Eglises d'Asie

Le gouvernement tente de rassurer les chrétiens sur la laïcité de la future Constitution

Publié le 08/10/2012




Alors que le pays attend la promulgation de sa Constitution prévue le 22 novembre prochain – une date repoussée à de multiples reprises -, les chrétiens s’inquiètent du sort qui leur sera réservé si les membres de la Constituante cèdent aux menaces des extrémistes …

… ou à l’anticléricalisme des maoïstes au pouvoir.

Face au sentiment anti-chrétien croissant ces derniers mois et aux incidents qui se multiplient à l’encontre des minorités, les différentes Eglises tentent de faire front commun pour obtenir que le gouvernement tienne ses engagements concernant la laïcité de l’Etat.

En effet, l’un des points de désaccords les plus importants au sein de la Constituante, et qui avaient conduit à la dissolution de l’assemblée en mai dernier, était le caractère laïc (secular) du pays et la question d’une éventuelle promulgation de lois anti-conversion qui permettraient de rétablir un Etat hindou, des mesures contre lesquelles les chrétiens et les différentes minorités religieuses s’étaient fortement mobilisés.

Mais malgré les discours rassurants du gouvernement, les discriminations envers les chrétiens, loin de cesser, ont encore progressé, qu’il s’agisse de celles pratiquées par l’Etat lui-même en accordant des subventions à toutes les confessions religieuses (hindous, bouddhistes et musulmans), sauf les chrétiens, ou de celles des mouvements hindouistes qui reviennent en force avec l’affaiblissement d’un Etat privé de Constitution.

En août dernier, les membres de l’organisation hindouiste Nepal Defence Army (NDA), responsable de nombreux attentats meurtriers au Népal, ont de nouveau menacé des prêtres catholiques ainsi que des pasteurs protestants, semant un vent de panique dans les milieux chrétiens.

Le P. Robin Rai, vicaire à Notre-Dame de l’Assomption, principale église catholique du pays, a ainsi reçu un coup de téléphone d’un membre du groupe terroriste qui l’a menacé de faire exploser une bombe dans l’église, ravivant le souvenir de l’attentat de mai 2009 où le NDA avait mis cette menace à exécution, tuant trois personnes et blessant de nombreuses autres lors de la messe dominicale. D’autres responsables laïcs de la paroisse de l’Assomption ont également reçu de semblables menaces, ainsi que des membres protestants de la Federation of National Christians Nepal (FNCN) auxquels il a été demandé de démissionner sous peine de graves représailles.

Mais malgré les demandes pressantes de l’Eglise catholique et des différents pasteurs menacés, aucune surveillance policière n’a été mise en place et les appels à l’aide totalement ignorés par le gouvernement.

C’est dans ce contexte d’inquiétude générale que Top Bahadur Rayamajhi, ministre pour la Paix et la Reconstruction, a tenu à rassurer les communautés chrétiennes en leur affirmant que le caractère laïc de l’Etat serait confirmée par la future Constitution.

Le 19 septembre, lors d’un meeting organisé par les Eglise évangéliques à Katmandou, le ministre a rappelé que le gouvernement se devait de respecter ses promesses envers les minorités ethniques et religieuses. « Le sécularisme est l’une des choses que nous avons obtenues dans notre long combat pour la démocratie. Nous n’allons pas faire machine arrière maintenant ! », a-t-il déclaré devant un millier de chrétiens réunis au sein de la Putalisadak Church (1).

Lors de cette allocution, rapportée par l’agence Ucanews, Top Bahadur Rayamajhi a assuré qu’il ferait tout ce qui était en son pouvoir pour maintenir les acquis de la Constitution provisoire. Le ministre, qui a déjà aidé à la création récente d’une commission nationale pour les musulmans, bénéficie d’un certain crédit de sympathie parmi les minorités ethniques et religieuses, malgré le fait qu’il soit réputé être très proche du Premier ministre maoïste népalais Baburam Bhattarai, lequel a profondément déçu la confiance des chrétiens.

« Votre visite en ce lieu saint a transformé notre tristesse en espoir et notre angoisse en confiance », a déclaré en réponse le pasteur Isu Jung Karki, qui dirige la Kathmandu Spiritual Church, une Eglise évangélique et est également le coordinateur de l’Inter-Religious Secular Protection Movement.

Ces dernières semaines, dans l’attente de la promulgation de la Constitution, de nombreuses communautés chrétiennes ont décidé de faire campagne en faveur d’un « Nouveau Népal », basé sur des principes de tolérance et de laïcité. Quelque 600 Eglises protestantes et évangéliques, rassemblées sous le nom de Christian Commitment to Building a New Nepal (CCBNN), ont commencé à rencontrer des leaders politiques et des responsables de mouvements de la société civile afin de leur faire partager le point de vue des chrétiens sur un Népal en développement, et les encourager à lutter contre la corruption, le chômage, les discriminations de caste, de religion ou de sexe, ou encore le faible taux d’alphabétisation de la population.

Ces rassemblements, dont certains se sont tenus en présence du Premier ministre et ont été couverts par les médias, ont déjà eu, selon les responsables du CCBNN, des répercussions très positives, dont le fait de rassembler des obédiences chrétiennes très différentes dans un combat pour les mêmes valeurs, ou encore de détruire quelques préjugés tenaces de certains partis politiques ou religieux à l’égard des chrétiens.

Malgré un accroissement spectaculaire ces dernières années, les chrétiens restent très minoritaires au Népal, où ils représentent entre 1 et 4 % de la population (pour 80 % d’hindous et environ 10 % de bouddhistes).