Eglises d'Asie

POUR APPROFONDIR – Mindanao : la paix insaisissable

Publié le 25/03/2010




A Mindanao, l’impasse dans laquelle se trouvent les pourparlers entre le MILF et Manille souligne, une nouvelle fois, la difficulté à faire émerger une solution politique au conflit entre les Moros, musulmans, et les habitants chrétiens du sud philippin. Le conflit ne peut se résumer à un conflit religieux, mais, de toute évidence, il comporte une dimension religieuse. C’est l’analyse qu’en fait la présidence de la République des Philippines, …

qui cherche ouvertement l’aide de la Conférence des évêques et des oulémas (voir EDA 491). A Manille, le 19 janvier 2009, sous l’égide de Hermogenes Esperon, « conseiller présidentiel pour le processus de paix », un groupe d’évêques catholiques et d’oulémas de Mindanao a voté un plan prévoyant la mise en place de « 200 groupes de discussion ». Dans huit régions de Mindanao, ces groupes mèneront de février à décembre 2009 des « consultations, communications, recherches et analyses », dont le but est de recueillir l’opinion des habitants de la région au sujet, d’une part, « des négociations de paix entre le gouvernement et le MILF » et, d’autre part, « des mesures mises en place pour assurer la paix au-delà des pourparlers officiels ». A l’issue du processus, une synthèse sera rédigée et publiée sur Internet. Pour un certain nombre d’évêques catholiques de Mindanao, si une telle initiative est « un pas dans la bonne direction », elle ne peut à elle seule apporter une solution au conflit. Trop peu de personnes seront consultées par ces 200 groupes, ont-ils fait valoir. « Si les personnes consultées ne représentent qu’elles-mêmes, alors 200 groupes ne suffisent pas à refléter le point de vue des 20 millions d’habitants de Mindanao », a notamment déclaré Mgr George Rimando, évêque auxiliaire de Davao.

 

Hermogenes ‘Jun’ Esperon a passé le plus clair de sa carrière militaire dans le sud philippin, à combattre les rebelles musulmans. Il est maintenant le plus haut responsable du gouvernement chargé de faire la paix avec eux. Cela peut sembler bizarre à première vue. Pourquoi confier ce processus délicat à un homme qui a longtemps considéré les partenaires du gouvernement dans la négociation de paix comme ses ennemis jurés ? Mais cela n’est pas dénué de logique. La longue expérience du combat acquise par M. Esperon dans le sud des Philippines l’a convaincu qu’on ne peut pas mettre fin au conflit par les seuls moyens militaires. « Il faut simplement avoir de la patience et ne jamais abandonner le processus de paix, affirme-t-il. Nous ne pouvons pas l’abandonner, parce que la seule autre issue est la guerre. Je l’ai faite neuf fois et il m’est facile de conclure que ce n’est pas la solution de ce problème. C’est une part importante du problème, mais elle ne le résoudra jamais. Alors il faut établir un dialogue. »

Néanmoins, à l’heure actuelle, la tâche de M. Esperon relève de la mission impossible. Après onze années de négociations intermittentes entre le gouvernement et le principal groupe rebelle, le MILF (Moro Islamic Liberation Front – Front Moro de libération islamique), le processus de paix s’est arrêté tout net en août 2008. Les deux parties avaient conclu un accord préliminaire qui avait donné les plus grands espoirs de voir la fin d’une insurrection vieille de 40 ans, quand il fut bloqué, puis décrété inconstitutionnel par la Cour suprême des Philippines.

Après l’injonction de la Cour, le 5 août 2008, trois commandants du MILF se déchaînèrent dans les zones chrétiennes, incendiant des maisons et tuant des dizaines de civils. Le gouvernement se retira du processus de paix, lança des opérations militaires contre les trois commandants félons et demanda que le MILF les lui livre pour les traduire en justice. Mais le MILF demanda qu’une enquête indépendante soit ouverte, que l’armée arrête ses opérations et que les discussions reprennent au point où elles avaient été arrêtées quand l’accord préliminaire avait été conclu au début d’août. Pour beaucoup de gens du MILF, le document était la marque qu’un accord avait été conclu, accord certes paraphé mais non encore signé officiellement par les deux parties. Pour le gouvernement, en revanche, ce texte n’avait plus de valeur. Que faire à partir de là ? Personne ne semblait pouvoir donner la solution. Le gouvernement, le MILF, les Nations Unies, les gouvernements étrangers et les analystes politiques, tous poussaient à reprendre les discussions. Symboliquement, un retour au dialogue pouvait favoriser une stabilisation de la situation à Mindanao, l’île du sud des Philippines qui est la scène de ces conflits. Mais le problème est que les deux parties n’arrivent pas même à se mettre d’accord sur ce que devraient aborder les discussions, non plus qu’à savoir comment aller de l’avant.

Les coûts de cette impasse sont élevés. Plus de 600 000 civils ont été déplacés depuis août et dirigés dans plus de 100 camps d’accueil, où la plupart sont encore installés par peur de rentrer chez eux. « Les gens y mènent une vie anormale, comme l’a déclaré le Docteur Reynaldo Guioguio au Comité international de la Croix-Rouge à Manille. Les enfants ne peuvent pas aller à l’école, les exploitations agricoles ont été abandonnées et la nourriture est suspecte. »

Les tensions restent très vives entre les communautés musulmanes et chrétiennes, alors que des civils chrétiens puissamment armés mais sans aucun entraînement vivent dans certains cas à moins de quelques kilomètres du MILF. De plus, l’omniprésence des militaires à Mindanao représente une ponction de taille dans les caisses du gouvernement, à un moment où les Philippines ont à faire face à d’autres problèmes autrement urgents, dont le moindre n’est pas celui de savoir comment surmonter la crise économique mondiale.

Cette impasse menace également de compliquer les efforts communs des Etats-Unis et des Philippines contre le terrorisme. Ces efforts visent principalement le groupe Abu Sayyaf, un mouvement terroriste qui s’est développé sur place et a kidnappé et (dans un cas) décapité des touristes étrangers, ainsi que les membres de la Jemaah Islamiyah, un réseau terroriste basé en Indonésie qui est responsable des attentats à la bombe de Bali en 2002. Les Etats-Unis ont récemment enlevé le MILF de leur liste des organisations terroristes. Le MILF a, en effet, en 2005 et 2006, coopéré avec les militaires philippins pour débusquer et supprimer les terroristes radicaux et les autres éléments réputés « criminels ». Mais lorsque le processus de paix a été interrompu, cette coopération l’a été également.

Le MILF dénie vigoureusement toute participation à l’attaque de civils ou à d’autres actes de terrorisme. Il a même été jusqu’à insinuer que le gouvernement était derrière les récentes attaques à la bombe à Mindanao, dans le but de créer de l’agitation en même temps qu’un prétexte pour juguler leur mouvement. Il dénie également tout lien avec la Jemaah Islamiyah ou Abu Sayyaf. Mais l’International Crisis Group et d’autres organismes du même genre ont donné des preuves de liaisons entre les commandants radicaux du MILF – notamment un des trois chefs rebelles, le Commandant Umbra Kato, formé en Arabie Saoudite – et des combattants étrangers du djihad. L’impasse actuelle pourrait réactiver et renforcer de tels liens ; en fait, des commentaires récents de l’armée philippine et du gouvernement laisseraient penser que c’est déjà le cas. L’arrêt du processus de paix donne le temps aux terroristes de se regrouper.

« Quand le gouvernement n’est pas à leurs trousses, c’est une occasion pour eux de se reprendre ou d’exploiter la situation. C’est ce que pense Aboud Syed Lingga, directeur de l’Institute of Bangsamoro Studies, basé à Cotabato City. Le risque est tout à fait réel. »

Un pays transformé en garnison

Ici, dans la partie ouest de Mindanao, à 1 300 kilomètres au sud-est de Manille, au sein des terres fertiles de riz et de cocotiers, la présence militaire est massive. Des soldats armés de M 16 sont stationnés sur le tarmac de l’aéroport de Cotabato City. Des camions hérissés de soldats dévalent à toute allure les routes bordées de bananiers. Et les blindés de l’armée sillonnent la campagne pour protéger les fermes et les communautés chrétiennes des attaques du MILF. Depuis le mois d’août, les militaires sont à la recherche des trois commandants rebelles, mais leur traque reste sans succès.

Depuis sa modeste maison à Cotabato City, Eid Kabalu, porte-parole du MILF, clame que le MILF tient toujours les trois hommes sous son contrôle (les analystes ne partagent pas cette affirmation). Il explique que ces trois hommes sont animés par la haine, conséquence des violences qu’ils ont eux-mêmes vécues. Prenez par exemple Abdullah Macapaar, mieux connu sous le nom de Commandant Bravo. Il est le chef du MILF accusé des pires attaques sur les civils dans les régions chrétiennes. Eid Kabalu met en avant que les membres de la famille du Commandant Bravo ont été victimes des milices chrétiennes – l’Ilaga – lorsque la guerre entre les communautés faisait rage à Mindanao, il y a trente ans. « Il a un passé de violence, explique ainsi Eid Kabalu. Son père, sa mère, son frère et sa sœur ont été massacrés par l’Ilaga dans les années 1970. Vous pouvez donc facilement deviner quel genre d’homme il peut être. »

Amener des gens comme le Commandant Bravo dans le processus de paix n’est pas chose facile. Et l’arrêt des pourparlers rend cette perspective encore plus difficile, en semblant justifier le scepticisme des irréductibles du MILF quant à l’utilité des négociations. Néanmoins, Eid Kabalu insiste pour dire que le MILF est favorable à la paix, ce que les commentaires du conseiller présidentiel Hermongenes Esperon reproduisent fidèlement. Il fait en effet observer que seulement un ou deux membres du Comité central du MILF, qui en compte dix, se sont opposés à l’accord du 5 août et que l’aile militaire du MILF n’a qu’une seule voix dans les votes du Comité. « Nous sommes contraints à trouver une solution pacifique à ce problème. »

Selon Eid Kabalu, le principal point de désaccord avec le gouvernement demeure le « domaine ancestral ». C’est-à-dire la superficie du territoire qui sera concédée à la région autonome élargie des Moros (c’est ainsi que s’appellent eux-mêmes les musulmans du sud philippin). L’accord du 5 août aurait agrandi une région déjà existante à Mindanao et dans les îles proches et octroyé un contrôle Moro plus large sur les ressources locales et leurs revenus. Avec cet accord, plusieurs communautés à majorité musulmane jouxtant la Région autonome musulmane de Mindanao existante (ARMM) auraient pu envisager de la rejoindre pour créer une plus grande « Entité juridique Bangsamoro » (Bangsamoro – ou ‘Nation Moro’ – Judicial Entity, BJE). D’autres régions frontalières de cette BJE auraient dû bénéficier d’un programme de discrimination positive (affirmative action) pro Moro pour une durée de 25 ans, suivie d’un plébiscite qui aurait décidé de leur rattachement à la BJE. Les autorités de la BJE auraient retenu 75 % des impôts, pour n’en laisser que 25 % à destination de Manille – une avancée majeure pour les activistes Moros qui ont toujours insisté sur une autonomie significative. Et, enfin, elles auraient eu le contrôle du gaz naturel, des éventuels champs pétroliers et des autres ressources. Toutefois, les deux parties insistaient pour dire que le document signé n’était qu’un accord préliminaire, laissant beaucoup de détails à préciser ultérieurement.

Selon un grand nombre d’indicateurs de développement, Mindanao est la région la plus pauvre des Philippines. Les donateurs étrangers, y compris les Etats-Unis, ont déversé des centaines de millions de dollars dans la région et fait miroiter la possibilité d’une aide encore plus importante en cas de paix. D’autres pays comme l’Australie sont également intervenus. Il y avait une logique derrière ces aides : la pauvreté et le sous-développement créent des zones sans foi ni loi où prospèrent les rebelles et les terroristes.

Mais à Mindanao, certains insistent pour dire que le problème n’est pas fondamentalement un problème économique. « Tout effort de paix qui n’irait pas jusqu’aux racines du problème ne pourrait être qu’une solution provisoire, affirme Raby Angkal, porte-parole de l’Alliance de Mindanao pour la Paix, dans un entretien à Cotabato City. La solution doit être politique. Et le problème trouve son origine dans l’injustice que montre le gouvernement philippin envers le Bangsamoro. »

Après que l’islam eut pris pied dans le sud des Philippines au XIIIème siècle de notre ère, des sultanats se sont développés, à la manière de ce qui s’est passé dans les contrées voisines de la Malaisie et de l’Indonésie. Quand les colonisateurs espagnols sont arrivés au XVIème siècle, ils ont donné pour surnom aux habitants celui de Moros et ont été frappés de l’entêtement qu’ils mettaient à refuser de se soumettre à la domination espagnole. Les Etats-Unis ont rencontré la même résistance farouche quand ils ont essayé de « pacifier » les Philippines après leur victoire dans la guerre hispano-américaine de 1898 et leur annexion de l’archipel.

Après s’être battus contre les Espagnols et les Américains, les Moros reprirent les armes dans les années 1960 contre ceux qu’ils considéraient comme de nouveaux colonisateurs – le gouvernement des Philippines basé à Manille. Au début, ils se sont battus pour leur indépendance. Mais deux des principaux groupes rebelles (le MILF et son homologue le MNLF, le Front Moro de libération nationale) se sont par la suite décidés pour une autonomie significative. Une région autonome musulmane fut créée en 1990 et le MNLF fit la paix avec le gouvernement six ans plus tard. Mais l’accord auquel ils étaient parvenus n’était pas assez favorable pour le MILF, qui continua la lutte armée. Finalement après onze années de pourparlers et des décennies de rébellion qui ont fait près de 160 000 morts, le MILF a fait savoir son intention de déposer les armes. Il a été d’accord pour un « Memorandum of Agreement on Ancestral Domain » (MOA-AD), le texte qui devait être signé le 5 août dernier.

Pour quelques observateurs, le fait que le gouvernement se soit retiré de l’accord après des négociations particulièrement longues est une nouvelle traîtrise de sa part. M. Ramy dit qu’il s’agit « tout simplement d’une injustice de plus envers le peuple Bangsamoro. Le MOA-AD est un accord équilibré entre l’autodétermination du peuple Bangsamoro et les intérêts du gouvernement des Philippines. Cela n’est qu’une feuille de route – mais c’est la meilleure route pour parvenir à la fin du conflit ».

Des colons sceptiques

Les leaders chrétiens à Mindanao sont d’un autre avis. Ils affirment n’avoir pas été suffisamment consultés sur l’accord en question, qui aurait des conséquences directes sur leurs communautés.

Loreto Cabaya, le maire d’Aleoson Town dans la province de Cotabato, annonce que les rebelles du MILF sous les ordres du Commandant Umbra Kato ont commencé à venir dès le mois de juin dernier près des fermes des chrétiens, afin d’intimider les résidents et de s’emparer de leurs terres, en avance sur l’accord préliminaire. Plus tard, en juillet, ils ont tiré sur des fermiers chrétiens sans arme et ont tué de sang froid une vieille femme dans son champ de riz. Il ajoute que ces incidents ne peuvent pas être réduits à une simple opposition entre chrétiens et musulmans ; il affirme que les rebelles du MILF ont incendié quelque 600 maisons dans la région – dont 400 appartenaient à des musulmans considérés comme sympathisants du gouvernement ou bien mêlés à de sordides disputes de clans (rido) avec des chefs du MILF.

En réponse, 450 civils volontaires d’Aleosan ont pris les armes pour combattre les rebelles musulmans. « Nous voulons qu’ils nous respectent », explique Loreto Cabaya au cours d’un entretien donné dans son vaste bureau de maire. Sur un balcon derrière lui, un garde du corps semble bercer dans ses bras un fusil d’assaut M 16. « Ils veulent nos terres – mais nous les voulons aussi. Ces terres ont été acquises légalement auprès des pères de ceux qui forment aujourd’hui les rangs du MILF. »

Encouragés par le gouvernement, des chrétiens du centre des Philippines se sont installés en grand nombre à Mindanao, surtout après la deuxième guerre mondiale. Ils ont acheté des terres aux musulmans. L’un d’eux était le père de Loreto Cabaya, un touche à tout (coiffeur, charpentier, tailleur) qui est s’est installé ici en 1968, venant de l’île de Negros au centre des Philippines, avec sa femme et son fils, âgé alors de trois ans, pour « retrouver la nature », comme l’explique Loreto Cabaya. Maintenant leur terre est au cœur d’une dispute territoriale : leur appartient-elle en toute légalité ou fait-elle partie du « domaine ancestral » qui doit revenir à une région autonome musulmane ?

Des colons chrétiens comme Loreto Cabaya affirment que le gouvernement ne devrait pas satisfaire aux demandes du MILF, car ce dernier ne sera satisfait que lorsqu’il aura obtenu l’indépendance. « Nous avons toujours peur qu’il n’arrive une nouvelle attaque, car il n’y a pas d’accord de paix, explique-t-il. Aussi sommes-nous très pessimistes. »

En dépit des tensions, les analystes estiment que la probabilité d’un conflit militaire majeur est très faible. « Les deux parties sont passablement épuisées, estime Scott Harrison, directeur de la société de consultants Pacific Strategies and Assessments, basée à Hongkong. Le gouvernement n’a pas les ressources nécessaires en hommes, en argent et en munitions pour se lancer dans une guerre à tout va contre le MILF. » Mais après la décision de la Cour suprême, il n’y a pas de moyen évident de sortir de l’impasse. Amender la Constitution ouvrirait la possibilité d’un accord proche de celui qui était sur la table en août dernier, mais mettre en œuvre ce changement ne sera pas une mince affaire.

« Finalement, la seule façon de rendre un accord acceptable serait d’amender la Constitution pour le rendre légal, explique encore Scott Harrison. Mais, franchement, vous ne trouverez jamais à Mindanao une majorité qui vous permette une telle chose. Parce qu’il n’y a plus de majorité musulmane à Mindanao – la majorité est chrétienne. C’est ce qui fait que je suis, avec de nombreux autres observateurs, assez pessimiste quant à la possibilité de parvenir à une solution qui satisfasse les deux parties. » Si l’on n’amende pas d’abord la Constitution, le MILF ne sera nullement enclin à penser que l’administration est capable de tenir ses promesses. « Quelle garantie peut donner le gouvernement qu’un nouvel accord auquel on parviendrait ne serait pas de nouveau rejeté par la Cour ? », interroge Aboud Syed Lingga, de l’Institute of Bangsamoro Studies.

Pendant ce temps, l’incapacité du gouvernement de Manille à parvenir à un accord risque d’enkyster le conflit. Aboud Syed Lingga pense en effet que « si la communauté philippine [i.e. chrétienne] ne peut pas accepter de compromis, il y aura des gens dans la population de Bangsamoro pour dire : ‘N’acceptons plus de compromis’. Et cela poussera les deux parties à des positions extrêmes. » C’est bien la raison pour laquelle le gouvernement et le MILF doivent retourner à la table des négociations.

Le premier problème est de livrer à la justice les trois commandants félons du MILF, peut-être en parallèle avec une enquête sur les violations supposées des droits de l’homme commises par l’armée depuis le mois d’août. Pendant ce temps, et dans un climat de violences continues, la priorité des priorités pour l’armée et la police devrait être de rechercher les combattants étrangers du djihad – particulièrement ceux de la Jemaah Islamiyah – qui pourraient chercher à tirer profit du désordre. Après cela, de petits accords partiels pourraient être la meilleure façon d’avancer – sans rechercher l’accord total promis par l’accord du 5 août. Cet accord a donné une image de ce à quoi pourrait ressembler une solution définitive à Mindanao. Mais le gouvernement a beaucoup à faire pour répondre aux préoccupations des communautés chrétiennes tout au long des négociations.

Il y a pourtant quelque espoir qu’un changement constitutionnel plus important puisse en fin de compte apporter les avancées nécessaires. Il pourrait abaisser les barrières juridiques qui empêchent un accord à Mindanao en amenant tout le pays – et pas seulement sa partie musulmane à Mindanao – à un système fédéral qui conférerait une autonomie plus large à toutes les provinces et à toutes les localités. Une proposition en ce sens a été déposée au Sénat. Malheureusement, les observateurs – qui sont nombreux dans l’administration – voient tout essai de changement de la Constitution (surnommé « cha-cha » pour « Charter Change ») comme le camouflage par la présidente Gloria Macapagal-Arroyo d’une tentative d’extension de son mandat. Cela signifie qu’une telle révision devra très vraisemblablement attendre que la présidente quitte sa fonction en 2010 (si jamais elle la quitte, comme le disent les cyniques). Jusque-là, le travail pour les deux parties en présence est de maintenir en vie le processus de paix.