Eglises d'Asie

Saigon : des lieux de culte chrétiens et bouddhistes détruits pour créer « une zone urbaine aménagée »

Publié le 22/09/2014




Dans le cadre d’un « plan d’aménagement et de développement » de Saigon (Hô Chi Minh-Ville), les autorités ont ordonné la destruction des lieux de culte de la zone de Thu Thiêm pour les remplacer par des centres commerciaux, des quartiers résidentiels et administratifs. 

A Saigon, le gouvernement a planifié la démolition de deux églises catholiques et d’un temple bouddhiste, dans le cadre d’un « plan de développement urbain » de la partie sud de Saigon. Deux lieux de culte de l’Eglise mennonite et de l’Eglise évangélique du Vietnam ont déjà été détruits, ainsi que leurs terrains confisqués.

Le projet n’est pas nouveau et se heurte depuis des années à une résistance farouche des communautés, chrétiennes, comme bouddhistes de Thu Thiêm. Datant du 27 décembre 2005, ce plan vise à doter Saigon d’une zone urbaine ultramoderne appelée à devenir le nouveau centre de la ville tant au point de vue commercial que financier.

Mais depuis l’été dernier, alors que les premiers bâtiments et terrains appartenant à des communautés ont commencé à être saisis, les fidèles et leurs chefs religieux s’organisent pour faire face aux menaces des autorités en faisant appel à la communauté internationale.

Un Conseil interreligieux représentant cinq groupes chrétiens et bouddhistes s’est constitué et a lancé le 15 septembre dernier une pétition pour stopper le projet, adressée à la communauté internationale, aux organisations de défense des droits de l’homme, aux médias, ainsi qu’à « tous les citoyens du Vietnam ». La pétition du Conseil des chefs religieux a reçu plus de 600 signatures dans les trente heures qui ont suivi, rapporte l’agence AsiaNews le 18 septembre dernier.

« Le Conseil interreligieux du Vietnam appelle de toute urgence votre soutien et votre coopération dans la protection de toutes les institutions religieuses à Thu Thiêm », demande la pétition, qui précise que la fermeture de la pagode de Liên Tri a été notifiée le 18 aout par les autorités de la circonscription d’An Khanh d’Hô Chi Minh-Ville, district 2, et qu’elle « peut intervenir à n’importe quel moment entre le 8 et le 30 septembre ».

Outre cette menace urgente, le texte du Conseil interreligieux rappelle également que « l’église catholique de Thu Thiem et les bâtiments de la communauté des religieuses des Amantes de la Croix, la plus ancienne des congrégations du Vietnam, sont aussi en danger de destruction imminente ».

Cette démolition à laquelle ces établissements religieux avaient déjà échappé en juin 2012 semble désormais presque inévitable. La paroisse catholique de Thu Thiêm compte plus de 4 000 fidèles et le monastère des Amantes de la Croix (dites de Thu Thiêm) abrite une quarantaine de religieuses qui se consacrent à l’instruction religieuse, à l’éducation, aux soins de santé et aux œuvres sociales.

La zone de Thu Thiêm a été choisie pour devenir « une zone urbaine nouvelle » avec des établissements commerciaux, résidentiels, administratifs, ainsi que des centres de loisirs et d’enseignement, explique la pétition. Cependant, dans cette région au riche potentiel, longtemps appelée « le pays d’or » par les investisseurs, aucun temple, aucune église ni aucun lieu offrant des services caritatifs n’ont été prévus, constate-t-elle. « Comment les besoins spirituels et religieux des gens seront-ils satisfaits [dans cette nouvelle zone], comment la liberté de religion inscrite dans la Constitution pourra-t-elle s’exercer ? », s’interrogent les pétitionnaires.

Les autorités ont offert en compensation de la confiscation de la pagode Liên Tri et de ses terres, la somme de 274 000 dollars, a rapporté le responsable de la communauté bouddhiste, le vénérable Thich Không Tanh, au service en langue vietnamienne de Radio Free Asia le 17 septembre. « Mais, a-t-il ajouté, nous n’accepterons jamais leur offre, car le problème n’est pas d’ordre financier. »

« Nous savons bien que le gouvernement n’aime pas beaucoup la communauté Liên Tri, a ajouté le moine, parce qu’elle n’appartient pas à l’organisation bouddhique d’Etat [‘Eglise bouddhiste du Vietnam. NDLR]. Notre communauté, l’Eglise bouddhiste unifiée a été interdite par les autorités vietnamiennes pendant plusieurs dizaines d’années et, à ce titre, soumise à l’isolement et à la répression. »

« Aujourd’hui, le gouvernement utilise la spoliation de terrains comme moyen pour nous éliminer définitivement. Il m’a été répondu que, quel que soit mon avis sur la question, le projet serait mené à son terme… Et le gouvernement finit toujours pas obtenir ce qu’il veut », conclut-il.

En juillet dernier, Heiner Bielefeldt, envoyé spécial des Nations Unies, a accusé le gouvernement vietnamien de « graves violations de la liberté religieuse » et a rapporté que la police avait harcelé et intimidé les personnes qu’il avait voulu rencontrer dans le cadre de ses investigations.

(eda/msb)