Eglises d'Asie

Andhra Pradesh : suite au meurtre d’un pasteur, les chrétiens demandent l’interdiction de l’Hindu Vahini

Publié le 08/02/2014




Dans l’Etat de l’Andhra Pradesh sévit une nouvelle vague anti-chrétienne particulièrement violente. A l’origine de ces agressions, dont le meurtre d’un pasteur protestant, l’Hindu Vahini, une organisation hindouiste dont l’influence va croissant à la veille des élections générales indiennes.

« Les attaques contre les responsables chrétiens en Andhra Pradesh sont en augmentation, s’inquiète Sajan George, président du Global Council of Indian Christians (GCIC). Ces violences antichrétiennes, motivées par de prétendues « conversions forcées » d’hindous au christianisme (…) demandent une action immédiate (…). De telles attaques, injustifiées, menacent la nature morale et laïque de l’Inde tout entière. »

Comme elle se définit elle-même sur sa page Facebook, l’Hindu Vahini est une « organisation pro-nationaliste » qui a pour but de « protéger et préserver la véritable identité de la bien-aimée Mère Patrie par l’hindutva contre les agresseurs musulmans, chrétiens et communistes ».

Face à la recrudescence des attaques, une délégation de représentants des communautés chrétiennes (catholiques et protestantes) a rencontré le ministre-président de l’Etat, N. Kiran Kumar Reddy, le 31 janvier afin de demander l’interdiction de l’Hindu Vahini, l’arrestation des coupables et l’indemnisation des victimes.

Menée par l’archevêque catholique d’Hyderabad, Mgr Thumma Bala, l’Andhra Pradesh Federation Of Churches (APFC) était composée du modérateur de l’APFC, Mgr D. Dyvasirvadam, du secrétaire exécutif de l’APFC, le P. Anthoniraj Thumma, et de ses coordinateurs, le P. Maddu Bala et le Rev. Kurunadihi.

« Comme vous le savez, le Rév. Sanjeevulu, pasteur à Vikarabad dans le district de Ranga Reddy, a été violemment poignardé par quatre hommes dans la nuit du 10 janvier 2014. Il a succombé à ses blessures le 13 janvier à l’hôpital Yashoda d’Hyderabad. Deux des agresseurs appartenant à l’Hindu Vahini ont été arrêtés par la police le 26 janvier dernier, les deux autres se sont échappés », peut-on lire entre autres dans le memorandum remis au gouvernement de l’Etat.

Afin d’appuyer sa demande, rapporte l’India Tomorrow le 1er février dernier, le groupe chrétien a fourni au ministre-président une liste des attaques commises contre des responsables chrétiens pour lesquelles de nombreux membres de l’organisation hindouiste ont été reconnus coupables et certains arrêtés.

Le 20 janvier, la police de Nalgonda a arrêté trois membres de l’Hindu Vahini pour le meurtre du Rév. Sanjeevulu. Les trois accusés (Vaddepalli Nagaraju, Manda Ravi et Edunuri Vamsidhar Reddy) seront déférés devant la justice, les autres suspects ayant pris la fuite.

Ce même 20 janvier, rapporte de son côté le quotidien The Hindu, la police de Nalgonda a arrêté trois activistes de l’Hindu Vahini pour l’attaque du pasteur baptiste Nama Moses et de sa femme le 29 décembre 2013 à Narketpally, attaque menée sous la fausse accusation de pratiquer des conversions forcées. La police de Chandur a également arrêté deux personnes pour l’attaque du pasteur du village de Munugode, le Rév. Christopher Talla. Laissé pour mort, ce dernier a cependant survécu à ses blessures.

Deux autres membres du groupe extrémiste ont également été arrêtés par la police de Kanagala pour tentative de meurtre sur la personne du pasteur de l’église d’Ipparthi, le Rév. Gajjala Neeladri Pal. Certains des suspects appréhendés ont alors révélé à la police le projet de l’Hindu Vahini de tuer tous les pasteurs et prêtres de l’Etat.

« Le même groupe Hindu Vahini a revendiqué le meurtre de quatre pasteurs en 2004 et 2005 pour lesquels certains de ses membres ont été plus tard arrêtés. Maintenant que les élections générales et celles de l’Etat de l’Andhra Pradesh se rapprochent, cette organisation revient en force. La visite du leader du VHP, Sri Praveen Thogadia, à Hyderabad début janvier semble les avoir encouragés dans leurs desseins. L’Etat de l’Andhra Pradesh enregistre aujourd’hui l’un des taux les plus importants d’attaques commises contre les chrétiens », rapporte encore l’APFC, qui demande au ministre-président « l’interdiction de l’Hindu Vahini et des autres groupes terroristes afin de garantir la sécurité des chrétiens et des autres minorités et de leur permettre d’exercer, sans crainte ni obstruction, leurs droits fondamentaux à la liberté religieuse ».

La délégation chrétienne a également demandé au gouvernement de maintenir les subventions d’Etat aux écoles tenues par les chrétiens et de cesser le harcèlement judiciaire à l’encontre des institutions d’enseignement chrétiennes et leurs biens.

Parallèlement à cette démarche auprès du ministre-président, l’APFC a déposé une plainte devant la Commission nationale des droits de l’homme (NHRC), la pressant d’intervenir pour que le meurtre du pasteur soit élucidé, sa famille indemnisée et protégée d’éventuelles attaques ultérieures, tout comme l’ensemble de la minorité chrétienne de l’Etat, rapporte l’India Tomorrow du 25 janvier.

Quant au Morning Star News, dans son édition du 31 janvier, il donne plus de précisions sur le meurtre du Rév. Orucanti Sanjeevulu, 48 ans, père de quatre enfants, à la tête de l’Eglise évangélique Hebron Church comptant environ 250 membres à Vakirabad.

Le 10 janvier, vers 20 h 30, quatre hommes identifiés ultérieurement comme appartenant à l’Hindu Vahini, ont frappé à la porte du domicile du pasteur dans le village de Vikarabad (district de Ranga Reddy), situé à quelques kilomètres de la capitale de l’Etat, Hyderabad. Selon les témoins et sa femme Parmila, agressée elle aussi, ils auraient demandé à prier fraternellement avec lui, faisant référence à une discussion orageuse survenue entre eux quelques semaines plus tôt. Lorsque la femme du pasteur a ouvert la porte, les hindouistes l’ont frappée avec une barre de fer et, forçant l’entrée, ont saccagé la maison tout en attaquant à plusieurs reprises le couple à coups de couteau et de barres de fer. Parmila, ayant réussi à s’échapper malgré ses blessures, est alors allée chercher de l’aide.

« Le pasteur gisait dans une mare de sang lorsque les voisins sont venus à son secours, rapporte l’un des témoins, Franklin Sudharkar, au Morning Star News. L’attaque s’était produite seulement 10 minutes plus tôt mais il souffrait de trop graves blessures et avait été poignardé plusieurs fois dans le ventre. » Transporté à l’hôpital de Yashoda à Hyderabad, le pasteur est décédé le 13 janvier des suites de ses blessures. Le lendemain de son décès, le 14 janvier, une foule de chrétiens s’est rassemblée devant le siège du gouvernement, protestant contre les meurtres et demandant que justice soit rendue.

« Le cerveau de l’affaire est Gandikota Srinu, alias RK, membre de l’Hindu Vahini ; lui et son groupe ont également tenté d’assassiner un autre pasteur à Narketpally », a expliqué au quotidien le responsable de la police locale J. Ram Mohan Roa..

Le Rev. Madhusudan Das de l’Evangelical Fellowship of India a confirmé que les hindouistes devenaient de plus en plus agressifs vis-à-vis des chrétiens de l’Etat. « La région où le pasteur a été tué est très majoritairement hindoue, rapporte-t-il. Le nombre de chrétiens a considérablement augmenté ces derniers temps en raison du grand nombre de conversions. C’est apparemment ce qui a provoqué le ressentiment des extrémistes envers le pasteur. »

Les mêmes raisons semblent avoir été à l’origine de l’attaque du Rév. Nama Moses en décembre dernier. Le pasteur et sa femme ont ouvert la porte en confiance à leurs agresseurs qui ont surgi dans la maison en frappant le couple avec des couteaux et des barres de fer, a rapporté Moses Vatipalli du All India Christian Council (AICC).

En octobre 2012, la même demande d’interdiction de l’Hindu Vahini en Andhra Pradesh avait été faite par une organisation rassemblant différents leaders religieux musulmans, le mouvement hindouiste ayant attaqué récemment plusieurs membres de leurs communautés dans l’Etat.

(eda/msb)