Eglises d'Asie

Dans la ville sinistrée de Tacloban, les catholiques préparent la « Misa de Gallo », neuvaine de messes célébrées avant Noël

Publié le 13/12/2013




La ville de Tacloban se relève à grand peine des ravages causés par le typhon Haiyan le 8 novembre dernier, mais pour rien au monde les catholiques ne renonceraient à ce qui fait partie de leur identité de chrétiens des Philippines, à savoir la célébration du 16 au 24 décembre de la « Misa de Gallo ». Chaque jour, sur le coup de 4 heures du matin, …

… alors que le soleil n’est pas encore levé, ils se presseront dans les églises pour une neuvaine de messes, vécue dans l’attente de la Nativité.

Pour le P. Amadeo Alvero, vicaire à la paroisse du Santo Niño à Tacloban, passées les premières semaines après le 8 novembre, il est apparu comme « une évidence » que l’approche de Noël, l’un des temps fort de la vie chrétienne aux Philippines (1), devait être célébrée comme à l’accoutumée. « Nous pouvons bien avoir tout perdu, mais notre foi demeure vivante », explique celui qui est aussi le porte-parole de l’archidiocèse de Palo, dont Tacloban dépend. « En dépit des destructions tragiques [causées par Haiyan], nous persévérons avec la forme de prière la plus haute qui soit, à savoir la Sainte Messe », poursuit-il en confirmant que les neuf Messes du coq (Misa de Gallo) – ou Simbang gabi (‘Saintes Messes de la nuit’, en tagalog) – seront bien célébrées dans toutes les paroisses de l’archidiocèse, même si les églises ont été détruites ou endommagées et que l’électricité n’a pas été rétablie.

Héritage de l’évangélisation de l’archipel par les Espagnols, la Misa de Gallo n’est pas propre aux Philippines. C’est une tradition que l’on retrouve, outre en Espagne, dans presque tous les pays d’Amérique latine. Mais aux Philippines, elle a gardé une vivacité toute particulière ; ponctuant la fin du temps de l’Avent, ce temps où les fidèles se préparent intérieurement à célébrer la venue du Christ dans ce monde, ces neuf messes célébrées avant le lever du jour sont marquées d’une grande solennité. Là où traditionnellement en Espagne, des lampes à huile sont posées par les croyants sur le bord de leurs fenêtres, aux Philippines, les catholiques confectionnent des lanternes en forme d’étoile qui sont autant de jalons pour guider les fidèles dans la nuit noire vers les églises. La croyance populaire veut que celui ou celle qui a participé, chaque matin, avant l’aube, aux neuf Misa de Gallo voit exaucé un vœu exprimé dans le secret de ses prières. Après les messes, les fidèles se retrouvent pour partager certains mets traditionnels (2).

Pour les évêques philippins, la tradition de la Misa de Gallo est « une grande source de renouvellement spirituel », même s’ils veillent, année après année, à souligner son importance religieuse en mettant en garde contre une tradition qui ne serait observée que pour les croyances « magiques » qui y seraient attachées. Ainsi, à Manille, lors d’une récollection de l’Avent organisée dans un stade couvert de la ville, le cardinal Tagle a souligné que « s’il était facile de célébrer des rites, leur observance seule ne garantissait pas que nous nous repentions réellement de nos péchés ou (…) que nous nous soyons transformé en tant qu’être humain ».

A Tacloban, c’est la ville tout entière qui semble se préparer à ce temps particulier de l’Avent. Sur l’esplanade de ce qui était l’hôtel de ville avant la catastrophe, un sapin de Noël de 16 mètres de haut a été dressé. Confectionné à partir de tubes en acier collectés parmi les monceaux de débris charriés par le typhon, il est illuminé de plusieurs centaines de lumignons taillés dans des bouteilles en plastique, elles aussi récupérées dans les débris. Ce sont des détenus de la prison locale qui ont confectionné ces lumignons et la municipalité s’est débrouillée pour l’alimentation en électricité.

Promesse a été faite aux habitants de Tacloban que l’électricité serait de retour pour le 24 décembre, mais, en attendant, le couvre-feu de 20h à 5h décrété par les autorités pour limiter les pillages et autres violences commises à la faveur de l’obscurité, est toujours en vigueur sur une grande partie des îles de Samar et Leyte, les plus touchées par le typhon. Pour que la Misa de Gallo puisse toutefois avoir lieu, le chef de la police pour l’île de Leyte, Henry Lusanas, a promis que « le couvre-feu serait aménagé de manière à ce que les croyants puissent aller à la messe ».

Dans les rues dégagées de Tacloban, les militaires philippins travaillent au son des chants de Noël, diffusés par haut-parleurs. « Nous essayons ainsi de soutenir leur moral », explique le brigadier général Jet Velarmino à un journaliste de l’agence Ucanews. « Ce qui est important est que nous puissions continuer à tenir, à espérer et à travailler ensemble », précise John Tecson, en charge de l’administration municipale à Tacloban.

Ce 13 décembre, le Conseil de gestion et de réduction des risques de catastrophes naturelles a annoncé que le bilan, toujours provisoire, du typhon s’élevait à 6 009 morts (dont seulement un peu plus de la moitié ont été identifiés) et de 1 779 disparus. Sur les quatre millions de personnes déplacées par Haiyan, un peu plus de 100 000 sont toujours hébergées dans des centres d’évacuation d’urgence, a ajouté le Conseil.

(eda/ra)