Eglises d'Asie

Les responsables de la communauté catholique de Thu Thiêm s’opposent à l’expropriation imminente de biens d’Eglise par les autorités municipales

Publié le 22/03/2012




« Résister jusqu’au dernier souffle… Le pasteur n’a qu’une seule possibilité : conserver son troupeau avec son pâturage. Il n’a pas le droit de céder la terre de son troupeau à un autre, car il n’en est pas le propriétaire. Il lui a été demandé de le garder et non pas de le céder… » Telles sont les intentions et les convictions du P. Jean-Baptiste Lê Dang Niêm, curé de la paroisse de Thu Thiêm, dans le deuxième arrondissement de Saigon, face aux intentions des autorités de la ville, …

 … qui ont programmé pour le mois de juin 2012 la disparition du quartier de Thu Thiêm avec ses pagodes, son église et son couvent de religieuses des Amantes de la Croix.

Ancien, le projet a déjà suscité de nombreuses protestations et s’est heurté à la résistance des responsables religieux (1). Il date du 27 décembre 2005 et vise à doter Saigon d’une zone urbaine ultramoderne de 7 km² qui aurait un rôle comparable à celui du quartier Pudong à Shanghai, en Chine populaire. Selon la planification déjà adoptée par la municipalité, Thu Thiêm est appelé à devenir le nouveau centre de la ville tant au point de vue commercial que financier. On y verra surgir des immeubles de 10 à 40 étages destinés à loger quelque 130 000 habitants et à abriter des centaines de milliers de touristes de passager. A peu près la moitié de la surface de la nouvelle zone urbaine serait occupée par des zones boisées et par les infrastructures routières.

Le projet a fait l’objet de nombreuses critiques de la part de spécialistes en urbanisme. Il prend le contre-pied du développement traditionnel de la ville, orienté jusqu’ici vers le Nord. Les plus forts reproches concernent la destruction du patrimoine culturel de Saigon qui sera la conséquence de la création de cette nouvelle zone urbaine.

Jusqu’à la moitié du XIXème siècle la région de Thu Thiêm, faisant face à la citadelle de Saigon sur l’autre rive de la rivière, était encore couverte de forêt, habitée par les bêtes sauvages et faisait office de refuge pour des criminels et autres marginaux en quête d’asile. Après la prise de Saigon par les Français, en février 1859, un grand nombre de chrétiens venus de divers lieux coururent s’y installer. Le nouveau pouvoir leur distribua des terres à des prix avantageux et leur offrit un terrain pour y construire une église. Ils constituèrent bientôt une forte communauté chrétienne. Elle compte aujourd’hui 4 000 fidèles. Situé aux frontières de la paroisse, le monastère des religieuses des Amantes de la Croix (dites de Thu Thiêm) est encore plus ancien que celle-ci. Il date sans doute des environs de 1840. Les 40 religieuses qu’il abrite se consacrent à l’instruction religieuse, à l’éducation, aux soins de santé et aux œuvres sociales. Aucune d’entre elles ne peut s’accoutumer à l’idée de quitter ce lieu où leurs sœurs se sont établies il y a plus d’un siècle et demi.

Les religieux bouddhistes, établis dans plusieurs pagodes sur le territoire de Thu Thiêm, font preuve du même esprit de résistance au projet municipal. Le Vénérable Thich Không Thanh, religieux bien connu, a rapporté sa réponse aux cadres venus lui demander de quitter les lieux : « Quel que soit le projet, des hommes viendront vivre sur les lieux et ils auront besoin de personnes au service de leur vie spirituelle. » Et il leur a rappelé la doctrine officielle du régime sur la religion : « La religion est un besoin légitime et durable du peuple » (1).

Cette opération foncière, de grande envergure, devrait rapporter d’énormes bénéfices à certaines entreprises. Récemment, le pasteur mennonite Nguyên Hông Quang a porté plainte contre la municipalité auprès du tribunal administratif de Hô Chi Minh-Ville, pour la réquisition du terrain sa paroisse. Il accusait en particulier un groupe financier travaillant pour la mairie de revendre le mètre carré de terrain réquisitionné à un prix 666 fois plus élevé que l’indemnisation accordée aux propriétaires dépouillés. Le tribunal administratif qui a siégé le 5 mars 2012 n’a pas tranché.