Eglises d'Asie – Philippines
Vive opposition de l’Eglise catholique à un projet de loi visant à légaliser le divorce
Publié le 02/04/2015
… féministe, le Gabriela Women’s Party (1), qui compte l’inscrire à l’ordre du jour de la session parlementaire qui reprendra après la traditionnelle interruption du Carême.
Depuis le vote d’une loi sur le divorce à Malte en 2011, les Philippines sont le seul Etat – avec le Vatican – où le divorce n’a pas été légalisé. Régulièrement, des tentatives surgissent afin de changer cet état de fait et introduire dans le Code de la famille une disposition légalisant le divorce. Le 23 mars dernier, c’est un sondage qui a relancé le débat. Ce jour-là, Social Weather Stations, institut de sondage qui jouit d’une réputation de sérieux, a publié une étude indiquant que 60 % des Philippins étaient favorables à la légalisation du divorce. Plus exactement, les sondés devaient donner leur avis à la formulation suivante : « Les couples mariés qui se sont séparés et qui ne peuvent plus se réconcilier devraient être autorisés à divorcer de manière à ce qu’ils puissent se remarier légalement. » Sur les 1 800 personnes interrogées, 29 % disent leur désaccord, 11 % sont indécises et 60 % sont d’accord. Plus précisément, 62 % des hommes interrogés marquent leur accord à cette proposition ainsi que 57 % des femmes interrogées ; en 2011, les chiffres étaient respectivement de 52 et 49 %.
Aux Philippines, où le mariage religieux a force de loi, l’écrasante majorité des mariages sont célébrés non à la mairie mais dans les lieux de culte, que ce soit à l’église dans ce pays dont 83 % de la population sont catholiques, au temple protestant ou devant l’imam pour les musulmans. Le Code civil de 1950 ne reconnaît pas le divorce mais il a connu depuis cette date plusieurs modifications qui font qu’aujourd’hui, si la séparation de corps est autorisée (pour des raisons ayant trait, entre autres, à l’infidélité ou à des violences physiques répétées), sur le plan légal, les conjoints restent mariés et ne sont pas autorisés à contracter un nouveau mariage. Le 9 mars dernier toutefois, la Cour suprême a rendu une décision qui a élargi la possibilité pour un couple de voir un tribunal civil annuler son mariage. Cette décision ne concerne pas les procédures propres à l’Eglise catholique (reconnaissance de nullité du sacrement du mariage) mais l’annulation d’un mariage pour des causes liées à l’incapacité d’un des deux conjoints à assumer psychologiquement les obligations liées à son engagement marital.
Le projet de loi visant à introduire le divorce dans le Code de la famille est porté par Luzviminda Ilagan et Emerenciana de Jesus, les deux députées que compte le Gabriela Women’s Party à la Chambre des représentants. Ce petit parti, classé à gauche et féministe, a reçu un reçu un soutien de poids en la personne de Pilar (‘Pia’) Cayetano, sénatrice qui a vigoureusement défendu la « Loi sur la santé reproductive et la parentalité responsable », loi finalement votée en 2012 en dépit d’une farouche opposition de l’Eglise catholique. Présidente de la « Commission des femmes, des relations familiales et de l’égalité des genres » au Sénat, Pia Cayetano a récemment déclaré : « Nous tenons pour discriminatoire [la non-légalisation du divorce] car de nombreuses femmes sont contraintes à rester dans un mariage qui est dangereux pour elles, que ce soit sur un plan physique ou émotionnel. Je parle de cela en tant que femme, mais cela ne signifie pas que cela ne puisse pas s’appliquer aussi aux hommes. » Elle a demandé l’organisation d’auditions parlementaires au sujet du divorce.
Dans le communiqué daté du 25 mars, Mgr Socrates Villegas, archevêque de Lingayen-Dagupan et président de la Conférence épiscopale, écrit que les arguments avancés par les tenants de la légalisation du divorce « peinent à convaincre ». Selon lui, les dispositions du Code de la famille concernant la séparation de corps et l’annulation d’un mariage « suffisent » à protéger un époux de son conjoint qui serait « brutal et cruel ». « Un mariage qui a échoué n’est pas un argument pour divorcer », affirme Mgr Villegas, qui explique qu’on ne peut changer de conjoint comme on change de voiture. Il ajoute encore que « la société doit pouvoir compter sur le fait que certains engagements sont irrévocables : la promesse qu’un médecin servira la vie et ne la détruira pas, la promesse qu’un fonctionnaire servira et défendra la Constitution, la promesse des époux d’être mutuellement fidèles, la promesse d’un prêtre de refléter auprès du monde l’attention du Bon Pasteur. »
Dans l’immédiat, l’épiscopat philippin a reçu un soutien en la personne du président (speaker) de la Chambre des représentants, Feliciano Belmonte. « La proposition visant à légaliser le divorce ne sera pas votée sous ma présidence », a-t-il déclaré, le speaker adjoint, Giorgidi Aggabao, ajoutant qu’à son opinion, il n’existait pas de majorité parmi les députés pour voter une telle proposition.
Du côté de la présidence de la République, aucune déclaration n’a été faite à ce sujet. En 2010, Benigno Aquino avait déclaré que « le divorce [était] un no-no » aux Philippines et qu’il ne souhaitait pas que son pays soit comme Las Vegas, un lieu où « vous vous mariez le matin [et] vous divorcez dans l’après-midi ». Le président avait toutefois ajouté qu’il estimait qu’« il y [avait] des mariages où, quoi que vous fassiez, quelle que soit l’aide que vous prodiguez, [les deux conjoints] ne peuvent pas rester ensemble et où un danger existe pour l’une ou l’autre parties, voire pour les deux ».
(eda/ra)