Eglises d'Asie

Mgr Nguyên Thai Hop : « Le pape met l’accent sur le cœur miséricordieux de Dieu »

Publié le 24/09/2015




De nombreux Vietnamiens sont venus de toutes parts saluer le pape François lors de son voyage en Amérique. Parmi eux, venue directement du Vietnam, se trouve une délégation conduite par l’archevêque de Saigon, Mgr Bui Van Doc, président de la Conférence épiscopale, et par l’évêque de Vinh, …

… Mgr Nguyên Thai Hop, président de la Commission épiscopale ‘Justice et Paix’. Ce dernier a accordé une interview à Radio Free Asia, dont on trouvera ci-dessous la traduction en français.

L’entretien a porté sur un certain nombre de questions intéressant particulièrement les catholiques vietnamiens : diverses affaires qui ont marqué le diocèse de Vinh et des éclaircissements concernant les récentes déclarations du pape François sur l’avortement, une question qui préoccupe particulièrement l’Eglise du Vietnam, le nombre d’interruptions de grossesse y étant particulièrement élevé.

Radio Free Asia : Monseigneur, ce n’est pas seulement les Vietnamiens, mais le monde presque tout entier qui éprouve une sympathie particulière pour le pape François, du fait de son attitude chaleureuse, proche des pauvres, et en particulier pour ses idées qui paraissent plus ouvertes que celles de ses prédécesseurs. Partagez-vous ce point de vue ?

Mgr Nguyên Thai Hop : A vrai dire, cette distinction entre les papes, la majorité des fidèles du Vietnam ne la font pas. Presque tous aiment « le Pape », non pas seulement le pape d’aujourd’hui, mais aussi tous les papes d’avant. Chaque fois que le nonce apostolique [en poste à Singapour – NdT] vient en visite quelque part, les fidèles lui demandent toujours de transmettre l’assurance de leurs prières au Saint-Père.

Les catholiques de Vinh sont particulièrement marqués par cette proximité avec le Saint-Siège, avec le Saint-Père. Seules, peut-être, les personnes qui fréquentent les réseaux sociaux sont conscientes de cette différence entre le pape François et ses prédécesseurs.

Vous êtes le pasteur chargé de conduire le peuple catholique de Vinh depuis déjà quelques temps. La libération par les autorités de certains jeunes catholiques arrêtés il y a quelques mois, ainsi que l’autorisation de construire des établissements catholiques seraient-elles les signes avant-coureurs d’une réconciliation entre l’Etat et le diocèse de Vinh, et plus généralement avec l’Eglise catholique du Vietnam ?

Je me fais aussi cette remarque. Un certain nombre de personnes sont d’accord avec moi pour interpréter ainsi l’attitude des autorités. Autrefois, quand venait le jour de la fête nationale du Vietnam [NdT : le 2 septembre], parmi les détenus amnistiés ce jour-là, les prisonniers de conscience étaient pratiquement absents. Mais, aujourd’hui, nous percevons cette nouvelle orientation que vous-même, homme de médias, avait remarquée.

Ces dernières années, dans le diocèse de Vinh, il y a eu l’affaire de Tam Toa avec des échauffourées au cours desquelles le sang a coulé inutilement, celle de Con Cuông, et enfin, pendant longtemps, celle de Trung Quan, un endroit où les catholiques n’ont eu de cesse de lutter pour pouvoir construire une église où célébrer la messe.

A de multiples reprises, les catholiques y ont élevé des tentes, mais on les a détruites. Il est arrivé que les fidèles soient obligés de se tenir debout en plein soleil ou sous la pluie pour participer à la messe… Aujourd’hui, dans les trois endroits : Tam Toa, Trung Quan et Con Cuông, un terrain a été fourni à la communauté. En ce qui concerne Trung Quan, la première pierre a déjà été posée. Toutes ces initiatives constituent des gestes encourageants et, peut-être, dans le processus qui conduira à la proclamation de la Loi sur les croyances et la religion, il faudra en tenir compte.

(…). Mais revenons au voyage accompli aujourd’hui par le pape aux Etats-Unis. Vous êtes présent à Washington DC. Que pensez-vous d’un certain nombre de questions sur lesquelles, selon l’opinion, le pape semble être plus ouvert que ses prédécesseurs, par exemple sur la question de l’avortement ?

Je pense qu’il y a un certain nombre d’incompréhensions, ou plutôt qu’il y a des commentaires ne correspondant pas aux idées du Saint-Père. Ceux-ci engendrent des incompréhensions et comportent des déformations. En réalité, les conceptions de l’Eglise, celles de Jésus, ont toujours fait la distinction entre la faute et le pécheur. Jésus est venu en ce monde pour le sauver et s’opposer au péché. Pour lutter contre lui et remporter la victoire, il a sacrifié sa propre personne. Pour autant, son attitude à l’égard du pécheur est tout à fait miséricordieuse. L’histoire la plus représentative à ce propos est celle de « la femme adultère » amenée pour être lapidée. On demanda à Jésus comment faire avec cette femme. Jésus les questionna ainsi : « Que celui qui n’a jamais péché lui jette la première pierre ». Ce qui signifie : « Nous sommes tous des pécheurs, nous violons tous les commandements de Dieu. » Mais, très souvent, nous sommes très sévères et intolérants à l’égard des autres pécheurs pris sur le fait, comme l’a été la femme de l’Evangile. Le pape ne fait que respecter clairement cette « différence ».

Je me souviens qu’après le Concile Vatican II, il y a eu un mouvement théologique pour mettre en valeur le Cœur miséricordieux du Seigneur. Il existe des choses que nous ne pouvons pas régler mais il faut en laisser le soin au Seigneur miséricordieux. Cette orientation théologique n’a pas été acceptée à cette époque. Je pense qu’aujourd’hui, le Souverain pontife met l’accent sur le rôle du Cœur miséricordieux du Seigneur. Tout provient de la miséricorde de Dieu…

Pour revenir à l’affaire de l’avortement, pour l’Eglise d’hier, d’aujourd’hui et de toujours, l’avortement reste une faute. Parce que l’on fait mourir un homme, un fœtus, un germe de vie. Ce germe est celui de notre propre nature, de mon enfant. On ne peut en rien considérer cela comme une action exemplaire et, toujours, l’Eglise la condamnera.

En ce qui concerne le comportement des personnes qui, à cause des circonstances particulières, pour une certaine raison, commettent le péché d’avortement, le Souverain pontife demande que l’on fasse preuve de générosité, de miséricorde à leur égard, plus précisément, dans la façon de les juger. Autrefois, seul l’évêque pouvait absoudre le péché d’avortement, ou un prêtre ayant reçu l’autorisation de l’évêque pour cela. Cette année, plus particulièrement au cours de l’Année sainte du Cœur miséricordieux du Seigneur, le Saint-Père a desserré l’étreinte de la loi et réaménagé la mesure. L’autorisation d’absolution est donnée à tous les prêtres. Le pape leur demande de parler au pénitent de telle façon qu’il comprenne que l’avortement est une faute, un acte inacceptable pour lequel il faut se repentir et faire pénitence.

L’Eglise veut que tous bénéficient de la miséricorde de Dieu par le moyen de démarches aussi accessible et rapides que possible. Il s’agit de distinguer entre le péché et le pécheur… Au sujet de la faute, hier comme aujourd’hui, nous ne pouvons pas l’accepter. Jésus est mort pour vaincre le péché. Mais à l’égard du péché, il a été miséricordieux et humain. Le pape veut suivre cette orientation. C’est bien pourquoi il a inauguré l’Année sainte du Cœur miséricordieux du Seigneur.

(eda/jm)