Eglises d'Asie

Le cardinal archevêque de Saigon commente le geste particulier du pape François à son égard

Publié le 25/03/2013




Par deux fois (le 13 et le 15 mars), après son élection, le nouveau pape François s’est incliné pour baiser l’anneau épiscopal du cardinal Jean-Baptiste Pham Minh Mân, archevêque de Saigon. Cette attention spéciale, rapportée par les grands médias internationaux, a surpris et intrigué. Le cardinal Mân commente lui-même ce geste dans une interview qu’il a accordée au directeur de l’agence de presse Vietcatholic News, le P. Trân Công Nghi (1). Dans cet entretien, …

… le cardinal répond à un certain nombre de questions concernant le déroulement du conclave, le nouveau pape, mais aussi la récente contribution de la Conférence épiscopale du Vietnam au projet d’amendement de la Constitution en vigueur.
La rédaction d’Eglises d’Asie a traduit le texte vietnamien de l’entretien :

Vietcatholic News : Quelle impression vous laisse l’élection du nouveau pape ?

Avant le conclave, les cardinaux, au nombre de 200, ont participé aux diverses congrégations générales pendant une semaine. Grâce à cela, ils ont eu la possibilité de se connaître davantage, de se fréquenter et de sympathiser. J’ai l’impression qu’ainsi, leur esprit de communion fraternelle dans l’Eglise s’est intensifié et approfondi. C’était extrêmement nécessaire alors que l’évangélisation rencontre tant de défis de la part du monde moderne.

Quel est le grand défi de notre époque ?

A travers les interventions des cardinaux lors des congrégations générales, j’ai compris que le défi le plus brûlant était le courant de sécularisation qui transforme la vie spirituelle de nombreux catholiques en véritable désert, dessèche leur ferveur religieuse, les attire vers les manières de faire de ce monde et les rend accessibles aux tentations du démon.

Notre nouveau pontife François a appelé tous les hommes à prier avec assiduité pour demander au Saint Esprit qu’il renouvelle l’esprit de l’homme, qu’il éclaire son cœur afin que celui-ci découvre de nouvelles manières d’évangéliser sa vie, qu’il prenne conscience qu’il doit devenir un homme, c’est-à-dire se perfectionner lui-même, gérer sa famille et gouverner son pays.

En ce qui concerne l’évangélisation, sur quel point insisteriez-vous davantage ?

La situation actuelle est telle que la sécularisation s’est répandue dans toutes les sociétés aussi bien occidentales qu’orientales. Le plus important pour chacun est de se mettre sous la conduite de l’Esprit, à la suite du Seigneur Jésus, le fils de Dieu fait homme, incarné dans notre condition humaine, pour partager notre destin, lui qui nous a aimés jusqu’au bout, nous a humblement servis pour que nous obtenions une vie nouvelle et un développement humain intégral. Les défis de la société d’aujourd’hui exigent que nous nous mettions au service de la vie humaine dans le dialogue plutôt que l’affrontement, dans la collaboration plutôt que l’exclusion mutuelle. Le dialogue et la collaboration, comme nous l’enseignent Vatican II et les instructions de l’Eglise, nous entraîneront sur le chemin de la lumière, de la vérité et de l’amour du Christ. Ils ne se fondent pas sur la puissance et la violence de ce monde, mais ils nous conduisent à rassembler nos forces pour nous édifier et nous renouveler les uns les autres plutôt que pour nous opposer et nous éliminer.

Un commentaire à propos du récent conclave ?

J’ai constaté que, grâce à la période préliminaire d’une semaine pendant laquelle les cardinaux se sont préparés très soigneusement, ce conclave s’est déroulé dans un climat serein, amical et détendu, dans la communion fraternelle.

Quelles sont vos premières impressions sur le nouveau pape François ?

Nous n’avons fait connaissance avec lui que pendant les jours précédant le conclave à travers ses interventions au cours de nos réunions. Après son élection, la chaleur du salut qu’il m’a adressé, le geste qu’il a eu à mon égard (par deux fois, il s’est incliné pour baiser l’anneau que je portais au doigt, une première fois, immédiatement après son élection, dans la soirée du mercredi 13 mars, une seconde fois, lors de l’audience accordée aux cardinaux, vendredi 15 mars) m’ont donné le sentiment que notre nouveau pontife était un homme au cœur sincère, modeste, plein de bonté et d’une grande largeur de vue.

Que pensez-vous de la lettre de la Conférence épiscopale concernant la refonte de la Constitution du Vietnam ?

Je m’en réjouis. Je me réjouis de voir les évêques vietnamiens s’avancer dans la lumière de la vérité et de l’amour du Christ sur le chemin du dialogue et de la collaboration, un chemin ouvert par le Concile Vatican II pour le service et le renouvellement de la vie humaine. Je pense que seule la voie de l’amour et du service proposée par le Christ peut conduire le peuple vietnamien ainsi que le genre humain vers la source de la vie nouvelle.

Je me réjouis de voir que les évêques n’ont pas emprunté la voie de la lutte politique et se sont détourné de l’affrontement et de l’exclusion mutuelle. L’expérience humaine montre que si, d’une certaine façon, les conflits contribuent au progrès, ils sont par ailleurs à l’origine de maux très graves pour les pays, et constituent de très grands obstacles au développement et à l’épanouissement de la vie humaine.

Pour toutes ces raisons, je pense que la refonte de la Constitution n’est encore qu’une étape sur la voie du renouvellement des esprits et des cœurs de chacun, ainsi que de l’amélioration de la vie du peuple vietnamien, dans les domaines de la culture, de l’éducation, de l’économie et de la politique (2).