Eglises d'Asie

Effondrement d’un pont sur le Nakdong : l’Eglise catholique accuse le projet gouvernemental de « réaménagement des quatre fleuves »

Publié le 28/06/2011




Moins d’une semaine après les avertissements adressés au gouvernement par différents responsables d’Eglises et de mouvements opposés au projet de « réaménagement des quatre fleuves », à propos de la mousson, imminente, qui risquait de mettre en danger les cours d’eau « réhabilités » (1), la catastrophe annoncée s’est produite. 

 L’effondrement d’un pont historique le week-end dernier a malheureusement donné raison aux détracteurs du projet initié par le président Lee Myung-bak et décrié depuis son lancement en 2009 par plus de 70 % de la population sud-coréenne.

Samedi 25 juin, un ancien pont ferroviaire qui enjambait le fleuve Nakdong à Waegwan, dans la province de Gyeongsang, a cédé sous la pression du débit du fleuve. Le pont n’était plus utilisé par le réseau ferroviaire et avait été reconverti en passerelle piétonnière depuis sa restauration après les dommages subis durant la guerre de Corée (1950-53). L’incident n’a heureusement fait aucune victime ; bien que plusieurs milliers de personnes franchissent ce pont chaque jour, celui-ci s’est en effet écroulé vers 5 heures du matin.

Pour les Sud-Coréens, le fait revêt une importance symbolique. L’ouvrage, construit en 1905, est également connu sous le nom de « pont de la Défense nationale » et est considéré comme un haut-lieu de la lutte des soldats sud-coréens pour défendre leur patrie (Waegwan a été le lieu de combats sanglants lors de l’invasion par la Corée du Nord). Son écroulement le jour anniversaire du déclenchement de la guerre de Corée (25 juin 1950) n’a fait que ranimer la colère de la population contre le projet de Lee Myung-bak.

Le tollé a été général, médias en tête – qui ont été nombreux à faire la Une de leurs journaux avec la chute du « pont de la Défense nationale » –, et les mouvements écologistes, les Eglises et les centaines d’associations opposées au projet n’ont pas manqué d’attribuer la catastrophe aux travaux « de réaménagement ». Le Nakdong, ont-ils souligné, comme tous les cours d’eau concernés par le projet gouvernemental, venait de subir un dragage de son lit sans que les piles du pont ne soient renforcées de façon à pouvoir supporter un débit plus rapide du fleuve. De plus, les travaux d’excavation du fleuve avaient creusé profondément autour des piliers de soutènement, leur faisant perdre leur assise. Alors qu’il avait résisté plus de cent ans, supporté des typhons d’une grande violence et surtout l’inondation mémorable de 1925, le pont « historique », disent-ils, a été emporté par des pluies de mousson d’une « moindre importance ».

Le P. Simeon Park Chang-kyun, membre de Catholic Solidarity for Deterrence of Four Major Rivers Project, qui avait averti officiellement le 21 juin dernier le gouvernement des catastrophes prévisibles que la mousson ne manquerait pas de produire – des faits similaires ayant déjà été signalés pendant les petites pluies de printemps –, a confirmé que l’incident ne se serait jamais produit sans les travaux du projet des quatre fleuves. « Des catastrophes de plus en plus importantes vont se produire, et de plus en plus souvent, a-t-il prédit, comme l’effondrement des berges et l’écroulement des ponts : c’est la conséquence directe du dragage du lit des rivières. »

Un avis auquel souscrivent également les spécialistes. Park Chang-kun, professeur en génie civil à l’Université de Kwandong, n’a aucun doute sur les causes de l’effondrement du pont : « Les travaux ont été fait avec précipitation en vue de respecter les délais, en négligeant les importantes failles du projet », affirme-t-il, ajoutant que « si le pont de Waegan s’est effondré avec ce [faible] niveau de pluie, il y a de fortes probabilités pour que de tels accidents se produisent bientôt ailleurs. »

Les autorités administratives responsables des travaux sur le Nakdong se sont contentées quant à elles de déclarer que de fortes pluies, inhabituelles, avaient été à l’origine d’une brusque montée des eaux, et se sont engagées à reconstruire le pont.

Depuis le lancement des travaux qualifiés de « pharaoniques » par leurs détracteurs, en vue de « réhabiliter » les quatre principaux fleuves de Corée du Sud (le Han, le Nakdong, le Geum (Kum) et le Yeongsan (Yongsam)), les Eglises chrétiennes, les responsables des principales religions de Corée et plusieurs centaines de mouvements citoyens ont multiplié les déclarations, manifestations et célébrations religieuses sur les rives des fleuves concernés. Les opposants au projet gouvernemental continuent de dénoncer sans relâche l’impact destructeur et irréversible qu’auront, selon eux, sur l’environnement et la population ces travaux de dragage du lit des fleuves ainsi que la construction de plusieurs barrages et centrales hydroélectriques.