhamal à celui de Cuttack, plus éloigné du lieu des attaques mais toujours en Orissa.

Sajan K. George, président du Conseil global des chrétiens indiens (GCIC), a réagi ce 14 mars, dès l’annonce de la décision du tribunal, qu’il a qualifiée de « parodie de justice ». « Les neuf criminels étaient clairement impliqués », a-t-il déclaré, « le verdict de cette Cour ne fait qu’affirmer l’insensibilité des juges envers ce crime horrible ».

Selon Sajan George, qui suit de très près le dossier, « la complicité de la police avec les auteurs du crime, qui ressort de l’enquête et de l’action pénale, indique un préjugé de l’institution elle-même à l’encontre de la communauté chrétienne (…) et l’abandon délibéré des devoirs constitutionnels ».

Le cas de Sr Meena est symptomatique de l’impunité dont ont bénéficié les auteurs des attaques antichrétiennes de 2008, poursuit le président du GCIC. Sur plus de 3 000 plaintes déposées par les chrétiens (un chiffre bien inférieur au nombre réel des exactions, les victimes n’osant pas porter plainte par crainte des représailles), seules 1 500 ont été transmises par la police.

Sur ces dernières, 828 ont donné lieu à un procès qui ont abouti à un acquittement des accusés dans 169 de ces cas. Quant aux procédures qui se sont conclues par des condamnations, elles ont été très légères au regard de la gravité des faits (massacres, meurtres, viols, torture, incendies volontaires) ou n’ont toujours pas abouti (report des audiences, absence des juges, rétractation des témoins sous la menace, etc.).

(eda/msb)