Eglises d'Asie – Philippines
Mindanao : les évêques catholiques cherchent une réponse commune à la reprise du conflit entre le MILF et Manille
Publié le 18/03/2010
Tels sont les propos tenus le 4 septembre par Mgr Romulo de la Cruz, évêque de Kidapawan, diocèse situé dans la province de Cotabato-Nord (partie sud-ouest de Mindanao), en référence à la non-signature, au mois d’août, du Memorandum of Agreement on Ancestral Domain (MOA), texte du préaccord qui fixait les modalités futures de l’existence de la Région autonome musulmane de Mindanao (1).
Dès la fin août, une dizaine d’évêques, sur les vingt-quatre que compte l’Eglise catholique à Mindanao, s’étaient réunis, déclarant à l’issue de leur rencontre qu’il était de leur responsabilité « d’agir en tant que corps épiscopal ». Ils soulignaient qu’ils avaient « convenu que le processus de paix devait continuer », mais que cela ne pourrait « sans doute se faire que s’il revêtait un nouveau visage ». Ils insistaient également sur le fait que tout éventuel accord entre le MILF et le gouvernement ne pourrait être conclu que si des consultations « sur le terrain » étaient menées, en référence au déficit de consultations menées en amont de la rédaction du MOA.
Dans l’interminable conflit entre les représentants des communautés musulmanes de Mindanao et le gouvernement à Manille, les négociations de paix ont souvent failli aboutir, avant d’échouer à la dernière minute. En août dernier, il semblerait que c’est à nouveau ce qui s’est produit : le MILF, qui a repris le flambeau de la lutte pour l’autonomie des populations musulmanes de Mindanao après la paix signée en 1996 entre Manille et le Front Moro de libération nationale (MNLF), était parvenu à un accord avec le gouvernement sur les modalités d’existence de la future Région autonome musulmane de Mindanao. Le préaccord, le fameux MOA, bloqué cet été par la Cour suprême des Philippines, prévoyait des référendums locaux pour délimiter de nouvelles frontières, élargies, de la Région autonome musulmane de Mindanao mise en place en 1989 et c’est cet élargissement qui a posé problème.
Les évêques de Mindanao sont tous favorables à une reprise des négociations, mais tous ne se trouvent pas à la tête de diocèses aux situations équivalentes. A Mindanao, certains administrent des territoires où les chrétiens de manière générale, les catholiques en particulier, sont majoritaires et les musulmans minoritaires ; d’autres sont dans le cas contraire (2). Pour ceux dont les catholiques sont en minorité, l’application du MOA aurait eu pour conséquence qu’une partie au moins de leurs fidèles se seraient retrouvés vivre dans une région autonome confiée aux musulmans et soustraite à la loi commune philippine. Pour certains évêques de Mindanao, de telles situations doivent être étudiées avec soin avant d’être acceptées. Et, comme le précise Mgr Romulo de la Cruz, les évêques de Mindanao doivent réfléchir ensemble à une position commune sur ces sujets.
Pour les évêques, l’urgence est d’autant plus grande que, si la présidente Arroyo semble pour l’heure choisir la voie d’un règlement militaire à la question musulmane à Mindanao, elle a aussi demandé à son administration d’apporter son concours à la Conférence des évêques et des oulémas. Cette Conférence, héritière du Forum des évêques et des oulémas créé en 1996 par l’archevêque de Davao et le président de la Ligue des oulémas afin de contribuer à la paix et au développement des contacts entre chrétiens et musulmans à Mindanao, aurait notamment pour tâche de « conduire des consultations » afin de renouer les fils des négociations de paix (3).
Mais, ainsi que l’a déclaré un membre de la Conférence des évêques et des oulémas, cette instance de dialogue ne peut pas tout. Elle peut aider à mobiliser les groupes de la société civile et religieuse, contribuer à mettre en place des consultations, mais elle ne fera pas à elle toute seule la paix à Mindanao. Selon un avocat musulman de Mindanao, on peut seulement espérer que les évêques et les oulémas pourront préserver un des acquis des efforts menés pour la paix ces dernières années, à savoir que « le conflit à Mindanao n’est pas un conflit religieux », entre musulmans et chrétiens, mais est lié au fait que les Moro estiment que les injustices commises à leur encontre au fil des siècles passés ne sont pas suffisamment prises en compte, ainsi que leurs aspirations aujourd’hui à vivre dans un cadre institutionnel doté d’une certaine autonomie par rapport à Manille.