Eglises d'Asie

A Jakarta, chrétiens et musulmans manifestent contre la fermeture d’une église par les autorités

Publié le 19/04/2011




Environ 500 fidèles de l’Eglise chrétienne (protestante) d’Indonésie (GKI) (1) ont célébré l’office des Rameaux dimanche 17 avril dernier devant le palais présidentiel à Jakarta, en signe de protestation contre la fermeture de l’un de leurs lieux de culte par les autorités locales. La célébration a été suivie d’une manifestation rassemblant plusieurs centaines de sympathisants appartenant à différentes confessions religieuses.

Le temple Yasmin de la GKI, situé à Bogor, une ville au sud de Jakarta, a été fermé en février 2008, à la suite d’accusations de prosélytisme faites à l’encontre des chrétiens par des groupes extrémistes musulmans. Bien que la Cour Suprême ait annulé l’ordre de fermeture du lieu de culte, cles autorités locales ont maintenu leur décision et n’autorisent toujours pas les fidèles à approcher de l’église.

 

Lors de la célébration, qui a duré trois heures, le Rév. Ujang Tanu Saputra a rappelé que « Jésus avait apporté un message de paix que [les croyants] étaient tous appelés à partager avec leur prochain ». Un thème repris par les nombreux participants, membres d’autres dénominations protestantes, catholiques, bouddhistes et même musulmans, dont les leaders se sont adressé à la foule afin de lui faire part de leur soutien « contre la discrimination et la violence » (2).

 

« Nous prions Dieu d’éclairer notre nation, pour que règne le respect mutuel. Ce pays est notre patrie et il ne devrait y avoir aucune discrimination envers quiconque », a déclaré le Rév. Andreas Anangguru Yewangoe, président de la Communion des Eglises d’Indonésie (PGI), la plus importante fédération protestante du pays. « Nous prions aussi Dieu d’inspirer le gouvernement de notre pays ainsi que les autorités locales afin qu’ils fassent respecter la Constitution et les droits de chaque citoyen », a-t-il ajouté. Ardent défenseur de la liberté religieuse et du dialogue entre les différentes communautés, le pasteur ne cesse de demander depuis des années au gouvernement de garantir la liberté de religion et l’égalité entre les citoyens, principes définis par la Constitution de 1945.

 

Sur l’île de Java, et en particulier dans la province de Java-Ouest, les chrétiens, ainsi que les ahmadis (considérés comme hérétiques par le courant majoritaire de l’islam) sont victimes d’attaques croissantes des extrémistes et confrontés à la fermeture forcée de leurs lieux de culte (3). Bon nombre de ces actes de violence ont pour origine l’opposition des communautés musulmanes majoritaires à la construction d’édifices religieux autres que ceux consacrés à l’islam. Depuis le décret de 2006, les règles en vigueur sont telles qu’il est facile à une communauté locale de faire part de son opposition à la construction dans son voisinage d’un lieu de culte (4). En septembre 2010, l’attaque du pasteur de l’église de Citeking, dans le cadre d’une campagne d’opposition des autorités locales à l’officialisation d’une église, avait en raison de sa violence, déclenché de vives réactions aussi bien du côté des Eglises chrétiennes que de différentes organisations musulmanes (5).

 

A Bogor, la GKI avait satisfait aux nombreuses conditions requises par la loi sur les constructions de lieux de culte et obtenu un permis de construire en 2006. Mais sous la pression de groupes islamistes, les autorités locales étaient revenues sur leur décision et avaient annulé le permis de construire en 2008, entraînant la fermeture de l’église pourtant déjà utilisée comme lieu de culte. Après un long bras de fer avec les autorités, les chrétiens avait déposé une plainte devant la Cour Suprême qui avait cassé l’interdiction du gouvernement local et autorisé la réouverture du temple. Mais refusant d’appliquer la décision du tribunal, les autorités de Bogor avaient maintenu la fermeture du lieu de culte. Depuis, chaque dimanche, les forces de l’ordre et des militants islamistes empêchent les chrétiens d’accéder au temple dans des affrontements qui dégénèrent en violences.

Ces derniers mois, outre l’opposition à la construction de lieux de culte, les accusations de blasphème se sont multipliées à l’encontre des chrétiens et des ahmadis, déclenchant des vagues de violences meurtrières, comme à Temmanggung dans la province de Java-Centre en février dernier. S’appuyant sur la loi anti-blasphème (6), un millier d’extrémistes musulmans a attaqué plusieurs églises, un orphelinat et un centre de soins, en représailles d’une décision de justice qui venait d’être rendue contre un chrétien accusé de blasphème et de prosélytisme. Le tribunal avait condamné l’accusé à la peine maximale (5 ans de prison) mais la foule en colère exigeait sa mise à mort.

L’Indonésie est le premier pays musulman au monde (240 millions d’habitants dont plus de 85 % appartiennent à l’islam). La minorité chrétienne y représente 10 % de la population.