Eglises d'Asie

A l’approche d’un ‘super-typhon’ sur les Visayas, les évêques appellent les autorités à évacuer les populations

Publié le 04/12/2014




Mercredi 3 décembre, depuis Palo, siège de son archidiocèse, Mgr John Du a appelé les habitants de Tacloban et de sa région à prier l’Oratio Imperata (‘prière obligatoire’), prière dite en cas de danger grave et imminent. Il a pris cette décision alors que l’île de Leyte et l’île voisine de Samar, dans les Visayas, …

… sont sous la menace d’un nouveau ‘super-typhon’, qui, selon les prévisions des météorologues, devrait frapper les côtes après-demain, samedi 6 décembre.

Dans cette région qui se relève avec peine du super-typhon Yolanda (Haiyan selon la terminologie internationale), lequel a fait près de 8 000 morts et quatre millions de déplacés le 8 novembre 2013, l’annonce de cette nouvelle menace climatique intervient alors que les deux villes voisines de Palo et de Tacloban étaient toutes entières mobilisées par les préparatifs à mettre en place en vue de la visite que le pape François doit effectuer sur place le 17 janvier prochain. Dans le cadre de sa visite aux Philippines, du 15 au 19 janvier prochain, le pape a en effet inscrit à son programme une étape à Tacloban pour précisément rencontrer les survivants du typhon Yolanda.

Ce jeudi 4 décembre, le typhon Ruby (Hagupit selon sa dénomination internationale) est entré dans la zone de contrôle de la météorologie philippine. Evoluant à près de 800 km des côtes, il est en passe d’être placé dans la catégorie des « super-typhons » de classe 4, voire 5, ce qui signifie des vents soufflant à 230 km/h et une élévation très notable du niveau de la mer. Outre la force du vent, c’est cette élévation du niveau de l’océan qui avait été meurtrière le 8 novembre 2013, la mer s’étant engouffrée à l’intérieur des terres en trois vagues successives, dont la plus haute avait atteint sept mètres de hauteur.

Dans ce contexte d’urgence, les responsables de l’Eglise catholique ont ajouté à leur demande de prière un appel à la mobilisation à l’adresse des autorités philippines. En effet, hier, mercredi, alors qu’il y avait encore une possibilité pour que le typhon dévie sa course vers le nord, évitant ainsi les côtes philippines, l’empressement des autorités à prévenir la population, voire à organiser son évacuation, n’était absolument pas visible sur place, à Tacloban, à Palo et dans les localités voisines du rivage des îles de Leyte et de Samar.

Ce 4 décembre, le président de la Conférence épiscopale, Mgr Socrates Villegas, s’est exprimé en ces termes par voie de communiqué : « Je demande instamment aux autorités de commencer l’évacuation [de la population] dès aujourd’hui. Attendre plus longtemps pourrait se révéler désastreux », ajoutant que face « à un danger d’une telle gravité », il était inutile d’évoquer une quelconque « précaution excessive » pour ne pas agir maintenant.

Mgr Villegas a également demandé que les prêtres ouvrent leurs églises à tous ceux qui viendraient y chercher refuge. Dans cette région côtière, comme souvent ailleurs aux Philippines, les églises figurent en effet au nombre des structures bâties les plus grandes et les plus solides. Le 8 novembre 2013, nombre d’habitants y avaient cherché abri, même si certaines églises, dont la cathédrale de Palo, n’avaient pas résisté au choc. La cathédrale, qui n’avait toutefois pas été envahie par la mer, avait vu sa toiture quasiment entièrement arrachée par le vent.

Les météorologues sont, pour l’heure, dans l’incapacité de prédire le point d’impact exact du typhon. Outre qu’il demeure une très légère chance qu’il dévie sa route vers le nord, il devrait toucher terre quelque part dans un rayon englobant six provinces du centre des Philippines. Le gouvernement philippin a fait savoir que l’armée y avait été placée en état d’alerte. Selon le porte-parole du président Benigno Aquino, le gouvernement prend « toutes les mesures nécessaires ». « Nous appelons la population à suivre les instructions émises par les conseils locaux chargés des catastrophes naturelles, et ceux-ci ont l’entier appui des autorités nationales », a précisé le porte-parole. De fait, selon Ildebrando Bernadas, responsable du Conseil de réduction des risques liés aux catastrophes naturelles à Tacloban, l’« évacuation à titre préventif » de la population a commencé dans la ville et il en va de même à Palo. Les écoles ont donné congé à leurs élèves pour permettre à ceux-ci de rejoindre leurs parents.

Toutefois, le souci, comme a pu le constater sur place Eglises d’Asie, est que les travaux de reconstruction de l’après-Yolanda dans ces deux localités sont non seulement loin d’être achevés, mais qu’ils n’ont pas donné lieu à l’édification d’abris anticycloniques. Des écoles ont bien été reconstruites et il est prévu que celles-ci servent d’abri en cas de typhon, mais les bâtiments de ces écoles ne sont ni renforcés ni surélevés.

La population quant à elle faisait preuve d’un certain fatalisme, priant pour le typhon dévie sa route. Les habitants qui en ont les moyens se contentaient, mercredi 4 décembre, de faire des achats de précaution (eau, riz et conserves), et de s’assurer que les batteries de leurs téléphones portables étaient chargées.

Enfin, au cas où le typhon Ruby frappe à nouveau Palo, les travaux entrepris pour accueillir le pape à l’archevêché – qui battaient leur plein ce mercredi 3 décembre – risquent d’être mis à mal. A un peu plus d’un mois de l’arrivée prévue du pape, les grues et des nuées d’ouvriers s’affairaient sans relâche. A Tacloban, où le pape doit célébrer une messe sur une vaste esplanade jouxtant l’aéroport, en bordure de mer, les préparatifs étaient nettement moins avancés.

(eda/ra)