Eglises d'Asie

Augmentation inquiétante de l’exploitation des enfants

Publié le 26/11/2014




Le trafic des enfants et leur exploitation forcée n’ont cessé de croître ces dernières années pour atteindre en nombre le tiers des victimes recensées dans le monde en 2014, a déclaré l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), dans un rapport publié lundi 24 novembre. 

Cette étude préoccupante tombe en pleine célébration des vingt-cinq ans de la Convention internationale des droits de l’enfants, fêtée le 20 novembre dernier. Au Népal, qui a été classé à la 5e place du Rapport mondial sur l’esclavage, publié le 17 novembre, plusieurs ONG et associations chrétiennes ont profité de cette journée commémorative pour lancer des programmes de sensibilisation à l’esclavage et à la traite des enfants.

Parmi ces initiatives, le projet End Child Slavery Week, mené par les Nations Unies et un ensemble d’ONG, a lancé son programme mondial pour l’éradication de l’esclavage des enfants avec un mini-reportage « Stand With Sanju », qui raconte l’histoire vraie d’une petite fille de 11 ans, envoyée par ses parents vivant dans une région rurale déshéritée du Népal travailler dans une fabrique de tapis à Katmandou.

La campagne bénéficie de la notorité du prix Nobel de la Paix Kailash Satyarthi qui soutient le programme de la Free Walk Foundation, une ONG luttant contre l’emploi illégal des enfants dans les manufactures de tapis au Népal.

Avec l’aide de Good Weave International, qui milite contre l’abolition de l’esclavage des enfants, Sanju, qui travaillait sans relâche de 4 heures du matin à plus de 20 heures dans des ateliers où elle « nouait des fils à s’en faire saigner les doigts », a été retirée de la manufacture avec d’autres enfants, et suit aujourd’hui un programme de scolarisation.

Au Népal, la majeure partie de la main-d’œuvre de l’industrie du textile est infantile et l’on estime à plus de 10 000 les enfants illégalement employés dans les manufactures de tapis.« Le travail des enfants était un phénomène courant dans les années 1990, puis il avait diminué de manière significative grâce au travail de nombreuses ONG dans le pays; mais aujourd’hui, tout recommence de plus belle », analyse Kul Gautam, ancien directeur adjoint de l’UNICEF.

Le nombre des enfants exploités a augmenté dans tous les secteurs d’activité : l’agriculture, les petits métiers de service (cuisine dans les restaurants, vente à l’étalage, etc.), les usines, les mines ou les tristement célèbres briqueteries népalaises où ils sont des milliers d’enfants à travailler plus de 16 heures par jour, dans la poussière et la chaleur, portant des charges faisant le double de leur poids.

Selon Kul Gautam, la hausse significative de l’exploitation infantile ces dernières années est selon lui une conséquence directe de la guerre civile, qui ne s’est achevée en 2006 que pour laisser place à une situation de grande instabilité politique et économique dans laquelle le pays est toujours embourbé.

De nombreux ouvriers et paysans étant partis chercher du travail à l’étranger, un grand nombre de familles fragiles économiquement se sont retrouvées sans ressources. Par ailleurs, les maoïstes s’étant mis à recruter en masse des enfants soldats, la plupart des parents craignant qu’ils soient enrôlés de force, ont envoyé leurs enfants dans les grandes villes du Népal où ils se sont retrouvés à la merci de propriétaires d’usines et d’employeurs prêts à exploiter cette main-d’œuvre vulnérable et bon marché. A cette situation déjà critique, s’est ajoutée la nationalisation des manufactures de tapis et d’un bon nombre d’usines par les maoïstes à leur arrivée au pouvoir en 2008.

Les différents responsables de la campagne End Child Slavery dénoncent tous « une totale absence de volonté politique » qui empêche de lutter efficacement contre le travail des enfants. Un constat qui se vérifie également dans les « réseaux de traite » qui sévissent en toute impunité au Népal.

C’est le cas des kamlaris, ces petites filles issues généralement de l’ethnie tharu, pauvre et discriminée, qui sont vendues pour 25 dollars par an comme domestique à tout faire, dans les grandes villes du Népal. A 9 ans, Manjita Chaudhary a été vendue par son père, un paysan criblé de dettes, à un policier de Katmandou. Près de 20 heures par jour, elle était l’esclave domestique, corvéable à merci, de son employeur et de ses parents. Maltraitées, souvent victimes d’abus sexuel, ces filles qui n’ont souvent pas plus de 6 ans lorsqu’elles sont vendues, figurent parmi les populations considérées comme les plus vulnérables par l’UNICEF.

Chaudhary a été kamlari pendant trois ans avant que l’association Fondation Jeunesse Népal ne la « rachète » à ses employeurs et ne lui permette d’être scolarisée. Aujourd’hui, elle milite au sein de l’association pour faire abolir la pratique des kamlaris. Mais malgré la mort en mars dernier d’une jeune kamlari des suites de brûlures infligées par son employeur, aucune des plaintes de ces anciennes domestiques-esclaves n’a pu aboutir. « Nous n’allons quand même pas faire une descente de police dans chaque famille de Katmandou pour vérifier s’ils emploient des domestiques illégales ! », se justifie un représentant du ministère de la Femme, de l’Enfant et de la Condition sociale.

Selon les associations de défense des droits de l’enfants, c’est l’inaction des pouvoirs publics népalais qui permet également aux réseaux de prostitution infantile de prospérer .

Selon Caritas-Nepal, qui lutte contre ce fléau en très forte progression, plus de 20 000 jeunes Népalaises sont victimes chaque année des trafiquants, et se retrouvent dans les bordels de l’Inde voisine. Pamela Gurung, qui travaille au sein de l’organisation catholique, participe régulièrement à des « opérations de sauvetage » à la frontière indo-népalaise ; une douzaine de filles par jour sont ainsi arrachées aux réseaux de prostitution, sous les yeux blasés de « la police aux frontières qui souvent participe elle-même au trafic ».

(eda/msb)