Eglises d'Asie – Indonésie
Aceh : un membre du gouvernement fait pression pour que les dispositions du droit inspirées de la charia s’appliquent aux non-musulmans comme aux musulmans dans la province
Publié le 18/03/2010
Aux législateurs qui déclaraient que devait être accordée aux non-musulmans à Aceh la liberté de choisir sous quel régime juridique ils souhaitaient être jugés – le système islamique des qanum ou le régime commun du Code pénal -, Yusril Ihza Mahendra a répondu qu’une telle disposition ne ferait que créer une instabilité juridique dans la province. « Dans l’hypothèse où une telle liberté était accordée, les non-musulmans choisiraient certainement d’être jugés selon le Code pénal parce que les peines qui y sont prévues sont moins sévères (que celles des qanum) a-t-il expliqué. Citant le cas d’un adultère impliquant un musulman et un non-musulman, il a ajouté que le non-musulman opterait certainement pour le Code pénal, étant donné que l’adultère y est moins sévèrement puni que dans le droit islamique. En adoptant cette position, Yusril Ihza Mahendra s’inscrit dans un cadre qui se situe bien au-delà de l’accord de juin 1945, la fameuse « charte de Djakarta qui prévoyait la charia uniquement pour les musulmans (1).
Depuis la mise en place, en 1999, sous la présidence Habibie, puis, en 2001, sous la présidence d’Abduhrrahman Wahid, de certaines dispositions de la charia dans la province d’Aceh, les institutions propres à cette province très majoritairement musulmane font débat en Indonésie (2). Théâtre d’une guérilla meurtrière jusqu’en 2005, opposant le mouvement sécessionniste du GAM à l’armée indonésienne, la province connaît aujourd’hui un état de paix. La loi discutée ces temps-ci au Parlement doit réviser la loi de 2001 sur l’autonomie de la province ; elle doit définir, entre autres choses, l’autorité de la Mahkamah Sharia, le tribunal islamique suprême à mettre en place. Des dispositions relatives à l’adultère, à la consommation d’alcool, aux jeux d’argent et à la décence sont déjà en place, mais le gouvernement et le Parlement ne parviennent pas à se mettre d’accord sur ce tribunal islamique. Une première date-butoir, fixée au 30 mars dernier, a dû être repoussée et les législateurs se sont donné jusqu’à fin mai pour parvenir à un accord. Des partis politiques ont dit leur opposition à ce que les non-musulmans soient passibles des seuls tribunaux islamiques. C’est notamment le cas du PDS (Parti de la paix prospère, proche de milieux chrétiens) et du PDI-P, le parti de l’ancienne présidente Megawati Sukarnoputri. Un membre du PDI-P a par ailleurs accusé le ministère de l’Intérieur de tenter de corrompre les membres de la commission parlementaire, afin de s’assurer de leur soutien.