Eglises d'Asie

Le président de la Conférence épiscopale reproche au gouvernement de négliger le coût social et humain de l’émigration des Philippins

Publié le 18/03/2010




Au lieu de chercher à maximiser les transferts que les émigrés philippins envoient au pays, au lieu de pousser le maximum de Philippins à partir travailler à l’étranger, le gouvernement devrait s’attacher à améliorer la situation faite aux immigrés philippins dans les pays où ils travaillent.

« Malheureusement, notre gouvernement ne paraît préoccupé que par l’importance des fonds transférés par les Philippins de l’étranger », se désolait Mgr Angel Lagdameo, président de la Conférence des évêques catholiques des Philippines, lors du discours de clôture prononcé le 30 août dernier au séminaire San Carlos de Makati, où, durant deux jours, étaient réunis 35 délégués de l’ICMC (International Catholic Migration Commission).

 

Mgr Lagdameo, archevêque de Jaro, s’est livré à une critique en règle de la machine à émigrer mise en place aux Philippines et qui fait de ce pays l’un des grands pourvoyeurs de main-d’œuvre, tant féminine que masculine, à travers le monde. Il a rappelé que, dès le XIXème siècle, le pape, en la personne de Léon XIII, estimait immorale toute organisation du travail entraînant la séparation durable et prolongée des membres d’un même foyer. C’était en 1891 avec l’encyclique Rerum Novarum. Aujourd’hui, a poursuivi l’évêque, les migrations sont inscrites dans les faits comme un phénomène de masse, notamment la migration des travailleurs qui partent à l’étranger sans leur famille, et cette réalité a des conséquences « dramatiques sur la vie des familles et la fabrique sociale ».

 

Ces migrations « soulèvent des questions éthiques beaucoup plus importantes que les aspects économiques qui sont en jeu », a continué Mgr Lagdameo. Ainsi, les difficultés qui surgissent dans les couples dont l’un ou les deux membres sont partis travailler à l’étranger sont immenses « et ne peuvent être résolues par un seul surcroît de bien-être économique, qu’il soit exprimé en termes financier ou de développement ». L’évêque a évoqué les conséquences sur les couples et les familles, des séparations géographiques, des mariages de convenance ou bien encore des violences domestiques. Selon les enquêtes sociales disponibles, un mariage sur deux où l’un des conjoints est parti travailler à l’étranger se termine par une séparation ou un divorce (1).

 

Mgr Lagdameo a appelé la Commission pour les migrants et les gens du voyage de l’épiscopat philippin à travailler auprès du gouvernement afin que celui-ci défende le droit des Philippins à migrer non plus de manière individuelle mais en famille.

 

Il a ajouté qu’il était bien conscient de l’importance de l’apport que représentaient les transferts financiers des migrants philippins. Ce sont même ces flux financiers qui ont permis et permettent encore à l’économie du pays de garder la tête hors de l’eau, palliant ainsi la mauvaise gestion des dirigeants, a-t-il souligné (2). Mais il est clair, a-t-il insisté, que le gouvernement promeut l’émigration pour des motifs purement financiers et des objectifs de court terme. L’administration Arroyo, comme les autres avant elles, ne veut pas voir les changements profonds que connaît la structure familiale aux Philippines : multiplication des familles monoparentales, foyers dont le chef de famille est un enfant.

 

« Le coût négatif induit par ces évolutions sociales n’est pas pris en compte par l’administration, qui n’a les yeux fixés que sur quelques indicateurs économiques et financiers », a encore expliqué Mgr Lagdameo. L’impact économique de la migration est indéniable et il est positif, a-t-il poursuivi, car ces migrations améliorent le budget de plus de quinze millions de foyers, mais l’impact social n’est jamais pris en considération dans les comptes de la nation.

 

Sur le plan ecclésial, Mgr Lagdameo a appelé les prêtres, notamment les curés des paroisses d’où partent les migrants et ceux des paroisses où ils arrivent, à se mettre au service de cette population. Il a noté que, souvent, l’unique intérêt des prêtres, que ce soit aux Philippines ou dans les pays où les Philippins partent travailler, se trouvait dans les ressources financières ou les talents que les migrants pouvaient représenter. Or, sur un plan pastoral, il est essentiel que l’Eglise défende les migrants sur le plan des principes, sur leur droit à migrer en famille ou à demander le regroupement familial.

 

Installée à Genève et approuvée en 1951 par Pie XII, l’ICMC est au service des réfugiés, des personnes déplacées et des migrants. La rencontre de Makati concernait le bureau ‘Asie’ de cette organisation et a rassemblé 35 délégués, dont treize évêques, venus de quinze pays de la région.