Eglises d'Asie

Dans un pays ébranlé par la chute du professeur Hwang, le Comité de bioéthique de la Conférence épiscopale rappelle que les scientifiques doivent rester humbles

Publié le 18/03/2010




Le 23 décembre dernier, les premières conclusions du comité d’investigation de l’Université nationale de Séoul indiquaient que le professeur Hwang Woo-suk aurait falsifié une partie des résultats de ses travaux sur le clonage dit à visée thérapeutique, publiés en mai 2005 dans la revue Science (1). Six jours plus tard, ce même comité a conclu que le chercheur et son équipe ne disposaient d'”aucune donnée scientifique qui prouverait qu’ils ont bien produit des lignées de cellules souches correspondant spécifiquement à l’ADN d’une personne le président du sous-comité sur la bioéthique de la Conférence des évêques du Corée, Mgr Francis Xavier Ahn Myong-ok, a estimé que cette affaire montrait que “la science moderne est devenue trop arrogante”. Il a ajouté que les recherches scientifiques menées sur les cellules souches d’origine embryonnaire “devaient être immédiatement arrêtées car elles vont “contre les principes éthiques universels”.

Mgr Ahn Myong-ok, évêque de Masan, a estimé que “les recherches du professeur Hwang avaient perdu toutes justifications morales”. Il a cité en particulier le cas d’un jeune garçon, âgé de 10 ans, handicapé moteur du fait d’une blessure à la moelle épinière. Dans l’espoir d’aider à retrouver une mobilité normale, des cellules de sa peau avaient été prélevées par l’équipe de Hwang Woo-suk ; parallèlement, sa mère avait accepté que certains de ses ovocytes soient prélevées, dans l’idée qu’une solution thérapeutique pourrait être trouvée pour son enfant par la production d’un embryon génétiquement compatible, d’où auraient été prélevées des cellules souches, en vue d’une régénération de la moelle épinière du jeune garçon. Selon Mgr Ahn, le professeur Hwang et son équipe ont péché par excès de confiance en eux et ont accentué la souffrance de ce jeune et de ses proches, suscitant chez eux un faux espoir de guérison.

Plus profondément, a-t-il ajouté, toute l’affaire et le scandale créé autour du professeur Hwang doivent amener le pays à réfléchir. “Nous, Coréens, devons nous interroger sur nos valeurs, sur ce qui fait que nous sommes amenés à vouloir utiliser n’importe quel moyen pour parvenir à nos fins a-t-il déclaré. Du fait de ces valeurs, les Coréens se sont enthousiasmés pour les résultats affichés par le professeur Hwang, quand bien même il était connu qu’ils étaient obtenus dans des circonstances contraires à l’éthique, a-t-il continué.

Par ailleurs, l’archevêque émérite de Séoul, le cardinal Stephen Kim Sou-hwan, a déclaré, dans le Pyonghwa Shinmun, l’hebdomadaire catholique du diocèse, que le blâme ne pouvait être attribué à une seule personne ou à une seule équipe. Dans cette interview reprise par les principaux médias du pays, le cardinal a affirmé que cette affaire concernait toute la société, “une société qui a perdu le sens de l’honnêteté”. “Ce dont nous avons réellement besoin est de retrouver une attitude juste envers la vérité. La seule manière de redresser la situation, c’est de restaurer les valeurs de l’honnêteté et de la vérité a-t-il ajouté, les larmes aux yeux.

Selon les médias locaux, le scandale créé autour du professeur Hwang vient remettre en cause toute une stratégie de l’Etat dont l’objectif était de faire de la Corée un pays pionnier en matière de biologie médicale. Depuis 1998, les financements publics aux recherches du professeur Hwang ont ainsi atteint les 38 milliards de wons (31 millions d’euros) et, d’ici à 2012, il était prévu que l’Etat investisse l’équivalent de 93 millions d’euros supplémentaires. Face à cet appui étatique massif, l’Eglise catholique de Corée avait lancé, en octobre dernier, un “Comité pour la vie doté d’un budget de dix milliards de wons (huit millions d’euros). Ce comité a reçu pour mission d’encourager et de financer des recherches en biologie médicale qui soient respectueuses des principes éthiques définis par la doctrine chrétienne (2).