Eglises d'Asie

Accroissement de la répression religieuse dans la province de Savannakhet

Publié le 28/06/2014




Les violations des droits de l’homme et tout particulièrement de la liberté religieuse se poursuivent au Laos, qui vient d’être épinglé par un rapport accablant de Human Rights Watch for Laos Religious Freedom (HRWLRF), une ONG basée aux Etats-Unis. 

Ces incidents rapportés par HRWLRF se sont tous produits dans la province de Savannakhet, au centre du pays, une région particulièrement touchée par la répression antichrétienne.

Dans un communiqué en date du 24 juin dernier, l’ONG rapporte que cinq responsables chrétiens protestants de la région ont été emprisonnés pour meurtre. Des accusations dénuées de fondements, affirme-t-elle, qui n’ont pour but que de « décapiter » les communautés chrétiennes dont l’expansion inquiète les autorités.

Les cinq leaders ont été accusés d’avoir tué Mme Chan, décédée de mort naturelle le 22 juin des suites d’une longue et grave maladie, dans le village de Saisomboon, dans le district d’Atsaphangthong. Mère de huit enfants et bouddhiste, elle s’était convertie au christianisme en avril dernier, tout comme ses huit enfants. Avec ces derniers, le village compte désormais cinq familles converties au christianisme, auxquelles s’opposent les « anciens » qui exercent des pressions constantes pour qu’elles reviennent « aux religions de leurs ancêtres ».

Selon l’ONG qui rapporte les faits en détail, les cinq responsables chrétiens étaient venus assister dans ses derniers instants Mme Chan, qui était décédée quelques heures plus tard samedi 22 juin 2014. Le jour même, ses huit enfants obtenaient l’autorisation du chef du village d’organiser une cérémonie chrétienne le lendemain dimanche et d’enterrer la défunte dans une concession personnelle sur leurs terres, Saisomboon faisant partie des villages où les chrétiens se voient refuser les droits funéraires.

Mais alors que se rassemblaient les proches et les fidèles des villages de Donpalai, d’Huey et de Bungthalay pour les funérailles le dimanche au soir, le chef du village ainsi que le secrétaire local du Parti communiste revenaient sur la décision, empêchant l’enterrement et exigeant que les enfants de Mme Chan signent tous un acte d’abjuration de leur foi. Ce que ces derniers refusèrent.

Lundi 24 juin, le chef de l’église du village de Saisomboon, Mme Kaithong, portait l’affaire devant le chef de district d’Atsaphangthong. Les fidèles restaient pendant ce temps entourer la famille de Mme Chan et veiller le corps qui commençait à se décomposer.

Le mardi 24 juin vers midi, la police du village se rendait dans la maison de la défunte et arrêtait Mme Kaithong et M. Puphet, pasteur de l’église du village de Donpalai. Peu après, un autre groupe de policiers venait arrêter M. Muk, leader de la communauté chrétienne du village de Huey, M. Hasadee, chef de l’église du village Bunthalay, et M. Tiang, un des fidèles présents sur place.

Une demi-heure plus tard, le chef du village, accompagné de bonzes, forçait la famille de Mme Chan à assister à une cérémonie funéraire bouddhiste pour leur mère qui était inhumée dans le cimetière du village, où il est interdit de faire figurer le moindre signe chrétien. Pendant ce temps, les cinq chrétiens arrêtés étaient accusés de meurtre sur la personne de Mme Chan et conduits au poste du sous-district Jose du district d’Atsaphangthong, où ils étaient mis en cellule, les pieds et les mains entravés par des blocs de bois.

Tous ces événements ne forment que le dernier épisode d’une longue suite d’incidents dus à l’opposition hostile des autorités du district à l’encontre de la communauté des nouveaux convertis de Saisomboon. Le 20 mai dernier, le chef du village de Saisomboon avait interdit à trois lycéennes, Noi, Net, et Nut, de passer leur examen, en raison du fait qu’elles étaient devenus chrétiennes. Mme Kaithong avait tenté en vain de porter plainte contre l’école auprès de département de l’Education d’Atsaphangthong.

« Les autorités cherchent tous les prétextes pour arrêter l’expansion de la foi chrétienne dans la région », explique le HRWLRF le 24 juin dernier dans une déclaration demandant la libération immédiate des cinq chrétiens arrêtés « de façon arbitraire et illégale ». L’ONG a également exhorté le gouvernement laotien, tout comme lors des nombreux incidents précédents, à respecter les droits à la liberté religieuse et de croyance, ainsi que les droits garantis aussi bien par la Constitution du pays que par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ratifié par Laos en 2009.

Dans sa déclaration, le HRWLRF a pressé le gouvernement laotien de libérer les pasteurs et fidèles et d’autoriser les étudiantes à achever leur cycle d’études. Pour le moment, le gouvernement n’a donné aucune réponse.

La répression antichrétienne actuellement à l’œuvre au Laos n’a cessé d’augmenter ces derniers mois. Elle est particulièrement marquée dans les régions rurales, comme la province de Savannakhet, où les pratiques religieuses traditionnelles (un bouddhisme mêlé de chamanisme) sont encore très influentes dans la société et encadrées par les chefs de village.

Dans cette province, le HRWLRF a dénoncé de nombreuses apostasies forcées pratiquées à l’encontre des chrétiens par les autorités locales. Plusieurs communautés chrétiennes ont ainsi été sommées par les fonctionnaires de la province de Savannakhet d’abandonner leur foi et de « revenir aux pratiques animistes des anciens » sous peine d’être expulsées du village.

En mai dernier, un chrétien du village de Loynam, M. Sort, 40 ans, a été arrêté pour avoir refusé d’abandonner sa foi. Avec sa femme et ses deux enfants, ils formaient la première famille du district de Nathorn à avoir embrassé la christianisme, il y a un peu plus d’un an.

Le 15 mai, la police du district et les forces de sécurité locales menées par le chef du village, M. Somsee, se sont rendues au domicile de M. Sort et lui ont demandé d’abjurer le christianisme sous peine d’expulsion du village et de saisie de tous ses biens. Le chrétien a refusé malgré les tentatives d’intimidation et les menaces qui ont été réitérées à plusieurs reprises.

Le 29 mai, ne réussissant pas à obtenir l’abjuration de M. Sort et de sa famille, les autorités ont alors mis au pilori le père de famille, avant de l’emmener en prison. A ce jour, aucune nouvelle n’a filtré sur les conditions de sa détention abusive, ni d’un éventuel procès.

(eda/msb)