Eglises d'Asie

Des mariages collectifs pour lutter contre la coutume de la dot

Publié le 13/02/2015




Dimanche 8 février a été organisé à Pashupatinath le premier « mariage collectif » d’une centaine de couples, une mesure destinée à lutter contre la coutume de la dot, en très forte augmentation dans le pays himalayen.Malgré son interdiction, cette pratique venue de l’Inde et présente dans toute l’Asie du Sud, ne cesse d’étendre ses ravages au Népal, …

… où des pouvoirs publics impuissants laissent aux ONG et aux Eglises le soin de tenter d’enrayer le phénomène.

Cinq ans après avoir marié sa fille aînée, Nawal Paswan, 41 ans, paye toujours les intérêts du lourd emprunt qu’il a dû contracter pour sa dot payée en liquide et en coûteux cadeaux, soit 300 000 roupies (près de 3 000 euros), rapporte l’agence Ucanews le 11 février.

Mais les demandes de la belle-famille n’ont pas cessé pour autant après le mariage. « Depuis cinq ans, ils ne cessent de nous demander des cadeaux, mais nous n’avons malheureusement plus rien », se lamente ce dalit (intouchable) qui ne gagne que 500 roupies par jour pour nourrir son épouse et ses cinq enfants.

Aujourd’hui, pour les noces de sa fille cadette, Nawal a choisi cette fois le mariage collectif, une alternative qui est en passe de séduire bon nombre de familles de sa région du Teraï, située dans le sud du Népal.

Dimanche 8 février, Rinku, âgée de 21 ans, a donc épousé Jitendra Paswan, 24 ans, au grand temple hindou de la ville sainte de Pashupatinath, surnommée la Bénarès du Népal. Une centaine de couples ont été unis lors de cette cérémonie collective hindoue organisée par la Shiva Shakti Rahuleshwaranand Foundation.

Le district de Bara où vivent ces familles pauvres qui ont participé au mariage est tristement connu pour avoir l’un des taux les plus élevés de violences conjugales et d’incidents provoqués par le système de la dot. C’est la raison pour laquelle l’association hindoue, qui se propose de faire diminuer cette pratique, a commencé sa campagne en faveur des mariages collectifs par cette région de la frontière indo-népalaise.

Si les « mariages de masse » sont devenus aujourd’hui de plus en plus courants en Inde et au Pakistan où sévit encore plus sévèrement la coutume de la dot, la cérémonie de dimanche dernier était une première au Népal.

Le 8 février, l’enceinte du temple de Pashupatinath a accueilli 100 petits mandaps (tentes de mariage), chacun d’entre eux abritant un couple ainsi que le prêtre hindou officiant pour la cérémonie devant le feu rituel. Tous les jeunes mariés étaient des membres des communautés les plus pauvres du Népal, dalits ou aborigènes. L’association a offert à chaque couple le trousseau de la mariée ainsi que les tenues de cérémonie.

« Nous voulions faire entendre nos voix contre ces pratiques archaïques qui subsistent encore, comme la dot ou la discrimination par les castes, explique Anil Basnet, coordinateur de l’événement. Ces unions collectives permettent de lutter contre ces coutumes, tout en aidant les familles qui ne peuvent marier leurs enfants à cause de leur trop grande pauvreté. »

Dans les foyers pauvres, le versement de la dot peut endetter la famille de la mariée sur plusieurs générations, la plaçant parfois dans une situation de quasi-esclavage, entre l’impossibilité de rembourser l’emprunt et la menace permanente de représailles si les cadeaux et les sommes demandées ne sont pas remis.

L’une des conséquences directes des exigences des belles-familles – qui, selon les statistiques, sont en augmentation proportionnelle à l’intrusion de la modernité, surtout en zone rurale – est que le nombre d’infanticides et d’avortements d’enfants de sexe féminin se multiplie au Népal.

Un autre effet pervers de la banalisation de cette pratique est l’accroissement proportionnel des mariages d’enfants (1), une coutume également interdite mais qui reprend en force, en particulier dans le Terai, où plus de 50 % des épouses auraient entre 2 et 11 ans au moment de leurs noces. En effet, plus la promise est âgée et instruite, plus la dot demandée est importante, ce qui conduit les parents à organiser des unions de plus en plus précoces.

Mais surtout, suivant l’exemple de l’Inde et du Bangladesh où le phénomène inquiétant de la « dowry death » est en augmentation (2), le nombre de cas de maltraitances conjugales et de meurtres de jeunes mariées par leurs belles-familles (en les aspergeant d’acide ou en les immolant par le feu), parce qu’elles sont mécontentes de la dot jugée trop faible ou qu’elles espèrent s’enrichir davantage en remariant leur fils, ne cesse de croître.

« Dans certaines communautés, le problème de la dot est en train de prendre de plus en plus d’ampleur, notamment dans ses cas les plus extrêmes comme les violences domestiques, la torture mentale et physique, et même l’assassinat », confirme Suresh Dhakal, sociologue à l’Université Tribhuwan de Katmandou. Selon les statistiques de la police, environ 170 femmes ont été tuées dans le cadre de violences domestiques l’année dernière au Népal, la majorité des cas étant liés à un problème de dot.

En 2014, deux terribles faits-divers ont fait la Une des journaux népalais. En mars, un certain Birendra Sah a aspergé le sari de sa jeune femme avant d’y mettre le feu ; il n’était pas satisfait de la dot qui lui avait été donnée par sa belle-famille. Un peu plus tard, en mai, Rihana Sheikh Dhapali, enceinte de son premier enfant, a été brûlée vive par son mari parce que sa famille n’avait pas pu lui fournir la moto et le buffle qu’il exigeait. Les deux meurtres se sont produits dans le Terai, où les violences domestiques et les exactions commises au nom de la dot sont les plus graves et les plus fréquentes.

Régulièrement, les ONG et les associations chrétiennes lancent des campagnes interreligieuses afin de mettre fin à cette coutume, essentiellement enracinée en terrain hindou, mais comme le souligne Sheikh Chandtara, présidente de la Commission nationale de la femme au gouvernement, « en dépit des efforts continus faits pour sensibiliser la population, la violence liée à la dot est en hausse constante ».

Sa commission prépare actuellement un projet de loi visant à sanctionner plus sévèrement et efficacement les violences domestiques, parmi lesquels les crimes commis au nom de la dot pourraient valoir à leur auteur un emprisonnement de dix ans et une amende de 100 000 roupies.

(eda/msb)