Eglises d'Asie

Aceh : deux ans après la mise en place du premier tribunal islamique chargé de l’application de la charia, une flagellation publique a été organisée

Publié le 18/03/2010




Le 4 mars 2003, dans le cadre de l’autonomie octroyée en janvier 2002 par Djakarta à la province d’Aceh, un tribunal islamique chargé de l’application de la charia avait été mis en place (1). Les premières mesures permettant l’application de la charia dans cette province remontaient à 1999, sous la présidence Habibie (2), et il s’agissait, pour le pouvoir central, d’accorder aux habitants de cette province, connus pour pratiquer un islam rigoureux, une mesure symbolique qui les persuade d’abandonner leurs revendications sécessionnistes tout en affirmant leur spécificité dans la République unitaire d’Indonésie. Aujourd’hui, l’état de rébellion larvée entretenue par le GAM (Mouvement pour Aceh libre) n’a pas disparu, la présence militaire indonésienne est toujours aussi forte dans la province, et, pour la première fois, l’effet de l’application de la charia s’est fait sentir de manière visible : le 24 juin dernier, quinze hommes coupables d’avoir violé la charia en jouant de l’argent ont été fouettés à coups de canne en rotin. Chacun d’entre eux a reçu entre six et dix coups de canne.

La sentence a été exécutée après la prière du vendredi, devant la grande mosquée de Biruen, localité située à 150 km. de Banda Aceh. Une estrade avait été dressée pour l’occasion. L’« algojo le bourreau, vêtu d’une ample tunique verte et le visage caché par une cagoule, a infligé les coups, en frappant d’un geste mécanique le dos des condamnés qui n’ont pas montré de souffrance apparente, rapporte France-Presse (3).

Pour les autorités indonésiennes, que ce châtiment corporel, administré sur la place publique, trouve un écho amplifié sur la scène internationale du fait de la présence dans la province d’un grand nombre de médias étrangers, six mois après le dramatique tsunami du 26 décembre 2004, n’a pas posé de problème. Yusni Sabi, l’imam qui a prêché avant l’exécution de la peine, a assuré que cette façon nouvelle d’administrer la justice n’indiquait pas une montée du radicalisme religieux à Aceh. « Les yeux de la communauté internationale sont posés sur Bireuen et des questions sur une montée de l’extrémisme à Aceh seront peut-être posées. Puisse Allah nous protéger de l’extrémisme ! a-t-il déclaré.

En tout, vingt-six personnes avaient été condamnées à être flagellées pour avoir joué des sommes – très modiques – d’argent. Les médecins ont estimé que seulement quinze étaient physiquement aptes à recevoir la peine, les autres devant être fouettés quand ils seront en meilleure forme. Le gouverneur en exercice d’Aceh (son prédécesseur étant en prison pour corruption), Azwar Abu Bakar, a étreint les condamnés après qu’ils eurent reçu les coups. L’un des condamnés, Iswandi, a indiqué qu’il se remettrait avec difficulté de la honte subie. « Ceux qui sont au pouvoir tentent de nous plonger dans l’embarras, nous les gens simples. De nombreuses personnes à Aceh jouent avec des millions de roupies mais elles ne sont pas flagellées. Nous jouons aux cartes avec de petites sommes d’argent car nous n’avons pas de travail décent a-t-il précisé.

Selon le P. Ferdinando Severi, prêtre de l’unique paroisse catholique de la province, à Banda Aceh, la police de la charia, les « wilayatul hisbah se montre plus active depuis peu. Des raids ont été menés récemment, prenant pour cibles les femmes musulmanes ne portant pas le « jilbab le foulard islamique. Certaines de ces femmes ont eu les cheveux coupés en guise de punition. Certaines personnes et des ONG ont été choquées par ce traitement, « mais la plupart d’entre elles n’osent pas protester publiquement, de peur de se voir reprochées d’être païennes ou infidèles rapporte le missionnaire d’origine italienne. Selon d’autres témoignages, dans les zones dévastées par le tsunami, les travaux de reconstruction avancent lentement mais il est frappant de constater que priorité est donnée à l’édification de mosquées, souvent de taille imposante.