Eglises d'Asie

Les évêques s’opposent au rétablissement de la peine de mort

Publié le 02/07/2014




Ce mercredi 2 juillet, la Conférence des évêques catholiques des Philippines (CBCP) a publié une déclaration dans laquelle elle exhorte la population à ne pas céder aux appels à la réintroduction de la peine de mort, lesquels se multiplient  face à la hausse de la criminalité dans le pays. 

« Aussi horrible soit le crime, rien ne justifie pour un Etat d’envoyer le message pervers selon lequel la vie humaine est une chose si peu importante qu’il peut en disposer comme bon lui semble », dénonce le communiqué des évêques, signé par Mgr Socrates Villegas, président de la Conférence épiscopale.

Cette déclaration intervient dans un contexte polémique, suite aux nombreux appels à la restauration de la peine de mort qui ont été lancés ces dernières semaines par des groupes anti-criminalité. S’appuyant sur des faits divers récents – dont la mort d’un jeune étudiant de 18 ans lors d’un bizutage le 28 juin dernier à Manille –, ainsi que sur des études confirmant la recrudescence des actes criminels, ces organisations militent en faveur d’une législation pénale « plus dissuasive » et de la réintroduction de la peine capitale.

Dans leur admonestation publique, les évêques rétorquent qu’une politique véritablement « dissuasive » dans le domaine de la criminalité n’est en rien liée à la sévérité de la peine mais « bien à la certitude que les auteurs du crime répondront de leurs actes ».

Seule « une réponse morale, chrétienne (…) permettant la mise en place d’une éducation constructive en matière de respect de la vie et de la dignité humaine » pourra permettre, ajoutent-ils, de prévenir la criminalité, non en agitant la menace de la peine capitale, mais donnant à la justice sa véritable vocation, celle de « restaurer les liens brisés ainsi que la cohérence sociale altérée par l’acte criminel ».

Tout en se disant « profondément bouleversés par la nature atroce de certains crimes commis récemment », les membres de la CBCP reviennent sur le caractère irréversible et irréparable de l’exécution, toujours susceptible d’erreur, « comme tout ce qui est humain », soulignant que « rien ne pourra atténuer la gravité de la mort d’une personne injustement assassinée ».

Depuis l’abolition de la peine de mort en 2006, pour laquelle l’Eglise avait milité durant des années, la Conférence des évêques philippins n’a cessé de mettre en garde le gouvernement contre la tentation du retour à « une justice punitive » qui, selon elle, va à l’encontre d’un « système établissant pleinement la justice ».

Lors du vote de l’abolition de la peine de mort, certaines voix, y compris dans les milieux chrétiens, s’étaient pourtant élevées contre l’abolition définitive de la peine capitale.

Le Conseil philippin des Eglises évangéliques, par exemple, avait publié une déclaration, à l’opposé de celle de la Conférence des évêques catholiques, dans laquelle il affirmait sa conception d’une justice fondée sur le principe d’« une vie pour une vie », expliquant que la peine de mort devait être maintenue pour certains crimes, et que la décision finale de la commutation en prison à vie pour les condamnés à mort devait revenir exclusivement au président de la République.

Citant l’Evangile selon saint Jean où le Christ déclare être « venu pour que tous aient la vie, et l’aient en abondance » (Jn 10,10), les évêques catholiques philippins expliquent que leur position ne « peut être que la même [que celle du Christ ]».

Ils poursuivent : « L’Evangile que nous prêchons est un Evangile de vie, mais notre façon de voir peut également se défendre sur un terrain non religieux. (…) Le fait d’exécuter un être humain ne peut contribuer en aucune façon à ce qu’il y ait plus de justice. »

Ils rappellent enfin que les Philippines sont signataires du deuxième Protocole facultatif de la Convention des Nations Unies sur les droits civils et politiques (PIDCP), qui a pour but d’abolir définitivement la peine de mort. « Nous ne pouvons pas, et nous ne devons pas, conclut la déclaration de la CBCP, renier nos engagements vis-à-vis de la communauté internationale, particulièrement lorsqu’ils sont non seulement d’ordre légal mais moral. »

(eda/msb)