Eglises d'Asie

Education : l’Eglise catholique donne toutes leurs chances aux filles

Publié le 20/03/2015




Le 8 mars dernier, pour la Journée internationale de la femme, les chrétiens étaient en première ligne pour dénoncer les atteintes aux droits des Népalaises dans le pays et souligner l’importance de l’éducation pour améliorer la condition féminine.

Le dernier bilan de l’UNICEF pour l’année 2014 classait le Népal dans les pays où « la discrimination envers les femmes, et en particulier les filles, était la plus forte ». Un constat confirmé par toutes les ONG travaillant au Népal, dont Human Rights Watch ou Amnesty International qui dénoncent entre autres les « avortements sélectifs, l’infanticide et l’abandon de l’école chaque année par des milliers de jeunes Népalaises pour se marier, souvent à un âge prépubère ».

Lors d’une manifestation pour le droit des femmes organisée par les leaders chrétiens et les écoles tenues par les jésuites, l’accent a été mis sur la nécessité d’« offrir aux filles les mêmes chances qu’aux garçons », en leur donnant la possibilité d’accéder à « une même éducation dans le respect de la parité ».

Dans ce domaine les chrétiens font figure de précurseurs au Népal, où ils ont été les premiers à créer des écoles mixtes et à lancer des programmes d’alphabétisation, puis d’enseignement pour les filles. A Lalitpur (Patan), située non loin de Katmandou, se trouve la première et plus ancienne institution d’éducation du Népal, le célèbre collège jésuite St-Xavier, où sont formées les élites de la nation népalaise.

C’est devant cet établissement réputé que s’étaient donné rendez-vous plusieurs milliers de manifestants pour la Journée de la femme. Les participants – des enseignants, des membres des écoles catholiques, mais aussi des leaders de la société civile – ont défilé jusqu’au Durbar Square de Patan, scandant des slogans en faveur des droits des femmes et de la parité, a rapporté l’agence AsiaNews le 9 mars.

Les manifestants voulaient tout spécialement dénoncer la discrimination et les violences envers les femmes qui avaient marqué l’actualité récente, comme l’attaque fin février à Katmandou de deux écolières alors qu’elles attendaient leurs camarades de classe. Les jeunes filles, gravement brûlées, sont toujours hospitalisées.

Après avoir invité l’assistance à prier pour les victimes et pour que les coupables soient rapidement traduits en justice, Mgr Anthony Sharma, vicaire apostolique émérite du Népal, s’est adressé à la foule : « Dans notre pays, les femmes et les filles vivent la honte de l’exploitation et de la violence ; nous voulons aujourd’hui faire advenir le Royaume de Dieu, celui dans laquelle les femmes sont respectées, ont les mêmes droits et les mêmes libertés. » Dénonçant ensuite la persistance des avortements sélectifs des fœtus de sexe féminin, le prélat a jouté : « Chacun de nous, homme ou femme, est venu d’une mère qui lui a donné la vie ; la maternité doit toujours être respectée en toutes circonstances. »

Militante des droits des femmes et lauréate du Heroes Award 2010 CNN, Anuradha Koirala était présente à la manifestation. Prenant la parole à la suite de Mgr Sharma, elle a tenu à souligner que « les écoles catholiques avaient apporté une contribution considérable à la promotion de l’égalité et des droits des femmes dans le pays ».

Le rôle des institutions d’enseignement chrétiennes dans la promotion de l’égalité des droits et de la lutte contre les discriminations des femmes n’est aujourd’hui plus à démontrer dans ce pays où l’Eglise a créé au siècle dernier, et à la demande des rois du Népal, un système éducatif ex nihilo, visant à « instruire les membres de toutes les couches de la société, y compris les plus discriminées comme les femmes et les dalits (intouchables) ».

Selon le Bureau central des statistiques du gouvernement (données de 2013­2014), les différences dans les taux d’alphabétisation des garçons et des filles se creusent de façon très nette avant même la sortie du primaire, pour atteindre à l’âge de 15 ans, un nombre d’écoliers constitué à plus de 72 % de garçons.

Mais cette année, les écoles chrétiennes, et en particulier les établissements tenus par les jésuites, ont de quoi pavoiser. Pour la première fois en effet dans l’histoire du Népal, les filles recevant leur diplôme de fin d’études (School Leaving Certificate, SLC (1)) sont plus nombreuses que leurs pairs masculins. Dans un communiqué daté du 16 mars dernier, le très officiel Office of the Controller of Examinations (OCE), a constaté que cette année 213 710 filles avaient obtenu leurs examens de fin de cycle pour 212 504 garçons. Parallèlement, le nombre d’étudiants passant l’examen avait augmenté de 4,8 % par rapport à l’année dernière.

C’est le travail réalisé par les écoles chrétiennes, en particulier par les jésuites et les congrégations missionnaires, qui a permis cette avancée historique, a reconnu la ministre de l’Education, Chitralekha Yadav, qui a signalé également que le taux de scolarisation des filles avait augmenté plus rapidement que celui des garçons, aussi bien dans le Primaire que dans le Secondaire.

La ministre a fait à son tour l’éloge des chrétiens, les remerciant de « leur contribution à la hausse du taux d’alphabétisation et de l’égalité des sexes dans le pays, ce qui constituait l’un des Objectifs du Millénaire selon le projet de développement initié par les Nations Unies en 2000 ».

« Une fois que les chrétiens ont commencé à encourager la scolarisation des filles, de nombreux parents ont compris la valeur de l’éducation et ne se sont plus opposés à ce qu’elles aillent à l’école », explique Bishnu Karaki, un militant en faveur de l’éducation des femmes, à l’agence Ucanews le 14 mars dernier.

Pour l’Eglise catholique au Népal, cette première avancée dans la scolarisation des filles est une étape fondamentale qui permettra de lutter plus efficacement contre d’autres fléaux qui affectent le pays comme le travail des enfants et le mariage précoce des filles. « L’éducation des femmes est à la base du développement de toute société », conclut Sr Jessy, directrice de la St-Mary School à Lalitpur.

(eda/msb)