Eglises d'Asie

Les Eglises s’attaquent à la pauvreté de plus en plus visible

Publié le 15/05/2014




Les Eglises chrétiennes ont derrière elles une longue tradition d’aide caritative et sociale à Taïwan. Si le temps des « chrétiens sacs de riz » (1) est passé, la crise économique silencieuse qui sévit ces dernières années a conduit les différentes institutions catholiques comme protestantes,… 

… à remettre au premier plan de leurs priorités, les distributions de nourriture, de vêtements ainsi que diverses aides matérielles aux sans-abris qui viennent grossir les rues de Taipei et des grandes villes de la République de Chine.

Dans toutes les agglomérations de Taiwan, il est désormais fréquent de croiser des « hommes-sandwichs » portant des panneaux publicitaires vantant le luxe d’appartements fraîchement construits alors qu’eux-mêmes vivent dans la rue.

C’est le cas de Liao, 51 ans, ancien chauffeur de taxi, sans-abri depuis une dizaine d’années après avoir perdu son emploi. Si les appartements de l’annonce brandie par Liao atteignent une moyenne de trois millions de dollars, celui-ci est dans l’incapacité de louer, ne serait-ce qu’une petite chambre pour un seul mois.

A Taiwan, où le niveau de vie reste élevé, l’écart entre les riches et les pauvres continue en revanche de se creuser. En 2011, il a atteint un niveau record, les statisticiens ayant établi que les familles les plus riches gagnaient 96 fois plus d’argent que les plus pauvres. Cette hausse a coïncidé avec le ralentissement de l’économie, dû en grande partie à la délocalisation d’un très grand nombre d’usines en Chine ou au Vietnam où la main-d’œuvre est beaucoup moins chère. Des dizaines de milliers d’ouvriers se sont retrouvés sans emploi à Taiwan.

Cette situation s’est encore détériorée par le peu de possibilités de requalification offertes aux chômeurs et la baisse du salaire minimum (désormais en dessous de 20 000 $ taiwanais par mois, soit 485 euros), explique à l’AFP, Lin Wan-i, professeur au Département du Travail social de la National Taiwan University, dans une dépêche du 14 mai dernier.

Selon les travailleurs sociaux de Taiwan, les chances pour les sans-abris de pouvoir remonter la pente sont très minces, étant donné la pénurie de petits emplois temporaires et la très faible rémunération de ceux-ci. « Les gens se battent pour le moindre petit boulot », confirme Li Ting-ting, directeur des relations publiques pour la Zenan Homeless Social Welfare Foundation. « La concurrence est augmentée du fait que même les jeunes ou les femmes au foyer postulent eux aussi, pour porter des panneaux publicitaires ou d’autres emplois précaires», ajoute-t-il.

Taïwan a pourtant essayé d’atténuer ces inégalités, ainsi que la colère populaire qui a culminé lors de la « révolution des tournesols » en mars dernier (2), en tentant notamment de contenir la flambée de l’immobilier et d’instaurer une « taxe sur les grandes fortunes ». La proposition de loi a déjà été validée par le Parlement lors d’un premier examen au début du mois.

Cependant, le Pr. Lin estime que les écarts vont continuer à se creuser davantage. « Le fossé va s’élargir lorsque les prochaines générations hériteront de la situation financière de leurs parents ; les pauvres auront encore moins de chances de s’en sortir, ayant moins de moyens pour élever leurs enfants », avertit-il..

Mais la détresse des classes défavorisées est aujourd’hui devenue un thème récurrent dans les médias, comme l’histoire qui a récemment fait la Une des journaux, d’un enfant de 8 ans vivant depuis un an avec ses parents dans un cimetière depuis que sa famille avait été expulsée de son logement. A la suite de la médiatisation de ce cas parmi tant d’autres, les travailleurs sociaux étaient finalement intervenus.

Face à cette situation de précarité d’une partie grandissante de la population, les associations chrétiennes multiplient aujourd’hui les initiatives caritatives.

La Grace Home Church (GHC), une organisation protestante, est l’une de ces associations qui tentent de pallier les défaillances de l’aide sociale de l’Etat. Selon le Rév. Lee Cheng-lung, fondateur de la GHC, vingt-sept centres de la communauté répartis sur l’île distribuent deux repas par jours, six jours sur sept, à plus de 2 000 sans-abris et personnes défavorisées. « De plus en plus de personnes viennent chaque jour chercher du secours dans nos centres, constate-t-il. Nous espérons seulement qu’ils y trouveront de quoi manger à leur faim et retrouveront un peu de tranquillité d’esprit ici, avant de pouvoir penser à la prochaine étape de leur vie. »

Il y a dix ans, la GHC n’avait qu’un seul centre qui distribuait des repas pour seulement 80 personnes. Elle prévoit aujourd’hui d’ouvrir encore une trentaine de lieux d’accueil, étant donné la demande croissante. Cette année, la Grace Home Church s’est associée à divers organismes pour mettre en place des événements caritatifs comme un gigantesque « banquet » de plusieurs centaines de personnes déshéritées pour Thanksgiving, avec des dons de vêtements, des cadeaux et autres soins (coiffure, paramédical, etc.). Elle a monté également des partenariats avec certaines cliniques qui acceptent désormais de soigner gratuitement les personnes détenant la « carte de soins » délivrée par l’organisation chrétienne.

C’est au sein des diocèses qu’agit de son côté l’Eglise catholique pour lutter contre la précarité. Certaines paroisses organisent des soupes populaires et des distributions de riz et de vêtements aux familles en difficultés, en lien avec les réseaux de la Caritas , actifs dans l’île depuis plusieurs dizaines d’années.

De nombreuses congrégations religieuses, en particulier celles qui dirigent déjà dans l’île des centres de soins, des hôpitaux ou des ieux d’accueil pour les personnes âgées, comme les Sœurs de Notre-Dame de Chine (Sisters of Our Lady of China, OLC), ont dû elles aussi augmenter récemment leurs activités caritatives, comme les repas aux sans-abris, les soins médicaux gratuits, les distributions de vêtements ou  encore d’autres objets de première nécessité.

(eda/msb)