Eglises d'Asie

Les hindouistes accusent les chrétiens de « conversions forcées »

Publié le 30/06/2014




Soutenus par « la vague Modi », les hindous extrémistes népalais multiplient les menaces et les pressions envers les chrétiens.Selon l’ONG protestante Barnabas Fund, plus d’une quarantaine de membres de communautés protestantes, dont une majorité de responsables d’Eglises, ont été arrêtés le 13 juin dernier … 

…et détenus au poste de police Bouddha de Katmandou.Tous étaient accusés de « conversion forcées de fidèles hindous au christianisme ». La plupart d’entre eux ont été relâchés quelques heures plus tard, après interrogatoire, mais huit responsables de communautés sont restés au poste jusqu’au dimanche 15 juin.

A l’annonce de leur prochaine libération, une foule d’hindouistes en colère s’était rassemblée devant le poste de police, menaçant de déclencher des violences dans tout le pays si les chrétiens étaient relâchés. Barnabas Fund a dénoncé, dans un communiqué publié le 18 juin, l’augmentation de l’intolérance envers les minorités de la part des mouvements extrémistes hindous qui, encouragés par l ‘élection de Narendra Modi en Inde, sont désormais « à l’affut du moindre prétexte pour s’attaquer aux chrétiens ».

Lors d’une récente visite au Népal début juin, Bhagat Singh Koshiyari, vice-président du parti hindouiste nationaliste indien Bharatiya Janata Party (BJP) qui a porté au pouvoir Narnedra Modi en mai dernier, a lancé un appel au gouvernement népalais, l’incitant à « interdire immédiatement les conversions religieuses ». S’adressant notamment au Premier ministre Sushil Koirala et au président du parti maoïste Pushpa Kamal Dahal, il les a mis en garde contre « les pays occidentaux (qui) promeuvent le prosélytisme au Népal au détriment de l’hindouisme depuis que le pays est devenu un Etat laïc en 2006 ».

A l’heure où l’Assemblée s’apprête à enfin à remettre le texte définitif de la Constitution du pays, après plus de sept ans d’attente, de reports et de tergiversations, les minorités s’inquiètent de cette montée en puissance de ces groupes extrémistes qui prônent la fin de la laïcité de l’Etat ainsi que le retour à la monarchie et à la religion hindoues.

Dès l’annonce de la victoire de Narendra Modi en Inde, le gouvernement népalais avait pourtant tenté de rassurer la population en affirmant que « ni les relations entre le Népal et l’Inde, ni l’harmonie entre les différents groupes religieux du pays [ne seraient affectées] par la victoire du BJP ». Le ministre népalais des Affaires étrangères Maghendra Pandey avait même ajouté : « Notre pays est un Etat laïc, et toutes les religions ont les mêmes droits ; les hindous n’ont aucune raison d’être surexcités par la victoire de Modi, tout comme les minorités religieuses n’ont aucune raison d’être effrayées. »

Mais force est de constater que les derniers événements semblent donner raison aux prévisions alarmistes de certains observateurs du monde indo-népalais. Avec l’accession du BJP au pouvoir en Inde, la pression hindouiste au Népal s’est fait plus forte et les menaces plus précises.

La National Religion Awareness Campaign, tout comme le Rastriya Prajatantra Party-Nepal (RPPN), un parti pro-hindou favorable au retour de la monarchie, qui venait de remporter un nombre de sièges conséquent à la Constituante, s’étaient réjouis ouvertement de la victoire de Narendra Modi, clamant que « le Népal n’aurait plus longtemps à attendre pour redevenir une nation hindoue ». Les membres du RPPN, qui ne font pas mystère de leur hostilité à l’encontre des minorités, ne cachent pas non plus leurs liens avec la Nepal Defence Army (NDA), un groupe terroriste reconnu responsable de plusieurs attentats meurtriers contre les chrétiens et les musulmans ces dernières années, dont l’attentat à la bombe perpétré en mai 2009 à la cathédrale de l’Assomption à Katmandou.

Ce mois de juin encore, les chrétiens ont dû retourner dans les rues, manifestant une nouvelle fois afin d’obtenir des autorités qu’elles tiennent leur promesses de leur accorder des cimetières pour enterrer leurs morts. Ils ont été des centaines à défiler dans Katmandou en portant des cercueils vides, à la suite de l’incinération forcée de l’un des leurs, Rajendra Rai, responsable de la Caritas locale.

C’est dans ce contexte troublé qu’a eu lieu lieu l’ordination épiscopale de Mgr Paul Simick, nouveau vicaire apostolique du Népal. La célébration s’est tenue samedi 29 juin dernier, en la présence du nonce apostolique en Inde et au Népal, Mgr Salvatore Pennacchio, une centaine de prêtres et de quelque trois mille fidèles, sans compter de nombreux représentants religieux protestants, hindous, musulmans et bouddhistes. Pour la première fois dans l’histoire du pays, la cérémonie était retransmise en direct par la chaîne nationale, Nepal Television. 

Le P. Paul Simick, ancien curé de la cathédrale de Darjeeling en Inde et membre de l’ethnie aborigène lepcha, une population de langue tibéto-birmane des zones montagneuses du Népal et de l’Inde, connaît bien la communauté qu’il va être amené à diriger et qui compte aujourd’hui près de 9 000 catholiques, 71 prêtres et 170 religieux.

« Je m’engage à prendre soin de l’Eglise du Népal comme un vrai berger en essayant de suivre l’exemple de saint Paul », a déclaré à l’issue de la messe Mgr Simick, qui a choisi comme devise épiscopale « Lucerna pedibus meis Verbum tuum » (‘Ta Parole est Lumière pour mes pas’).

« Je suis persuadé que les différents groupes religieux pourront arriver se rejoindre sur une coopération mutuelle afin de construire ensemble la paix et la solidarité », a déclaré le nouveau vicaire apostolique. « Et je serai heureux que nous travaillions ensemble pour la bonne cause », a-t-il conclu, dans une réponse implicite aux craintes émises par les chrétiens suite aux événements de ces dernières semaines.

(eda/msb)