… que le gouvernement a voulu dissiper dès l’annonce des résultats du scrutin en Inde, assurant la population que « ni les relations entre le Népal et l’Inde, ni l’harmonie entre les différents groupes religieux du pays [ne seraient affectées] par la victoire du BJP ».
Le 17 mai, Narendra Modi, ministre-président du Gujarat et candidat du parti hindouiste Bharatiya Janata Party (BJP), était porté à la tête du gouvernement fédéral indien par un raz-de-marée électoral historique. La victoire écrasante de l’Inde hindoue et nationaliste, quoique prévisible, déclenchait immédiatement un vent de panique au sein des minorités en Inde dont le souvenir des pogroms antimusulmans et des violences antichrétiennes sous le mandat de Narendra Modi au Gujarat est encore vif dans les mémoires.
Le débat sur les conséquences de l’événement dans les pays voisins ainsi que sur une possible contagion de l’idéologie extrémiste aux régions dites « sensibles » comme le Népal aux prises avec le nationalisme hindou qui monte en puissance ces dernières années, divise aujourd’hui les spécialistes du sous-continent indien.
Alors qu’il se débat avec une crise constitutionnelle qui ne semble pas avoir de fin, le petit Etat himalayen a suivi avec anxiété la campagne électorale indienne et son dénouement. Dépassant les événements nationaux, la victoire de Narendra Modi a fait les gros titres des médias népalais, sans compter l’afflux d’informations véhiculé par les réseaux sociaux où les résultats du scrutin ont été commentés minute par minute.
« La vague Modi l’a emporté », titrait le premier quotidien en langue anglaise The Kathmandu Post, tandis que Kantipur, le plus grand journal en langue népalaise, consacrait sa Une aux conséquences de l’élection des hindouistes sur la politique extérieure et intérieure du Népal.
L’Inde, qui a toujours joué un rôle-clé dans la politique et l’économie népalaise, a souvent pesé dans les changements radicaux qui ont fait l’histoire de l’ancien (et unique) royaume hindou de la planète. Et la proximité entre les nationalistes hindous et leurs co-religionnaires népalais est notoire.
Lors de l’abolition de la monarchie népalaise en 2008 à la suite de l’accession au pouvoir des anciens rebelles maoïstes et de l’établissement d’une république laïque, le BJP indien avait vertement tancé New Delhi pour « avoir laissé faire » et s’être cantonnée à « un silence indécent ».
« La victoire de Narendra Modi est une bonne nouvelle pour nous, et nous savons que nous pourrons compter sur son soutien », se réjouit ainsi Basudev Shastri, de la National Religion Awareness Campaign, auprès d’Al Jazeera le 21 mai dernier. Le militant hindouiste espère que désormais « le Népal pourra très bientôt retrouver son identité en tant que nation hindoue ».
Quant au Rastriya Prajatantra Party-Nepal (RPPN), un parti pro-hindou, favorable au retour de la monarchie, qui vient de remporter un nombre de sièges conséquent à la Constituante, il a également fait part officiellement de sa « satisfaction ». Kamal Thapa, son président, connaît bien Narendra Modi et était même venu au Gujarat afin d’assister au lancement de la campagne du futur Premier ministre indien.
Les hindouistes du RPPN, dont l’ascension récente fait craindre aux minorités du Népal que disparaisse la mention de la laïcité de l’Etat – et donc la liberté religieuse – dans la prochaine Constituante, ne cachent pas par ailleurs leurs liens avec la Nepal Defence Army (NDA). Ce groupe terroriste, qui prône le retour à la monarchie et à la religion hindoues, a été reconnu responsable de plusieurs attentats meurtriers contre les chrétiens et les musulmans ces dernières années, dont l’attentat à la bombe perpétré en mai 2009 à la cathédrale de l’Assomption à Katmandou.
C’est dans ce contexte troublé que le ministre népalais des Affaires étrangères, Maghendra Pandey, a tenu à rassurer la population. « Notre pays est un Etat laïc, et toutes les religions ont les mêmes droits, a-t-il déclaré. Les hindous n’ont aucune raison d’être surexcités par la victoire de Modi, tout comme les minorités religieuses n’ont aucune raison d’être effrayées. Selon nos lois, chacun est libre de pratiquer sa foi comme il l’entend. »
Certains observateurs ne partagent pas cependant les inquiétudes des minorités religieuses. « Je pense que l’approche de Modi pourrait être davantage opportuniste », souligne Akhilesh Upadhyay, rédacteur en chef du Kathmandu Post, qui soutient que le nouveau Premier ministre indien pourrait surprendre son électorat en prenant un virage politique inattendu. « Durant son mandat de ministre-président du Gujarat, il a tissé beaucoup de liens avec la Chine et le Japon : il se pourrait très bien qu’il se focalise davantage sur l’Est », analyse-t-il.
Lokraj Baral, directeur exécutif du Centre népalais d’Etudes contemporaines, un think-tank basé à Katmandou, pense également que la victoire de Modi pourrait ne pas affecter autant que certains l’imaginent l’ensemble de la politique étrangère sur le sous-continent indien.
Il cite à l’appui la réponse sur Twitter du leader du BJP aux félicitations du gouvernement népalais, assurant que « le Népal est un pays avec lequel [l’Inde ] entretient depuis longtemps des relations de profonde amitié ».
Ce lundi 26 mai, le Premier ministre népalais Sushil Koirala est à New Delhi pour assister à la prestation de serment de Narendra Modi en tant que Premier ministre de l’Inde. Il rencontrera ce dernier demain 27 mai en entretien privé.
(eda/msb)