Eglises d'Asie

Deux nouvelles attaques contre des lieux de culte chrétiens

Publié le 23/03/2015




Après la vive émotion suscitée par le viol en réunion d’une religieuse catholique septuagénaire le 13 mars dernier, la minorité chrétienne déplore deux nouveaux incidents. Vendredi et samedi 20 et 21 mars, des individus soupçonnés d’appartenir aux mouvements extrémistes hindous ont vandalisé deux églises catholiques.

La première attaque a eu lieu à Jabalpur, au centre du pays, dans l’Etat du Madhya Pradesh. Dans la nuit de vendredi à samedi, un groupe d’hommes a pénétré dans l’enceinte qui abrite la cathédrale Saint Pierre-Saint Paul du diocèse catholique de rite latin. Une session d’étude la Bible y était organisée et quelque deux cents retraitants étaient logés dans les dortoirs de l’école Saint-Joseph, attenante à la cathédrale. Armés de bâtons, les assaillants ont semé la panique parmi les retraitants, volant l’argent qu’ils pouvaient trouver, avant de saccager la cour de la cathédrale ; les portes de celle-ci ont été endommagées.

La deuxième attaque a visé une église de la communauté syro-malabare, l’une des trois composantes de la communauté catholique en Inde, dans la région de Bombay (Mumbai), au Maharashtra, Etat, qui comme le Madhya Pradesh, est contrôlé par le BJP (Parti du peuple indien, droite nationaliste hindoue). Samedi matin, trois hommes masqués circulant à moto ont jeté des pierres contre l’église Saint-George, à New Panvel, localité en plein essor située à proximité de la métropole de Bombay. Les dégâts sont légers mais la statue du saint patron du lieu de culte a été endommagée.

Ce 23 mars, la police de Jabalpur a annoncé l’arrestation de six personnes, soupçonnées d’avoir pris part à l’attaque contre la cathédrale catholique. Evoquant un délit de « vandalisme », la police les a remises en liberté sous caution. Mgr Gerald Almeida, évêque de Jabalpur, a qualifié cette décision de « très malheureuse ». « Que la police minore ainsi les faits commis n’aidera pas à restaurer la confiance au sein de la communauté chrétienne », a déclaré l’évêque.

Selon un témoin de l’attaque, citée par l’agence Ucanews, les assaillants de Jabalpur reprochaient aux personnes rassemblées pour cette session d’étude biblique de prendre part à des activités visant à convertir des hindous au christianisme. Au lendemain de l’incident, des représentants du Dharma Sena, groupe appartenant à la mouvance extrémiste hindoue, ont démenti que leurs militants soient mêlés à l’attaque contre la cathédrale mais ils ont dénoncé le fait que récemment, selon eux, deux cents aborigènes (tribals) avaient été convertis au catholicisme à Jabalpur.

Pour le cardinal Baselios Cleemis, président de la Conférence des évêques catholiques d’Inde, ces deux nouveaux incidents visant des lieux de culte catholiques viennent s’ajouter à une liste déjà longue qui montre « que la situation va de mal en pis ». « Certains visent à diviser le pays selon des lignes religieuses pour en faire une théocratie, affirme-t-il ce lundi à Ucanews. Mais la majorité qui croit aux fondements laïques de cette nation ne permettra pas que cela se fasse. »

Interrogé le 22 mars dans le cadre de l’émission télévisée Headlines Today (du groupe de médias India Today), le même cardinal, toujours très prudent dans son expression publique, s’est refusé à nommer l’une ou l’autre des organisations de la mouvance hindouiste ; il s’est contenté de dire que la communauté chrétienne devait être respectée dans ses croyances. Il a cité à cet égard l’ordonnance prise en décembre dernier par le gouvernement fédéral pour faire du 25 décembre, jour de Noël pour les chrétiens, le « Jour de la gouvernance » (Good Governance Day) pour l’ensemble des administrations et services publics (1). De telles mesures font que « l’identité des chrétiens indiens est questionnée et engendrent un certain sentiment de tristesse parmi eux », a déclaré le cardinal.

Face à son intervieweur qui lui demandait ce qu’il pensait de la série d’attaques visant des chrétiens ou des établissements chrétiens, Mgr Cleemis s’est appuyé sur les propos tenus le 17 février par le Premier ministre Narendra Modi. On se souvient que le dirigeant indien, tête de file du BJP (Parti du peuple indien), le parti nationaliste hindou au pouvoir depuis mai dernier au niveau fédéral mais qui vient d’essuyer un revers électoral à New Delhi, était sorti ce jour-là du silence qu’il avait observé au sujet des violences antichrétiennes ; le dirigeant politique avait condamné ces violences, sans toutefois jamais les citer directement. Ce 22 mars, le cardinal Cleemis a déclaré : « Je pense que chacun, tout spécialement ceux qui sont au gouvernement, doit prend au sérieux ce que [Narendra Modi] a dit. Les incidents qui viennent de se produire montrent que tous ne les prennent pas au sérieux. »

De manière symptomatique de la pression que les organisations hindouistes maintiennent au jour le jour, un des leaders du Vishva Hindu Parishad (VHP, Conseil mondial hindou), l’une des principales composantes de la mouvance nationaliste hindoue, a déclaré en public qu’établir un lien entre les agresseurs de la religieuse septuagénaire récemment violée et l’extrémisme religieux relevait d’une « conspiration » menée par les chrétiens. « C’est dans la culture chrétienne que d’exploiter les religieuses, a affirmé Surendra Jain le 16 mars dernier. Nous [les hindous] ne nous livrons pas à de telles choses. Le Vatican a été visé par 5 000 plaintes pour abus sexuel ces cinq dernières années, amenant le pape à appeler à la légalisation des relations homosexuelles. » Dans le même discours, Surendra Jain a justifié l’action d’un groupe d’hindous qui, quelques jours plus tôt, avaient démoli une église en construction dans l’Etat de l’Haryana, remplaçant la croix par un symbole du dieu Hanuman ; selon lui, la démolition du lieu de culte chrétien était « une réaction spontanée de la communauté locale ».

(eda/ra)