Eglises d'Asie – Philippines
Le « peuple de boue » célèbre la Saint Jean-Baptiste
Publié le 01/07/2014
… que suivent chaque année les habitants du village de Biblicat, à Aliaga, dans la province de Nueva Ecija (région du Luçon Central).
La nuit précédant la Saint Jean-Baptiste, le 23 juin, les catholiques de cette région rurale du nord de l’archipel phiilppin se métamorphosent en « hommes de boue », s’enduisant le corps et le visage de terre mouillée et se recouvrant entièrement de feuilles de babaniers séchées, qui ont été trempées auparavant pendant plusieurs heures dans l’eau noire des rizières.
Par ce costume qui les fait ressembler à de petites huttes mouvantes, les paysans de Biblicat veulent honorer la pauvreté et l’habillement rustique qui auraient été ceux de saint Jean le Baptiste lorsqu’il prêchait dans le désert et baptisait ses disciples dans le Jourdain.
Selon la paroisse Saint-Jean Baptiste de Biblicat, des milliers de fidèles ont participé cette année à la fête des « Mud People », ou rituel Pag-asa San Juan (‘espoir de Saint-Jean’), comme il est appelé localement.
A l’aube du 24 juin, les fidèles, hommes, femmes et enfants, défilent dans les rues de Biblicat, allant de maison en maison demander l’aumône sous forme de cierges qu’ils allumeront plus tard devant la statue de saint Jean-Baptiste. Les habitants donnent bien volontiers, les aumônes faites aux mud people étant censées apporter chance et bénédictions.
Au petit matin, tous convergent ensuite, toujours couverts de feuilles et de boue, vers l’église devant laquelle se tiendra la messe d’action de grâce aux premières lueurs du jour.
Dès la fin de la célébration eucharistique, la procession s’ébranle, des musiciens précèdant la statue du saint portée sur les épaules de quatre mud people. Ils se laveront et vêtiront des vêtements propres après la procession, avant de rejoindre famille et amis pour la suite de la fête.
Les origines véritables du Taong Putik sont mal connues. Certains chercheurs de l’université des Sciences du Luzon Central évoquent une légende locale selon laquelle les premiers Ilocanos, venus il y a plusieurs siècles du Nord de l’archipel pour s’installer dans la région, auraient apportés avec eux une « image » de saint Jean-Baptiste. Cette représentation du saint (dont on ne sait s’il s’agit d’une statue ou d’une peinture) aurait chassé tous les serpents venimeux du village, qui en était infesté. Le nom « Biblicat » vient effectivement du mot ilocano « biclat », qui signifie serpent.
Une autre version assure que le rituel est beaucoup plus récent et ne remonte qu’à la seconde guerre mondiale. Lors de l’occupation japonaise, les hommes du village allaient être exécutés par les soldats, lorsqu’il se serait mis à pleuvoir si fort que tous avaient dû trouver refuge dans l’église. Cet incident retourna la situation ; les soldats japonais, persuadés que ces pluies diluviennes étaient un avertissement du ciel, renoncèrent à passer par les armes les villageois et les libérèrent. De joie, lous les habitants se roulèrent dans la terre détrempées, se transformant en « hommes de boue ».
Les catholiques de Biblicat auraient alors fait vœu de commémorer tous les ans ce miracle dû à la protection de leur saint patron, en portant des costumes à l’imitation de celui de saint Jean-Baptiste, mais fabriqués avec les produits de leurs champs.
Par ailleurs, cette boue qui enduit les fidèles de saint Jean-Baptiste de ce petit village de la province de Nueva Ecija, n’est pas sans rappeler les rituels observés un peu partout aux Philippines où l’on s’asperge joyeusement d’eau le 24 juin en souvenir de l’homme qui baptisa le Christ. Durant les nombreuses processions du saint, notamment dans la ville de San Juan, ce sont les pompiers eux-même qui arrosent avec leurs lances à incendie la foule qui se presse autour du cortège.
Dans la région, la fête attire quelques touristes depuis peu, mais surtout de nombreux habitants des villages voisins qui vénèrent saint Jean-Baptiste comme un thaumaturge. Un bon nombre d’entre eux viennent y demander la guérison de leurs maux tandis que d’autres participent fidèlement à la procession chaque année pour remercier le saint de les avoir guéris.
(eda/msb)