Eglises d'Asie

Les catholiques vietnamiens participent à la levée de boucliers contre l’exploitation de la bauxite sur les Hauts Plateaux du Centre

Publié le 25/03/2010




Répondant à une invitation lancée trois jours auparavant par la paroisse, quelque 5 000 catholiques de Hanoi, parmi lesquels de nombreux étudiants, sont venus participer à la messe et à la veillée de prière aux flambeaux qui se sont déroulées dans l’église de Thai Ha, le 25 avril au soir. L’intention principale proposée à la prière de l’assemblée était la cessation immédiate des travaux d’exploitation…

… de la bauxite sur les Hauts Plateaux du Centre, des travaux qui menacent très gravement l’environnement de cette région, son économie et la souveraineté nationale. L’assemblée a également prié pour que la justice soit rétablie à l’intérieur du Vietnam et, plus particulièrement, dans la paroisse où les autorités municipales venaient de se livrer à un nouvel empiètement sur la propriété de la communauté rédemptoriste (1). Durant la messe et l’homélie, des religieux rédemptoristes ont alerté les fidèles sur les graves conséquences que l’exploitation de la bauxite pourrait avoir sur le milieu de vie des ethnies montagnardes habitant les Hauts Plateaux. Les catholiques se sont ainsi associés à un mouvement de protestation qui anime aujourd’hui une partie de la population contre ce projet d’exploitation, confié par le gouvernement à des entreprises chinoises, venues avec leur propre encadrement et leur propre main-d’œuvre.

Les autorités policières de Hanoi se sont inquiétées et irritées de cette manifestation et ont, par deux fois, convoqué à leur siège pour une « séance de travail », son organisateur, le P. Nguyên Van Khai. Mais celui-ci a décliné l’invitation, arguant des occupations que lui impose son ministère sacerdotal le samedi et le dimanche. Le lundi 27 avril, deux journaux de la capitale, Ha Nôi Moi et An Ninh Thu Dô, ont violemment attaqué l’initiative des religieux rédemptoristes et leur ont attribué des arrière-pensées politiques ainsi que des desseins subversifs.

Est-il opportun d’exploiter la bauxite sur les Hauts Plateaux du centre du pays ? Le problème est en train d’enflammer une partie de l’opinion publique du pays, qui, pour la première fois depuis la mise en place du régime communiste, se manifeste aussi ouvertement. Une déclaration publique du Premier ministre, qui a affirmé, le 5 février dernier, que cette exploitation était un élément essentiel du projet politique du parti et de l’Etat, n’a pas réussi à faire taire les protestations qui ont surgi de toutes parts, à l’intérieur comme à l’extérieur du Parti communiste. L’exploitation de ce minerai est en effet considérée par beaucoup d’experts comme susceptible d’engendrer des conséquences particulièrement néfastes sur l’environnement de la région du Centre et le mode de vie des ethnies minoritaires qui y habitent. En outre, l’extraction et le traitement du minerai ont déjà été confiés à des entreprises et à des ouvriers chinois. Beaucoup y voient une dangereuse menace pour la souveraineté nationale du pays en cette région, stratégiquement très importante selon le général Vo Nguyên Giap, qui a déjà adressé deux lettres de mise en garde aux autorités suprêmes du pays. L’inquiétude est d’autant plus grande que, depuis quelque temps, la presse officielle elle-même dénonce l’entrée illégale dans le pays d’ouvriers chinois de plus en plus nombreux, venant constituer la main-d’œuvre d’entreprises elles-mêmes chinoises.

Ce n’est que récemment que les milieux catholiques se sont mêlés à ce mouvement de protestation. Une circulaire intitulée « Sauvons les Hauts Plateaux vietnamiens » est diffusée sur Internet et proposée par plusieurs sites à la signature des catholiques. Elle a rencontré un succès tout à fait inattendu. La Fédération vietnamienne des médias catholiques (2) avait, quelques jours plus tôt, lancé un cri d’alarme contre l’abandon du territoire vietnamien à la Chine (les archipels de Paracel et des Spratleys) et la pollution qu’entraînerait la production d’aluminium dans une région qui est le poumon vert du pays. La fédération proposait ensuite à la signature des catholiques vietnamiens une lettre de protestation adressée aux autorités gouvernementales du Vietnam.

Après avoir proposé, à la fin des années 1990, l’exploitation du minerai de bauxite à divers groupes internationaux, en particulier Pechiney, les autorités vietnamiennes se sont ensuite tournées vers la Chine, grande consommatrice d’aluminium. Depuis que la nouvelle est connue, les milieux informés (l’armée, la police, les milieux scientifiques et littéraires, la dissidence démocratique) n’ont cessé de faire entendre leurs protestations, qui ont été, en partie, relayées par la presse officielle. A tel point, que, le 9 avril dernier, le gouvernement a été obligé de réunir un colloque sur le sujet, où de nombreuses opinions négatives et des mises en garde ont été exprimées. Cependant, la conclusion tirée par un vice-Premier ministre dirigeant les débats a été que l’exploitation du minerai déjà entamée à Tân Rai serait poursuivie « à titre expérimental », en prenant toutes les précautions nécessaires. Cependant, le mouvement de protestation continue.