Eglises d'Asie

Synode sur la famille : les mariages interreligieux, un défi majeur pour l’Eglise catholique en Asie

Publié le 02/10/2015




A quelques jours de l’ouverture du Synode sur la famille, qui aura lieu à Rome du 4 au 25 octobre prochain, et dont le thème est « La vocation et la mission de la famille dans l’Eglise et le monde contemporain », des responsables de l’Eglise catholique en Asie espèrent que la question des mariages …

… interreligieux – un des grands défis actuels pour l’Eglise catholique en Asie – sera une priorité.

Depuis quelques années, en effet, l’Eglise catholique constate une augmentation significative des mariages interreligieux, particulièrement en Asie du Sud, où les catholiques représentent une toute petite minorité religieuse (1,5 % des 1,8 milliards d’habitants), au sein de pays majoritairement musulmans (Bangladesh, Pakistan), hindous (Inde, Népal), ou bouddhistes (Sri Lanka).

« De plus en plus de jeunes chrétiens étudient ou travaillent avec des personnes de religions différentes ; inévitablement, ils nouent des relations puis souhaitent se marier », explique le P. Mintu Lawrence Palma, responsable de la pastorale familiale à l’archidiocèse de Dacca, au Bangladesh. Du fait de l’exode rural et d’une urbanisation croissante, des milliers de jeunes catholiques sont contraints de quitter leur famille et leur village, pour aller étudier et travailler à la ville. Là-bas, ils développent des relations sentimentales où l’appartenance religieuse n’est plus un facteur déterminant dans leur volonté d’engagement matrimonial, précise le prêtre à l’agence Ucanews.

Au Bangladesh, les mariages interreligieux représentent 10 à 12 % des mariages catholiques célébrés. « Et c’est une tendance qui va en s’accentuant ; c’est un défi majeur pour nous », ajoute encore le P. Palma. En effet, comment aider ces familles religieusement « mixtes » à rester unies, à vivre leur foi librement, sans risquer de « décrocher » de la foi catholique, alors que les minorités religieuses sont régulièrement sujettes à la pression ou aux violences des islamistes ?

Au Pakistan, « les mariages interreligieux sont une de nos principales préoccupations ; ils sont en augmentation constante », confie Mgr Joseph Coutts, archevêque de Karachi et président de la Conférence épiscopale pakistanaise. Malheureusement, « force est de constater que la plupart de ces mariages ne sont pas des mariages heureux », souligne l’archevêque, qui sera l’unique représentant du Pakistan au synode. « Dans presque tous les cas, la femme catholique qui se marie à un musulman devra suivre la foi musulmane de son mari, indépendamment des promesses et des engagements pris au moment de la préparation au mariage ». En effet, d’après le droit canon, pour qu’un mariage entre un baptisé et un non-baptisé, appelé « mariage avec disparité de culte » ou « mariage dispars », soit valide, la partie catholique s’engage avec l’autre partie à maintenir et à vivre sa propre foi, à faire baptiser les enfants et à les éduquer dans la foi catholique. La tradition islamique, quant à elle, exige que les enfants musulmans soient élevés dans la religion du père musulman.

De plus, « pour un musulman, avoir une deuxième épouse est légal, ce qui ajoute un problème supplémentaire, s’il a déjà épousé une femme catholique en première noce, explique encore l’archevêque de Karachi. Les cas de mariage interreligieux où l’homme est chrétien et la femme musulmane sont, dans les faits, tout simplement impossibles car s’ils ont lieu, le couple est obligé de se cacher ou de fuir, sous peine de persécutions ».

En Asie du Sud-Est, notamment en Indonésie, pays dont 87 % des 250 millions d’habitants sont musulmans, l’Eglise catholique (3 % de la population) rencontre également ce type de difficultés. « Nous percevons des difficultés au sein des familles, et il y a de plus en plus de séparations », déclare Mgr Franciscus Kopong Kung, évêque de Larantuka et président de la Commission pour la famille de la Conférence épiscopale indonésienne. Très souvent, pour le conjoint musulman marié à une catholique, c’est la foi musulmane qui doit prédominer, la foi catholique de l’épouse n’étant pas respectée. En ce sens, la décision récente du pape François de simplifier les procédures pour faire reconnaître la nullité d’un mariage, va probablement permettre d’apporter un « baume bienfaisant » aux catholiques meurtris par l’éclatement de leur mariage interreligieux, estime l’évêque.

Autre défi pour l’Eglise en Indonésie : celle des mariages coutumiers. « Les coutumes locales jouent un rôle primordial dans la culture indonésienne, en particulier pour les mariages. Comment convaincre les couples catholiques de venir se marier à l’Eglise, de cheminer vers le sacrement du mariage alors qu’ils ont déjà célébré un mariage coutumier ? », s’interroge Mgr Kopong Kung.

En Inde, les mariages interreligieux concernent principalement des mariages avec un conjoint ou une conjointe hindou.

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Pour Astrid Lobo Gajiwala, médecin et théologienne catholique indienne, mariée depuis vingt-cinq ans à un hindou, le véritable défi des mariages interreligieux se situe lorsque le conjoint garde sa propre foi et que les enfants ne sont pas baptisés. « Ces personnes restent en marge des communautés catholiques avec une partie de leur famille non baptisée, des mariages considérés comme invalides. Ces familles ne se sentent pas accueillies avec bienveillance par les paroissiens, les prêtres ou les évêques », confie-t-elle.

« Mes parents ont dû présenter des excuses à leur curé car leur fille s’était mariée à un hindou, en dehors de l’église », explique Sanju Thomas, catholique mariée depuis quinze ans à un hindou. « Ce n’est pas moi qui ait quitté l’Eglise, c’est l’Eglise qui m’a mise dehors », affirme-t-elle, expliquant qu’au moment de son mariage elle ne s’était pas posée la question des règles s’appliquant à son cas.

« Au lieu d’essayer d’éviter les mariages interreligieux, l’Eglise gagnerait à les considérer comme une chance pour l’Eglise. Elle gagnerait à montrer le visage accueillant du Christ, en accueillant ces familles interreligieuses ; c’est une belle opportunité pour une évangélisation véritable, pas au sens de convertir l’autre par le baptême, mais au sens d’apprendre à respecter et à aimer l’autre dans sa différence, comme le Christ nous le commande. J’apprends beaucoup de mon mari hindou, qui par ailleurs aime beaucoup Jésus. Pour lui, le pardon de Jésus sur la croix est une grande leçon », confie Astrid Lobo Gajiwala, professeur au séminaire de Mumbai (Bombay) et collaboratrice au sein de l’archidiocèse de Mumbai et de la FABC (Fédération des Conférences épiscopales d’Asie).

Le P. Joseph Chinayyan, secrétaire général de la Conférence épiscopale indienne (CBCI), espère, quant à lui, que ce synode permettra d’élaborer un guide pastoral concret pour aider les prêtres et les paroisses à accompagner les familles interreligieuses, car « jusqu’à présent, l’Eglise n’a pas d’approche pastorale spécifique pour accompagner ces familles dans leur quotidien, ni pour les aider en cas de difficultés ».

Au Sri Lanka, pays majoritairment bouddhiste, les mariages interreligieux sont également en hausse. Dans le diocèse de Galle, « plus de 70 % des mariages interreligieux impliquant un ou une catholique sont célébrés avec une personne bouddhiste ». Selon le P. Stephen Perera, responsable de la pastorale familiale du diocèse, « le taux de divorce parmi les mariages interreligieux est malheureusement de plus de 60 % ».

(eda/nfb)