Eglises d'Asie

Le mobile avancé par la police – un meurtre crapuleux – au sujet de l’assassinat d’un évêque chrétien est contesté

Publié le 18/03/2010




Le 3 octobre dernier au matin, le corps sans vie de Mgr Alberto Ramento, 69 ans, était retrouvé dans le presbytère de la paroisse San Sebastian, à Tarlac, ville situé à une centaine de kilomètres au nord-ouest de Manille. Selon la police, la victime a trouvé la mort après avoir reçu sept coups de couteau et l’arme du crime, un grand coutelas de cuisine, a été retrouvée sur les lieux. Selon les enquêteurs de la police, qui ont révélé que le portefeuille de Mgr Ramento avait été retrouvé sur place, vide, et que les lieux avaient été fouillés, le mobile du meurtre est crapuleux et trois suspects ont été identifiés, trois individus qui s’étaient déjà introduits par effraction au domicile de l’évêque, les 11 et 23 septembre derniers – deux incidents signalés à la police mais qui n’avaient pas entraîné l’ouverture d’une enquête. Toutefois, selon les proches de l’évêque assassiné et des responsables catholiques, le motif de l’assassinat n’est pas crapuleux et Mgr Ramento a été assassiné pour son engagement aux côtés des plus démunis.

Mgr Ramento était évêque de Tarlac au sein de l’Eglise indépendante des Philippines (Iglesia Filipina Independiente, IFI) (1). De 1993 à 1999, il avait assumé la direction de son Eglise, en tant qu’“Obispo Maximo” (évêque suprême). Depuis 1999, il était retourné vivre dans son diocèse de Tarlac, à la tête de dix-huit prêtres. Il était connu pour la simplicité de son style de vie, ne se déplaçant le plus souvent qu’en utilisant les bus publics, et son engagement au service de nombreuses causes politiques et sociales. En 2004 et 2005, il s’était ainsi impliqué aux côtés des ouvriers agricoles en grève dans l’hacienda Luisita, un conflit social long de treize mois conclu par un accord entre la direction et les syndicats (2). Sur un plan politique, il ne ménageait pas ses critiques à l’encontre de la présidente Arroyo, dénonçant les atteintes aux droits de l’homme et les assassinats politiques. Enfin, sur un plan religieux, il était connu pour avoir tenté de resserrer les liens entre son Eglise et l’Eglise catholique (3).

Dans un communiqué en date du 4 octobre, l’évêque suprême de l’IFI, Mgr Godofredo David, a contesté que le mobile du crime soit crapuleux. Selon lui, le clergé et les fidèles à Tarlac “savent que le mobile est plus profond” que celui avancé par la police. “Nous pensons que le brutal assassinat (de Mgr Ramento) est la conséquence inévitable de son engagement aux côtés des petites gens et de leur lutte pour la plénitude de la vie a déclaré l’évêque suprême, ajoutant que l’élimination de Mgr Ramento avait “été soigneusement préméditée et organisée pour des motifs politiques”. Selon un prêtre de l’IFI, envoyé sur place depuis Manille pour enquêter sur les circonstances de la mort de l’évêque, il est impensable que le mobile du crime soit crapuleux, étant donné “la mentalité des Philippins dès lors que l’on touche au domaine religieux”.

Du côté de l’Eglise catholique, des voix se sont élevées pour saluer la mémoire de l’évêque assassiné. Sur le canal philippin de Radio Veritas, Mgr Oscar Cruz, archevêque de Lingayen-Dagupan, s’est souvenu que, lorsqu’il était archevêque de San Fernando, un diocèse de la province de Pampanga, juste au sud de Tarlac, il lui était arrivé de faire expédier du riz pour les ouvriers agricoles dont Mgr Ramento s’occupait et que c’était lui qui se chargeait de le distribuer à ceux qui en avaient le plus besoin. Le 5 octobre, le président de la Conférence des évêques catholiques des Philippines, Mgr Angel Lagdameo, a déclaré : “Dans un esprit d’ocuménisme, nous exprimons toute notre sympathie au Conseil suprême des évêques de l’IFI au sujet de l’assassinat de Mgr Alberto Ramento.” Un assassinat qualifié un peu plus loin de “choquant”. “La mort de Mgr Ramento sera-t-elle une nouvelle occasion pour nous de dire que, dans ce pays, ceux qui annoncent la vérité et dénoncent l’immoralité ne sont plus en sécurité ? a interrogé Mgr Lagdameo.

Par ailleurs, le 8 octobre dernier, un autre pasteur de l’IFI a été assassiné. L’incident a eu lieu sur l’île de Mindanao, dans la province de Surigao del Sur, où le Rév. Dioniso Gingging, 53 ans, a été poignardé chez lui par trois hommes. La police locale a orienté son enquête en direction des trafiquants locaux de drogue, le pasteur ayant dénoncé en termes vifs leur commerce. Des responsables de l’IFI ont émis des doutes quant à cette piste et ont dit leur intention de mener une enquête indépendante.