Eglises d'Asie

Synode sur la famille – Asie de l’Est : le vieillissement de la population inquiète l’Eglise catholique

Publié le 02/10/2015




Si la dénatalité qui affecte le Japon est une réalité bien connue (en 2014, l’archipel a perdu 215 000 habitants et c’est la quatrième année consécutive que sa population baisse), le déclin démographique est un fait qui affecte l’ensemble de l’Asie de l’Est. Selon le China Daily de ce 29 septembre, …

… du fait d’une natalité en baisse, la Chine populaire pourrait connaître son pic de population dès l’année 2017. Que ce soit au Japon, en Chine, à Taiwan ou en Corée du Sud, la tendance est partout la même : le déclin de la natalité fait désormais sentir ses effets au point que pour ces pays, des démographes évoquent un « hiver démographique ». A l’approche du Synode pour la famille, qui commence le 4 octobre à Rome, les responsables des Eglises catholiques locales s’inquiètent de ne pouvoir faire entendre leur voix sur ce sujet ; ils mettent en avant le fait que le vieillissement accéléré des populations n’est que le reflet d’une fragilisation profonde des liens familiaux, qui elle-même découle d’un primat absolu donné au développement économique.

Comme le veut la règle, les Eglises locales envoient à Rome pour ce synode un certain nombre de délégués. Les Eglises du Japon, de Taiwan et de Corée du Sud étant de « petites » Eglises, elles n’envoient à Rome qu’un seul évêque chacune. Parmi les 45 noms qui ont été rajoutés à la liste des Pères synodaux par le pape François le 24 juillet dernier, aucun évêque d’Asie de l’Est n’y figure. Par ailleurs, Hongkong – dont le statut est particulier car ce diocèse ne fait pas partie d’une conférence épiscopale constituée – n’envoie personne à Rome (le cardinal John Tong Hon, 76 ans, avait participé au Synode extraordinaire sur la famille de 2014, mais cette année, ayant dépassé l’âge des 75 ans, il ne peut y participer). Enfin, l’Eglise de Chine continentale, du fait du contexte particulier qui est le sien, n’envoie personne à Rome.

Cité par l’agence Ucanews, un prêtre du Guangxi, le P. Peter Liu, estime que « le synode est une réalité bien éloignée » des préoccupations des catholiques de Chine. Il se désole de ce constat, expliquant que « de nombreuses contraintes politiques » s’exercent sur l’Eglise de Chine, mais il ajoute que les besoins en matière de pastorale familiale sont grands. Les quelque 10 millions de catholiques chinois vivent les mêmes difficultés que l’immense majorité non chrétienne de la population chinoise.

Selon les statistiques du ministère des Affaires civiles, 3,63 millions de couples ont divorcé en Chine populaire l’an dernier – un chiffre en forte hausse par rapport à celui relevé en 2011 (2,67 millions de divorce). Les études montrent que le taux de divorce grimpe aussi vite que l’économie croît. Des millions de migrants laissent leurs enfants et/ou leur conjoint au village pour trouver du travail en milieu urbain. Dans ces villes, les concubines ont fait leur réapparition, sous le vocable d’« épouse n°2 » ou d’« épouse n° 3 », et celles-ci sont désormais entretenues comme un signe de réussite sociale et financière. Partout, la cellule familiale est soumise à rude épreuve.

De ces bouleversements rapides, les catholiques ne sont pas immunes. Au Hebei, province qui compte un relativement grand nombre de catholiques, le P. Joseph He, curé de paroisse, constate qu’un couple sur dix, parmi ses ouailles, connaît de graves difficultés. « Parce qu’ils ne peuvent pas attendre des années [avant d’obtenir une éventuelle reconnaissance de nullité de leur mariage], ils se remarient sans tenir compte du droit canon », explique ce prêtre.

En Chine continentale, ces dernières décennies, lorsqu’un couple souhaitait demander une reconnaissance de nullité pour son mariage, le dossier devait aller à l’officialité (tribunal ecclésiastique) du diocèse de Hongkong. Mais, avec l’augmentation du nombre des dossiers à traiter, ce dernier s’est trouvé engorgé. Pour remédier à cette situation, différents diocèses du continent ont pris le temps de former des canonistes, mais ceux-ci sont encore trop peu nombreux et on ne compte aucun docteur en droit canon, parmi eux. La réforme introduite le 8 septembre dernier par le pape François et la simplification des procédures amélioreront sans doute les choses, estime le P. Joseph He, mais il faudra du temps.

« Pour bien des fidèles, dans les familles catholiques traditionnelles, le mariage est pour la vie, explique-t-il. Si un divorce intervient, ils éprouvent un profond sentiment de honte et se gardent de revenir à l’église. Même les parents des époux divorcés s’abstiennent de recevoir la communion. »

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Légende photo : En Chine continentale, parmi les catholiques, le divorce est vécu comme un stigmate honteux (Greg Baker/AFP)

A Hongkong, où le divorce est depuis bien des années une réalité sinon banale du moins statistiquement significative, l’Eglise fait face à des problèmes quelque peu différents. « Le divorce et la question du remariage ne concernent pas que le fait de pouvoir ou non communier. C’est toute la pastorale qui est concernée », explique Kevin Lai, secrétaire général de la Commission diocésaine pour le mariage et la famille.

Les réponses des catholiques hongkongais au questionnaire envoyé par le diocèse en amont du synode qui va se tenir à Rome le montrent : on constate une inquiétante augmentation du nombre des divorces chez les personnes âgées. Le phénomène s’explique ainsi : Hongkong figure parmi les villes où les prix de l’immobilier sont les plus élevés au monde ; une des conséquences de ce coût du logement est que, bien trop souvent, les couples ne perçoivent leur union que comme une alliance bien comprise en vue de prospérer financièrement. « Quand, l’âge venant, les couples se mettent à vivre 24h sur 24 ensemble, une fois à la retraite et les enfants partis, ils ne retrouvent à ne plus ressentir d’affection l’un pour l’autre. Ils jugent qu’ils ont fait leur devoir et c’est alors qu’ils pensent à se séparer », explique Kevin Lai.

A Taiwan, qui comme Hongkong est une société chinoise hautement développée, c’est la lenteur de l’Eglise à moderniser sa pastorale qui est pointée du doigt. Cecilia Li est engagée dans le conseil auprès des couples catholiques. Elle déplore que « trop souvent, l’Eglise se limite à des approches anciennes et datées : quand des problèmes surgissent dans un mariage, certains catholiques vont conseiller la patience aux personnes concernées, l’objectif étant de préserver avant tout la sainteté du mariage mais sans prendre en considération la situation concrète des personnes ». Les enseignements du pape Jean-Paul II sur la famille et la théologie du corps sont encore trop méconnus, souligne-t-elle.

Du Japon, un pays où les mariages mixtes sont la norme plus que l’exception au sein de la petite communauté catholique, les évêques envoient à Rome un message radical à propos de l’accès à la communion des divorcés-remariés civilement. « Serait-il possible d’offrir aux personnes une période de repentance et de purification durant laquelle elles pourraient témoigner de leur engagement à vivre selon la foi chrétienne ? », demandent-ils dans le document envoyé à Rome avant l’ouverture du synode.

Enfin, en Corée du Sud, le P. Lee Jeong-joo, porte-parole de la Conférence épiscopale, estime qu’opposer « conservateurs » et « progressistes » sur ces questions n’aide pas à faire progresser l’Eglise. Il note que dans un pays où le taux de fécondité se situe au plus bas (1,1 enfant par femme en âge de procréer), ce que les catholiques et l’Eglise doivent rechercher, ce n’est pas à se conformer à l’image d’une « famille idéale » mais à fixer le regard sur « la famille de Dieu », telle qu’elle est présentée dans la Bible.

(eda/ra)