Eglises d'Asie

Cinquantième anniversaire de l’introduction des rites de vénération des ancêtres dans la liturgie catholique

Publié le 15/10/2014




Voilà 50 ans que l’Eglise catholique du Vietnam a obtenu de pouvoir appliquer sur son territoire l’instruction Plane compertum est concernant la vénération des ancêtres. Pendant plusieurs siècles, la querelle dite « des rites chinois » concernant les cérémonies du culte des ancêtres n’avait trouvé aucune solution dans les pays concernés, c’est-à-dire la Chine, le Vietnam, la Corée, le Japon. …

… Le conflit opposait les missionnaires entre eux, le pouvoir civil et la hiérarchie religieuse et, enfin, le Saint-Siège et les Eglises locales. On peut considérer que l’instruction Plane compertum est mit, avec un certain retard, un terme à ce conflit. Son application au Vietnam fut demandée et obtenue par la Conférence épiscopale du Sud-Vietnam en 1964.

Cet anniversaire a été rappelé par la Conférence épiscopale du Vietnam, qui publie, à cette occasion, un communiqué faisant référence aux instructions publiées en 1964 par les évêques du Sud-Vietnam. Les lecteurs trouveront ci-dessous la traduction de ce texte réalisé par la Rédaction de d’Eglises d’Asie.

Par ailleurs, les 25 et 26 septembre derniers, un colloque portant sur ce thème a été organisé au Centre pastoral de l’archidiocèse de Saigon. De nombreux spécialistes, évêques, prêtres et laïcs ont longuement commenté les divers aspects de ce problème ainsi que l’évolution des esprits à ce sujet depuis la première évangélisation au Vietnam.

Communiqué de la Conférence épiscopale du Vietnam à propos de la vénération des ancêtres

Le 20 octobre 1964, la Congrégation de la propagation de la foi (aujourd’hui appelée Congrégation pour l’évangélisation des peuples) acceptait la proposition des évêques du Vietnam demandant d’appliquer l’instruction Plane compertum est (du 8 décembre 1939) concernant la vénération des ancêtres, à l’ensemble des catholiques du Vietnam.

Pour mieux comprendre l’esprit dans lequel l’Eglise a accepté cette requête et pour faire connaître un certain nombre de directives destinées à orienter l’application de l’instruction, la Conférence épiscopale tient à souligner les points ci-dessous :

I – L’Eglise catholique face à la culture et la tradition de notre peuple : L’Eglise du Christ a toujours accompli avec ardeur la mission que lui a donnée son fondateur, à savoir être présente partout et annoncer l’Evangile à tous. Le premier effort de l’Eglise est d’aider les hommes à devenir une image authentique de Dieu et à rester fidèles à leur mission de chrétiens afin d’obtenir finalement le bonheur éternel. Cette tâche est réalisée en fonction des capacités de chaque individu. Mais elle a des implications sur la totalité de la vie et dans tous les domaines de l’activité humaine (Pie XII).

II – Par ailleurs, depuis l’origine jusqu’à nos jours, l’Eglise catholique s’est toujours conformée aux critères évangéliques. Ainsi, elle n’a jamais abandonné ou fait disparaître les valeurs dignes de respect et authentiques des diverses nations. En effet, la nature humaine, bien qu’elle porte les traces de la chute du premier homme, garde cependant encore en elle-même le fondement naturel que la lumière et de la grâce de Dieu lui ont donné, qu’elles ont fortifié et élevé jusqu’à un niveau de vie surnaturelle authentique. C’est pour cela que l’Eglise n’a jamais méprisé ou tenu pour dérisoire les pensées, les productions artistiques ou encore la culture des personnes non catholiques. Au contraire, elle a toujours cherché à leur apporter sa contribution en participant à leur formation ou en la complétant pour la porter jusqu’à sa perfection. A travers les siècles, elle a sanctifié les coutumes comme les traditions authentiques des peuples. A de nombreuses reposes, elle a emprunté à telle ou telle région des rites après les avoir corrigé dans leur esprit et dans leur forme pour faire mémoire du mystère divin ou pour vénérer des martyrs. (Pie XII, message Evangelii Praecones, le 2 juin 1951). Jean XXIII reprend ce thème dans son message Princeps Pastorum du 28 novembre 1959).

3 – A l’égard des autres religions, l’Eglise catholique adopte une position claire. Naturellement, elle ne peut pas participer à leurs cérémonies ou considérer qu’une religion en vaut une autre, laissant à chacun le libre choix de juger si Dieu a révélé une religion authentique dans laquelle il est véritablement reconnu, aimé et adoré. Cependant, l’Eglise ne refuse pas de reconnaître avec respect les valeurs spirituelles et morales des autres religions (Paul VI dans Ecclesiam Suam, du 6 août 1964). L’Eglise ne refuse pas ce qui est vrai, sacré dans n’importe quelle religion. Elle ne cesse d’enseigner que le Christ est « le chemin, la vérité et la vie » et que, dans le Christ, Dieu réconcilie la création.

Cependant, l’Eglise s’applique de tout son cœur et de tout son esprit à porter un jugement sur les actions et les activités, sur les directives et les doctrines des autres religions. Même si elles sont erronées par rapport au dogme proposé par l’Eglise, elles contiennent cependant en elles un certain reflet de la vérité qui illumine tout homme. C’est pourquoi nos enfants doivent certes garder dans son intégrité la doctrine catholique, mais ils doivent aussi s’efforcer d’acquérir ces biens précieux que sont la morale et les valeurs sociales qu’ils rencontrent dans les autres religions grâce aux réunions communes, à leurs études et à leur collaboration avec les croyants des autres religions (Concile Vatican II, troisième session, L’Eglise et les religions non chrétiennes, 20 novembre 1964).

Ces prises de position de l’Eglise telles qu’elles ont été formulées par les souverains pontifes et par le concile Vatican II nous font comprendre la raison de la décision du Saint-Siège d’appliquer l’instruction Plane compertum est au Vietnam aujourd’hui. C’est en accord avec cet esprit que les évêques, au cours d’une réunion à Dalat, du 12 au 14 juin 1965, avaient publié le communiqué suivant :

« Instructions d’application de l’instruction Plane compertum est.

1 – Beaucoup d’activités, de gestes, autrefois, au Vietnam, avaient un caractère religieux. Mais, aujourd’hui, à cause des contacts avec l’étranger et parce que l’état d’esprit, les coutumes ont beaucoup changé, elles ne sont plus maintenant que des façons d’exprimer la piété filiale et le respect à l’égard des ancêtres et de nos héroïques aînés morts pour la patrie. Ces gestes, ces attitudes, ces rites de caractère profane, historique et convivial, l’Eglise catholique non seulement ne s’y oppose pas mais elle souhaite encourager leur manifestation par des gestes propres à chaque nation, à chaque région, en fonction des situations particulières. C’est pourquoi, les gestes, les attitudes, les rites ont, par eux-mêmes ou à cause de leur contexte, une signification profane. Ils expriment le patriotisme, la piété filiale, la vénération et la commémoration des ancêtres ainsi que des héros morts pour la patrie (par exemple, en exposant leurs portraits, photos, statues, en s’inclinant et joignant les mains respectueusement devant eux, en leur offrant des fleurs, en organisant des célébrations pour leur anniversaire).

2 – Par contre, ayant pour mission de maintenir et protéger la foi qu’elle a reçue, l’Eglise ne peut accepter que ses fidèles adoptent certaines activités, certains gestes qui, en soi ou à cause du contexte, ont un caractère religieux allant à l’encontre de notre propre croyance.

C’est pourquoi, concernant les activités de caractère religieux non conforme à la doctrine catholique (par exemple, n’importe quelle cérémonie comportant la glorification d’une créature et manifestant notre dépendance à son égard, comme si elle était Dieu, ou bien de pure superstition (brûler de faux billets de banque) ou encore venir célébrer dans les lieux spécialement réservés aux sacrifices), les fidèles ne devront pas y participer. Dans les cas où ils y seraient contraints, les fidèles se contenteront d’être présents d’une manière passive comme cela est prescrit dans le droit canon à l’article 1258 (Code de droit canon de 1917).

3 – Pour ce qui concerne les actions dont on ne connaît pas précisément si elles sont de nature profane ou religieuse, il faut s’appuyer sur ce principe : si, selon l’opinion de la population locale, elles n’appartiennent pas au corpus doctrinal d’une religion (autre que le christianisme) et qu’elles ne font qu’exprimer un sentiment naturel, elles peuvent être considérées comme ne s’opposant pas à la foi catholique ; dans ce cas-là, on peut y participer. En cas de doute, il faut agir en suivant la voix de sa conscience à ce moment-là. Si cela est nécessaire, on pourra expliquer son intention profonde d’une manière habile en fonction de la situation et de l’occasion. La participation ne pourra être que passive.

Telles sont les principes communs sur lesquels les fidèles devront s’appuyer pour porter un jugement en conscience et en fonction de la situation. En cas de doute, les personnes concernées ne devront pas suivre leur appréciation particulière mais l’avis du Saint-Siège. On devra interroger les ecclésiastiques compétents.

Nous prions les prêtres de diffuser largement et de commenter soigneusement ce communiqué, non seulement dans les églises mais aussi chaque fois qu’ils en auront l’occasion, pour les fidèles mais aussi pour les non-chrétiens. Les responsables de l’Action catholique doivent également faire de ce communiqué un document d’études pour leurs groupes dans leurs réunions et dans leurs sessions de formation.

A Dalat, le 14 juin 1965.

Conférence épiscopale du Vietnam (République du Vietnam) »
(Source : Linh Muc (‘Prêtre’), numéro 43, juillet 1965, pp. 489-492)

(eda/jm)