Eglises d'Asie

Mission et évangélisation : les défis actuels d’une Eglise renaissante

Publié le 15/09/2016




Missionnaire salésien depuis dix ans en Mongolie, premier prêtre originaire de Hongkong à venir en terre mongole, le P. Paul Leung Kon-chiu, malgré les difficultés rencontrées pendant ces années de mission …

… est serein. « Honnêtement, depuis mon arrivée en 2006, je n’ai jamais pensé retourner à Hongkong. Je me sens mongol à présent, du moins de mon point du vue », confie-t-il.

Aujourd’hui, le P. Leung est curé de la paroisse de Darkhan, à 200 km au nord d’Oulan-Bator, la capitale. Son territoire de mission est vingt-cinq fois plus grand que la superficie de Hongkong, pour seulement 170 catholiques. Sa mission : accompagner et aider les autochtones à s’adapter à la modernisation rapide de la société mongole. Pour l’aider dans sa tâche pastorale, le missionnaire salésien est épaulé par quatre autres prêtres et deux religieuses de la congrégation salésienne (1).

 

Un clergé essentiellement étranger et missionnaire

 

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« Nous venons tous de pays différents : nous sommes Chinois, Coréens, Japonais et Vietnamiens. Lorsque nous nous asseyons pour discuter, nous avons coutume de dire, en plaisantant, que nous tenons une réunion à l’ONU », explique-t-il, ajoutant que son équipe est régulièrement en contact avec leur évêque, Mgr Wenceslao Padilla, préfet apostolique d’Oulan-Bator.

 

Le défi de la formation de la jeunesse mongole dans un pays en pleine mutation

 

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« Depuis l’arrivée de l’Eglise catholique, en 1992, la société mongole a beaucoup changé », précise le P. Leung. Avec son équipe, le curé a créé le Don Bosco Youth Center, un centre pour la jeunesse de Darkhan, où sont organisés des cours d’instruction, diverses activités pour les enfants en fonction de leur âge, et où le curé célèbre quotidiennement la messe. « Il y a dix ans, avec l’arrivée des premiers investissements de sociétés occidentales, on pouvait déjà percevoir que les compétences en langue anglaise et en informatique allaient faire la différence sur la marché du travail mongol. Aujourd’hui, même de jeunes travailleurs viennent suivre nos cours », se réjouit le prêtre hongkongais.

Comme dans certains pays en développement, où la croissance économique est tirée par les projets de constructions financés par des investissements étrangers, certains Mongols qui ont pu s’adapter aux nouvelles réalités économiques du pays ont vu leur niveau de vie s’améliorer, tandis que d’autres, plus en marge des bouleversements économiques et de la modernisation de la société, ont subi une accentuation des inégalités sociales en leur défaveur.

 

D’une vie nomade à une vie sédentaire
 

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« Les Mongols sont un peuple à la fois, simple, rustre et très généreux. Lorsque je suis arrivé, il y a dix ans et que je suis allé à la rencontre de Mongols qui vivaient dans leur yourte, ils ne m’ont pas fermé leur porte. Ils sont venus vers moi, m’ont proposé à boire et à manger, ont discuté, en toute gratuité. Ils m’ont expliqué que tout le monde se doit de partager, et qu’un jour ce sera peut-être eux qui seront dans le besoin », raconte le missionnaire salésien. Cette vie nomade qui se caractérise par une générosité et un accueil inconditionnels, se trouve néanmoins ébranlée par la sédentarisation accélérée de la société mongole, elle-même touchée par un fort taux d’alcoolisme. Cette culture nomade de l’instant présent atteint parfois ses limites lorsque les familles sont notamment appelées à devoir anticiper des imprévus comme le chômage ou des projets à moyen terme, comme le financement des études supérieures de leurs enfants.

« En Mongolie, l’Etat finance treize années d’instruction à l’école publique, mais lorsque les jeunes veulent continuer à étudier à l’université, les frais sont très élevés pour les familles, surtout lorsqu’ils n’ont pas anticipé ces dépenses, indique le P. Jeung. C’est pour cela que nous avons créé des plans d’épargne boursier. Grâce à ces comptes épargnes, les jeunes peuvent disposer, au moment de leur entrée à l’université, d’une certaine somme d’argent pour les aider à payer leurs études supérieures. »

Si ces plans d’épargne ont pu voir le jour, c’est grâce à la création d’une association qui, par l’intermédiaire de généreux donateurs, parrainent les études supérieures de jeunes Mongols. Les sommes sont placées sur un compte épargne et grâce à un taux d’intérêt bancaire avantageux, les sommes placées fructifient pour le bien et l’avenir des jeunes étudiants. « Je vais inviter les autorités à devenir membre du conseil d’administration, car je souhaite les impliquer dans ce projet, afin qu’elles comprennent les actions de l’Eglise catholique pour la jeunesse mongole », précise encore le missionnaire salésien.

 

Une législation plus sourcilleuse vis-à-vis des établissements religieux

 

Si, dans les années 1990, c’est le gouvernement mongol lui-même qui a fait appel à l’Eglise catholique pour développer des actions caritatives et sociales, afin de contribuer au redressement du pays, ces dernières années, on a plutôt assisté à un durcissement de la législation envers les organismes religieux, les autorités se montrant plus sourcilleuses et regardantes envers l’ouverture de nouvelles activités pastorales.

Cette tendance au durcissement est-elle la conséquence du prosélytisme décomplexé et offensif de certaines Eglises protestantes et évangéliques, ces dernières années ? Toujours est-il qu’aujourd’hui, tout terrain acheté ou tout nouvel établissement religieux (paroisse, temple, salles de réunion) doit appartenir obligatoirement à une personne de nationalité mongole, ce qui n’est pas sans créer de difficultés pour les jeunes missions catholiques. Idem pour le personnel employé au sein des paroisses : toute arrivée de personnel étranger dans un organisme religieux doit se voir accompagnée d’une embauche d’une personne de nationalité mongole, ce qui ne manque pas de peser lourd sur les budgets des petites missions catholiques.

En juin 2016, un accord de partenariat a d’ailleurs été signé entre la préfecture apostolique d’Oulan-Bator et la Fondation pour l’éducation catholique de l’archidiocèse de Séoul, en Corée du Sud, afin de venir en aide à la petite et modeste Eglise catholique de Mongolie. Par ce partenariat qui vise à « améliorer la coopération missionnaire et à promouvoir le développement de l’Eglise en Mongolie », l’Eglise de Corée apporte à la fois un soutien financier et humain à l’Eglise mongole, cinq prêtres sud-coréens ayant déjà été envoyés en mission en Mongolie.

« L’Eglise catholique de Mongolie est composée de missionnaires étrangers. Nous espérons que dans un avenir proche, elle pourra établir son propre clergé autochtone. Nous avons un autre séminariste mongol qui étudie actuellement en Corée du Sud, et nous avons bon espoir que les vocations mongoles soient fructueuses », aspire le P Leung. La quasi-totalité du personnel missionnaire de l’Eglise catholique en Mongolie rassemble, en effet, une vingtaine de prêtres et une cinquantaine de religieuses, originaires de 21 pays et appartenant à douze congrégations et instituts missionnaires étrangers.

 

Vers l’établissement d’une église catholique autochtone ?

 

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Le 28 août dernier, une première dans l’histoire récente du pays, un prêtre catholique mongol, le P. Enkh Baatar, était ordonné devant une bonne partie des 1 200 catholiques du pays, rassemblés en la cathédrale Saint Pierre-Saint Paul d’Oulan-Bator. Agé de 25 ans, le jeune prêtre catholique est le premier prêtre d’origine mongole à intégrer un presbyterium exclusivement composé de missionnaires étrangers, du moins pour le moment.

« Jésus a dit : ‘la moisson est abondante mais les ouvriers sont peu nombreux’ (2). Si vous servez Dieu et son peuple de tout votre cœur, peu importe la nationalité ou la congrégation à laquelle vous appartenez. Vous êtes une aide précieuse pour l’évangélisation, pas seulement en Mongolie, mais également pour le monde entier », a affirmé le P. Enkh Baatar, à l’agence Ucanews.

 

Le défi d’une Eglise catholique inculturée aux traditions mongoles

Sur les 2,7 millions de Mongols, seulement 2 % sont chrétiens, et les quelque 1 200 catholiques représentent seulement 0,04 % de la population. Le champ à moissonner reste donc gigantesque, puisque sur 21 provinces mongoles, 17 n’ont pas encore reçu de présence catholique. « L’Eglise catholique en Mongolie a seulement vingt-quatre ans d’existence, elle célébrera ses vingt-cinq ans, l’année prochaine. Cela prend du temps et demande des efforts de patience pour évangéliser la Mongolie, car elle a de profondes racines bouddhiques et chamaniques, issus du tangraïsme (3). Aujourd’hui, la plupart des Mongols perçoivent encore le christianisme comme une religion étrangère, voir même comme une menace à leurs propres culture et traditions », explique le jeune prêtre mongol, qui après avoir été étudié la biotechnologie à l’Université internationale de Mongolie, a passé huit années au séminaire de Daejeon, en Corée du Sud.

« Nous avons besoin d’autres prêtres mongols car ils sauront annoncer dans notre propre culture et à notre propre peuple, les enseignements du Christ et de l’Eglise. Alors, seulement les Mongols pourront comprendre que le catholicisme n’est pas seulement une religion étrangère, mais belle et bien une religion proche de leurs traditions, de leur culture et de leur manière de vivre », explique avec enthousiasme le P. Enkh Baatar.

 

Une première évangélisation datant du VIIème siècle

Les premières annonces de l’Evangile en terre mongole ne datent pas du XXe siècle mais du VIIe siècle après Jésus-Christ, avec l’arrivée de moines nestoriens et la conversion de plusieurs tribus mongoles. Puis, au XIIe siècle, les premiers missionnaires arrivèrent, sous la dynastie mongole des Yuan. Selon le P. Baatar, d’après certaines archives, il y aurait eu, à cette époque, quelque 30 000 catholiques, ce qui laisse augurer la présence d’un clergé local établi, qui aurait ensuite disparu avec la chute de l’empire Yuan et l’émergence de la dynastie chinoise des Ming.

Au XVIe siècle, l’émergence de l’islam au Moyen-Orient est venue bloquer la route aux missionnaires chrétiens, rendant le territoire mongol difficilement accessible. C’est à cette période que le bouddhisme tibétain s’est propagé dans le pays et est devenu religion d’Etat jusqu’à la révolution communiste, en 1924. Il faudra ensuite attendre le début des années 1990, pour que les pas de trois nouveaux missionnaires catholiques étrangers viennent fouler le sol de la terre mongole et que, vingt-quatre ans plus tard, la petite Eglise renaissante accueille son premier prêtre catholique autochtone.

 

(eda/nfb)