Eglises d'Asie – Inde
Dans un Nord-Est indien en proie à des troubles récurrents, les catholiques de l’ethnie naga travaillent à instaurer la paix
Publié le 18/03/2010
Le Nagaland (1), patrie des Nagas, est une des “sept sours appellation sous laquelle sont connus les sept Etats du Nord-Est de l’Inde. Depuis des décennies, demandes d’autonomie et d’indépendance par les différents groupes ethniques, rivalité entre ces groupes et au sein des ethnies font que la région est le théâtre de violences et de tensions récurrentes.
Une des sources de tension est la demande faite par les communautés nagas de former un “grand Nagaland” qui regrouperait des secteurs pris sur l’Arunachal Pradesh, l’Assam et le Manipur, trois Etats voisins où vivent aussi des Nagas. En 1947, lors de l’indépendance de l’Inde, les leaders du peuple naga avaient accepté de renoncer à revendiquer la création d’un Etat indépendant qui aurait aussi inclus une partie de la Birmanie voisine. Depuis, la revendication d’un Nagaland étendu n’a jamais véritablement cessé et, dernièrement, un des plus importants groupes naga négocie avec New Delhi un accord, dont les bases sont vigoureusement rejetées dans les trois autres Etats voisins, inquiets à la perspective de voir leurs frontières redéfinies.
Dans l’Etat de Manipur, ces négociations inquiètent tout particulièrement l’ethnie Meithei, qui craint que la proposition naga réduise considérablement la surface de son Etat. Les Meithei, à majorité hindoue, représentent la communauté la plus importante du Manipur. Elle est surtout concentrée dans la vallée d’Imphal, soit environ un dixième de la superficie de l’Etat, le reste du territoire du Manipur étant formé de régions peu peuplées, au relief accidenté, où prédominent les ethnies naga et kuki, de religion chrétienne. En 2001, plus d’une dizaine de Meithei se sont immolés par le feu à Imphal, capitale du Manipur, pour protester contre la perspective de voir les parties peuplées de Nagas de leur Etat détachées du Manipur. Quatre ans plus tard, l’opposition des Meithei est toujours aussi résolue, tandis que les Nagas du Manipur font pression pour leur intégration au Nagaland.
C’est dans cette atmosphère difficile que l’Association catholique du Nagaland et la Fédération catho-lique des Nagas du Manipur ont organisé ce séminaire du mois de juin pour rappeler à tous le message de paix de la Bible. Dans chaque situation conflictuelle, l’Eglise croit que “la paix est possible ont déclaré les organisateurs du séminaire. Le communiqué de presse affirme que la paix se réalisera à condition que les Nagas soient “sincères” et “vraiment reliés à Dieu” et à leurs frères humains. “Le sacrifice est un élément essentiel pour bâtir la paix. Ainsi, la société naga devrait-elle être prête aujourd’hui à accepter des sacrifices pour mieux en récolter les fruits demain pouvait-on lire.
Les intervenants à ce séminaire ont tous souligné la nécessité de la charité, du respect de la vie, du dialogue et de la volonté tranquille d’arriver à résoudre les conflits. Le P. John Kashipri, un prêtre naga de l’archidiocèse d’Imphal, a déclaré que, si les catholiques ne parvenaient pas à faire sentir leur présence “à un tel moment ils se sentiraient laissés pour compte et dépassés par les Eglises protestantes dominantes “quand la solution au problème ancestral des Nagas apparaîtra un jour ou l’autre”.
A l’issue du séminaire, il a été recommandé que des groupes d’études communs soient constitués avec des catholiques venus des quatre Etats, au moins une fois par année. Il a été aussi suggéré la formation d’une équipe commune d’animation avec des représentants de l’Association catholique du Nagaland et de la Fédération catholique des Nagas du Manipur pour visiter la région et éveiller une conscientisation en faveur de la paix. “Ce séminaire est sans doute le premier programme officiel de l’Eglise catholique consacré à l’insoluble problème des Nagas a déclaré Sokho George, président de la Fédération du Manipur.
L’Eglise veut “la vérité, la justice et la paix a déclaré Mgr Jose Mukala, évêque de Kohima, dans son allocution. “Dieu doit avoir sa place dans tout notre travail en faveur de la paix, mais, en même temps, il nous faut respecter le droit des autres et nous garder de toute radicalisation identitaire” (2Prenant la parole devant les participants au séminaire, Mgr Thomas Menamparampil, le très respecté archevêque de Guwahati, a déclaré que, tout en pensant que la recherche par un peuple de sa propre identité était une bonne chose, il était nécessaire de mettre en garde chacun contre les dangers de l’ethnocentrisme. Guwahati est la capitale commerciale de l’Assam.