Eglises d'Asie

Attaques de lieux de culte chrétiens : le sultan de Yogyakarta dénonce l’inaction de la police

Publié le 03/06/2014




Commentant plusieurs récentes attaques de lieux de culte chrétiens, le sultan de Yogyakarta, le très respecté Hamengkubuwono X, a dénoncé ce lundi 2 juin l’inaction de la police. « Nous l’avons tous constaté ; cela ne peut être nié », a-t-il déclaré, affirmant …

… que la montée des attaques à caractère religieux dans la province de Java-Centre avait à voir avec l’incapacité de la police à agir pour empêcher la répétition de tels incidents.

Le sultan, qui au civil assume également le titre de gouverneur du Territoire spécial de Yogyakarta (Daerah Istimewa Yogyakarta), a précisé devant des journalistes réunis dans son palais de Yogyakarta, que seule une application sans faille de la loi permettrait à la violence de reculer et à la paix civile de s’affirmer.

En l’espace de huit jours, deux incidents se sont produits dans la région de Yogyakarta, une ville habituellement connue pour les bonnes relations qu’y entretiennent les différentes communautés de croyants. Le 29 mai, sept personnes ont été blessées, dont l’une assez gravement, lorsque plusieurs dizaines d’hommes venus à moto ont investi la demeure d’un catholique à Pangukan, dans le district de Sleman, situé à quelques kilomètres au nord-ouest du centre de Yogyakarta. Cinq femmes et des enfants, tous catholiques, étaient réunis dans cette demeure privée, pour réciter, à la nuit tombée, le Rosaire, en cette fin de mois de mai consacré à la Vierge Marie. Absent lors de l’incident, le propriétaire de la maison, Julius Felicianus, catholique, est accouru sur place, accompagné d’un de ses amis, journaliste à Kompas TV. Le groupe des assaillants à moto est alors revenu pour saccager les lieux à coups de briques et de barres de fer ; blessé à la tête, Julius Felicianus a reçu cinq points de suture.

Le second incident s’est produit le 1er juin. Dans le même district de Sleman, des fidèles d’une Eglise pentecôtiste avaient pour habitude de se réunir pour le culte dominical dans un lieu loué pour la circonstance. Ce dimanche 1er juin, toutefois, à court d’argent pour cette location, ils avaient décidé de réinvestir la modeste structure qui leur servait auparavant de lieu de culte mais qu’ils avaient délaissée, faute d’avoir obtenu les autorisations nécessaires pour y célébrer le culte. A peine la communauté des chrétiens avait-elle quitté les lieux que des assaillants, appartenant à des groupuscules islamiques radicaux, caillassaient l’édifice et brisaient tous ses vitraux. Au Jakarta Post, un responsable du Majelis Ta’lim Al Huda (Groupe d’études islamiques Al-Huda), a affirmé que l’attaque avait été menée en raison du fait que « l’église ne disposait pas du permis nécessaire [pour fonctionner comme lieu de culte] ». Ce à quoi avait répondu Nico Lomboan, responsable de cette Eglise pentecôtiste, que son église avait été construite 24 ans auparavant et que cela faisait depuis toutes ces années qu’il attendait des autorités locales la délivrance du permis en question.

Selon le sultan Hamengkubuwono X, engager le dialogue avec les groupes extrémistes qui se livrent à de telles actions « coup de poing » ne sert à rien car, souligne-t-il, il « dialogue déjà avec eux ». Il est en revanche nécessaire, ajoute-t-il, que la police fasse respecter la loi.

De son côté, la police de Yogyakarta répond que ces deux affaires sont prises « très au sérieux » mais que si aucune interpellation n’a été encore réalisée à ce jour, c’est parce que « la difficulté à laquelle [elle] se heurte, est de trouver des personnes qui ont été directement témoins des violences perpétrées ».

Les deux affaires qui se sont produites dans le district de Sleman renvoient à un problème récurrent depuis des années en Indonésie, particulièrement depuis 2006, date à laquelle a été amendé un décret de 1969 relatif à la construction des lieux de culte pour les six religions reconnues par les autorités indonésiennes (islam, protestantisme, catholicisme, hindouisme, bouddhisme et confucianisme). La complexité des règles en vigueur et le droit de veto accordé de facto au voisinage font qu’il est extrêmement difficile pour un groupe religieux minoritaire d’obtenir un permis de construire pour un lieu de culte. Et la chronique des faits divers montre que, même dans les cas où ce permis est accordé, des groupes islamistes se permettent de « faire le coup de poing », les autorités locales et la police préférant regarder ailleurs.

Année après année, de telles attaques contre des lieux de culte chrétiens, ahmadis ou autres, continuent de se produire. Les organisations de défense des droits de l’homme ou de promotion du dialogue interreligieux dénoncent « une culture de la violence » encouragée par l’impunité de ces actions punitives, mais les difficultés demeurent. Dans sa Lettre pastorale de Pâques dernier, Mgr Johannes Maria Trilaksyanta Pujasumarta, évêque catholique de Semarang (dont le territoire comprend la région de Yogyakarta), disait son souci face à la montée de la violence, y compris celle exercée contre les chrétiens. « On a recours à la violence dans les affaires ayant trait à la construction d’écoles ou de lieux de culte chrétiens. (…) Et ce qui me soucie particulièrement, c’est que les assaillants sont des gens du cru, qui, de surcroît, sont appuyés par certains éléments qui, au contraire, devraient protéger ce pays », dénonçait-il.

Selon une dépêche de ce jour de l’agence AsiaNews, sept temples protestants du district de Cianjur, à 90 km au sud-est de Djakarta dans la province de Java-Ouest, viennent de fermer leurs portes, des groupes islamistes dénonçant des irrégularités dans la délivrance des permis de construire.

(eda/ra)