Eglises d'Asie – Inde
Chhattisgarh : nouvelle attaque de chrétiens par le Bajrang Dal
Publié le 27/10/2014
Depuis des mois, les tensions interreligieuses et les affrontements entre les communautés chrétienne et hindoue vont croissant dans cet Etat du centre de l’Inde, tout particulièrement dans le district de Bastar, majoritairement aborigène.
Mais l’arrivée au pouvoir de Narendra Modi, du Bharathya Janata Party (BJP) en mai dernier, a soutenu la montée d’une nouvelle vague d’intolérance religieuse, dont « l’affaire des gram sabha » qui a attiré l’attention de l’opinion publique et des médias indiens .
S’appuyant sur la loi anti-conversion en vigueur dans l’Etat (Chhattisgarh Freedom of Religion Act), les gram sabha (1) d’une cinquantaine de villages du Bastar avaient en effet voté en juin dernier des résolutions interdisant sur leur territoire « tout prosélytisme religieux, prière, cérémonie ou discours non hindous ». Un dispositif visant tout particulièrement les chrétiens dont l’augmentation du nombre de convertis est un sujet de préoccupation constante pour les assemblées de village.
Les organisations chrétiennes avaient immédiatement saisi la Haute Cour de l’Etat afin que soient annulées les décisions des gram sabha, et l’affaire est actuellement en cours.
C’est dans ce contexte tendu que les chrétiens du village de Kotwar avaient été invités par les autorités du district à venir « discuter » avec des représentants hindous, dans un « esprit de médiation ». Cependant, au lieu de la rencontre prévue, les chrétiens s’étaient retrouvés seuls, sans aucun représentant officiel, face aux militants hindous, qui leur avaient tendu un guet-apens, dénonce aujourd’hui Arun Pannalal, président du Chhattisgarh Christian Forum (CCF).
« Pour les chrétiens, l’objectif de ce rassemblement était de discuter de la réponse de l’administration du district à la requête déposée par eux auprès de la Haute Cour de Bilaspur sur l’interdiction du culte chrétien dans les villages, explique le responsable du CCF, qui fait également partie des pétitionnaires. Les chrétiens étaient venus assister à une réunion qui ne devait jamais avoir lieu : à la place, c’est une attaque qui leur avait été préparée. »
Selon les témoins, les assaillants appartenaient au Bajrang Dal, une organisation liée au parti extrémiste Vishwa Hindu Parishad et réputée pour sa violence. Ils décrivent tous une attaque rapide d’une cinquantaine d’hindouistes armés de sabres, de bâtons et de haches, qui se sont mis à frapper les chrétiens après les avoir jetés de force dans des camions, les accusant de pratiquer des conversions forcées. Ce lundi, onze blessés sont toujours en soins intensifs à l’hôpital de Jagdalpur, rapporte le Times of India.
Le Bajrang Dal nie toute implication dans l’attaque. « Les allégations portées à notre encontre sont absolument sans fondement », a déclaré aujourd’hui à The Hindu, Mahesh Kashyap, responsable de l’organisation pour la région du Bastar. « Certains hindous avaient été invités par le magistrat du district à une réunion dans le village, et certains pasteurs étaient également présents sans y avoir été invités. Les hindous ont protesté de leur présence et c’est ce qui a conduit à une bagarre », conclut-il.
Selon le président du CCF, la façon dont l’attaque a été menée laisse suspecter une implication des autorités locales. « Une annonce officielle avait été faite, demandant à ce que les habitants du village de Kotwar se rassemblent samedi 25 octobre à 9 h du matin afin de rencontrer le magistrat, le commissaire de police et le sous-préfet locaux afin de discuter de la façon d’apaiser les tensions entre les communautés chrétienne et hindoue », rappelle-t-il au quotidien indien. « Les villageois ont attendu jusqu’au soir, mais personne n’est venu. Dès que la nuit est tombée, une quarantaine de militants du Bajrang Dal sont arrivés en camion, portant des bandeaux safran autour du front, et ont attaqué immédiatement les chrétiens. »
De leur côté, les responsables du district invoquent une « simple dispute privée ». « Cet incident n’est lié en aucune façon aux tensions religieuses qui ont cours dans le village », affirme ainsi Ankit Anand, responsable du district de Bastar, à l’agence Ucanews. « Il ne s’agit que de quelques règlements de compte personnels entre les deux groupes. Les autorités concernées ont actuellement la situation totalement sous contrôle. »
Quant à la police, elle demeure particulièrement évasive concernant les circonstances de l’attaque ou encore les éventuelles poursuites envisagées. Certaines sources locales font mention de l’enregistrement d’une quinzaine de plaintes à l’encontre de personnes impliquées dans l’attaque, mais aucune déclaration des forces de l’ordre n’est venue confirmer cette information.
« Les autorités du district ont tout intérêt à ce que la requête déposée par les chrétiens à l’encontre des hindouistes soit retirée. La police a refusé d’enregistrer la plupart des plaintes après l’attaque et les chrétiens ont été obligés de se cacher pour échapper aux représailles du Bajrang Dal au lieu d’avoir la protection de la police », accuse pour sa part le président du CCF dans les colonnes du Times of India.
Arun Pannalal a également appris en interrogeant des témoins qu’une semaine plus tôt, le représentant de la circonscription BJP du Bastar, Dinesh Kashyap, s’était rendu dans le village de Bhanpuri pour rencontrer les membres du gram sabha qui avaient interdit toute activité religieuse aux chrétiens. Il leur avait lui-même lavé les pieds en signe de profond respect et avait tenu un éloquent discours dans lequel il proclamait avoir mené à bien le « ghar wapsi » (2), « retour à la foi hindoue ».
Cette visite avait eu pour effet immédiat d’exacerber les tensions entre hindous et chrétiens, notamment lors des rassemblements de prière à l’église locale. « L’affaire des gram sabha étant pendante devant la Haute Cour, il est plus que propable que cette dernière attaque soit une tentative de pression afin que les chrétiens retirent leur plainte », conclut le président du CCF.
(eda/msb)