… Le 25 août dernier, le gouvernement fédéral, dirigé par le BJP, le parti nationaliste hindou, a publié les résultats concernant l’appartenance religieuse de la population indienne tels qu’ils ressortent du recensement effectué en 2010-2011. Contrairement aux idées répandues par le BJP, la proportion des chrétiens dans la population indienne n’a pas augmenté ces dix dernières années, puisqu’elle se stabilise autour de 2,3 % de la population, soit une communauté forte de 27,8 millions de personnes.
En revanche, pour la première fois depuis l’indépendance, la part des hindous dans la société indienne passe sous la barre des 80 % : 79,79 % très précisément, soit 966 millions d’hindous pour une population totale de 1,2 milliard d’habitants. La part des musulmans est, quant à elle, passée de 13,4 % en 2001 à 14,2 % en 2011.
Selon différents commentateurs et éditorialistes de la presse indienne, la publication, ce 25 août, de ces statistiques par le parti nationaliste hindou n’est pas neutre dans le contexte politique actuel. Ces données risquent fort d’être instrumentalisées lors des élections législatives à venir, notamment au Bihar, où les électeurs sont appelés aux urnes en novembre prochain et où vit une importante communauté musulmane. « Le BJP a construit son projet politique autour de l’islamophobie », commente ainsi John Dayal, porte-parole du Forum uni des chrétiens, dans une dépêche de l’agence Ucanews.
Les résultats du recensement 2011« démontrent bien l’imposture et la vacuité de la propagande des extrémistes hindous », selon laquelle l’augmentation du nombre des chrétiens et des musulmans représente une menace pour l’hégémonie hindoue. « Si les musulmans sont considérés comme des terroristes et des sympathisants ‘pro-Pakistan’, les chrétiens sont perçus comme des éléments étrangers et des saboteurs de la culture indienne », explique John Dayal. « Certains groupes nationalistes vont jusqu’à militer pour que les membres de ces deux communautés soient privés de leurs droits électoraux et que les femmes hindoues soient encouragées à avoir davantage d’enfants afin de remporter ce qu’ils présentent comme une ‘guerre démographique’ », précise-t-il encore. D’après Navaid Hamid, secrétaire du SACM (South Asian Council for Minorities), « les musulmans en Inde ne pourront dépasser les hindous que si 30 à 40 % de la population hindoue se convertit à l’islam, ce qui est impensable ! »
Ces dix dernières années, particulièrement dans les Etats dirigés par le BJP, comme au Madhya Pradesh, des missionnaires chrétiens ont été accusés de convertir au christianisme les populations aborigènes et les dalits (ex-« intouchables »), et des lois anti-conversion ont été votées en conséquence. « J’aimerais demander à tous ceux qui nous ont accusés de conversion : où se trouvent toutes ces personnes converties dans le recensement ? », a déclaré Mgr Léo Cornelio, archevêque de Bhopal, au Madhya Pradesh. Selon l’évêque catholique, le but de ces accusations est de créer des divisions entre les différentes communautés religieuses, les chrétiens et les musulmans étant perçus et désignés comme représentant une menace aux intérêts politiques des hindouistes. « Ils n’hésiteront pas à désavouer les résultats du recensement et continueront à attiser les divisions », a-t-il confié.
En Inde, selon les données de ce recensement, on compte 27,8 millions de chrétiens ; en dix ans, leur nombre a augmenté en valeur absolue de 15,5 %, un taux légèrement inférieur à l’augmentation de la population du pays tout entier – ce qui explique que les chrétiens se maintiennent au niveau de 2,3 % de la population de l’Union. Le christianisme représente ainsi la troisième religion du pays, après l’hindouisme – 79,9 % de la population avec 966 millions d’hindous et un taux de croissance de 16,76 % –, et l’islam – 14,2 % de la population indienne avec 172,2 millions de fidèles et un taux de croissance de 24,5 %. Ce taux de croissance est toutefois à pondérer, car le recensement de 2001 ne prenait pas en compte les habitants de l’Etat de Jammu-et-Cachemire, majoritairement musulmans, où le recensement n’avait pas eu lieu. Parmi les autres minorités religieuses, on compte 20,8 millions de sikhs, 8,4 millions de bouddhistes et 4,4 millions de jaïns.
(eda/nfb)