Eglises d'Asie

Vague d’arrestations de jeunes militants catholiques

Publié le 19/08/2011




 Depuis la fin du mois de juillet, l’attention de l’opinion publique, dans le pays comme à l’étranger, a été sollicitée par la préparation et le déroulement du procès en appel, qui, le 2 août dernier, a confirmé les sept ans de prison ferme et les trois ans de résidence surveillée infligés en première instance au célèbre dissident Cu Huy Ha Vu.

 Au cours de la même période, dans l’ombre et sans aucune déclaration publique, la Sécurité vietnamienne entamait une vague d’arrestations d’un type nouveau, s’apparentant à des enlèvements.

L’opération a touché les milieux catholiques militants du Nord-Vietnam et particulièrement le diocèse de Vinh. Les premières arrestations ont eu lieu le 30 juillet dernier. Depuis cette date, treize jeunes catholiques, mariés pour la plupart et pères d’enfants en bas âge, ont été appréhendés : douze d’entre eux appartenaient au diocèse de Vinh, le dernier au diocèse de Thanh Hoa. Tous étaient engagés dans divers mouvements d’action catholique. A l’heure actuelle, trois des jeunes appréhendés ont été relâchés. Dix d’entre eux sont encore internés sans que l’on connaisse ni le lieu de leur détention, ni les charges retenues contre eux. Du côté des autorités civiles, aucune déclaration n’a accompagné cette série d’actions policières et aucune nouvelle des victimes n’a été fournie aux familles. Les commentateurs catholiques hésitent quant aux causes précises de cette campagne policière mais soupçonnent qu’elle est en relation avec le soutien apporté ouvertement par de nombreux catholiques au dissident Cu Huy Ha Vu récemment condamné par le Tribunal populaire suprême.

L’arrestation la plus récente a eu lieu le 16 août à Saigon, dans l’arrondissement de Thu Duc. Dans la matinée, le jeune Paul Ho Van Hoan, originaire du diocèse de Vinh, était en visite chez un de ses amis. Deux policiers, l’un en uniforme, l’autre en civil, se sont présentés à la porte de la maison et l’ont invité à venir participer à une « séance de travail » au siège de la police du quartier. Depuis lors, les parents et les proches n’ont reçu aucune nouvelle de lui. Les autorités policières n’ont émis aucune déclaration à son sujet. L’arrestation précédente s’était déroulée dans des conditions analogues. Il s’agit d’un jeune enseignant catholique, Jean-Baptiste Le Hai Châu, arrêté le 13 août en début d’après-midi alors qu’il se trouvait dans la boutique familiale. Trois agents de la Sûreté l’ont appréhendé et amené jusqu’au siège de la Sécurité du district. De là, une voiture l’a transporté vers une destination encore inconnue. Selon des informations récentes, il semble qu’il ait été ensuite relâché. Jean-Baptiste Le Hai Châu est professeur de dessin dans une école primaire de la province du Nghê An. Il est membre de l’Association des enseignants catholiques de la province.

Les premières arrestations ont eu lieu dans l’après-midi du 30 juillet vers 17h30, à l’aéroport de Saigon. La Sécurité publique y a arrêté trois jeunes catholiques du diocèse de Vinh, revenant d’un voyage touristique en Thaïlande. Pierre Ho Duc Hòa est employé dans une agence financière et membre du mouvement des chefs d’entreprise et des intellectuels catholiques (1). François-Xavier Dang Xuân Diêu, qui appartient à ce même mouvement, a aussi milité dans l’association des étudiants catholiques et est membre du groupe Jean Paul II pour la protection de la vie. Il est aussi l’auteur d’un certain nombre d’articles mis en ligne sur le site des rédemptoristes du Vietnam. Quant à Jean-Baptiste Nguyên Van Oai, originaire du même diocèse de Vinh, il est employé dans une entreprise à Binh Duong. Plus de deux semaines après leur arrestation, aucune action judiciaire n’avait encore été entamée contre eux et aucun ordre d’arrestation transmis à leurs familles.

Pierre Tran Huu Duc, Antoine Dậu Van Duong ont été enlevés par la police dans la soirée du 2 août, le jour du procès du célèbre dissident. Les deux sont étudiants, l’un en histoire, l’autre en information et communication. Ils ont été arrêtés à leur domicile respectif, dans la ville de Vinh. Le lendemain, la police a appréhendé François-Xavier Dang Xuân Tuong, étudiant diplômé en histoire, résidant également dans la ville de Vinh. Trois autres jeunes catholiques, Hoang Phong, Dang Xuân Tuong et Chu Mạnh, ont été arrêtés entre le 2 et le 6 août. Ils étaient membres, eux aussi, de l’association des étudiants catholiques de Vinh et avaient participé à diverses manifestations pacifiques pour la liberté religieuse ou le soutien de dissidents arrêtés. Parmi ces six étudiants, Hoang Phong et Dang Xuân Tuong ont été relâchés. On est encore sans nouvelles des autres.

Le 3 août, la police a appréhendé à Hanoi le plus connu de ces jeunes catholiques, Paul Lê Van Son, originaire du diocèse de Thanh Hoa. Ce jeune militant, descendant du saint martyr Paul Lê Bao Tin, membre actif du mouvement des chefs d’entreprise et des intellectuels catholiques, était surtout connu pour ses talents de journaliste-blogueur. De très nombreux articles signés de lui ont été mis en ligne sur le site des rédemptoristes vietnamiens. Il vivait à Hanoi, étroitement surveillé par la police qui venait de l’obliger à déménager lorsqu’il a été arrêté.

Deux autres arrestations ont eu le 7 août. Dans la matinée, les agents de Sécurité de la ville de Hoang Mai, province du Nghê An, ont mis la main sur Nguyên Van Duyêt. Comme l’a confirmé l’avocat Lê Quôc Quân, un des responsables du mouvement, Duyêt est également membre de l’association des chefs d’entreprise et des intellectuels catholiques. Il est aussi responsable d’une section du syndicat « Joseph ouvrier », récemment fondé pour fédérer les travailleurs.

Le même jour, les policiers sont allés chercher Pierre Nguyên Xuan Anh dans sa paroisse de la ville de Vinh où il initie les jeunes gens aux arts martiaux traditionnels vietnamiens. Arrêté dans l’après-midi, il a d’abord été ramené chez lui pour une perquisition et, ensuite, emmené, comme les autres, vers une destination inconnue.

Cette vague d’arrestations, dont le caractère provocateur a été relevé par beaucoup, a suscité des réactions immédiates, aussi bien de la part des parents et des proches des victimes que des milieux catholiques fréquentés par eux. Dès le 6 août, les responsables du mouvement des chefs d’entreprise et des intellectuels catholiques publiaient un communiqué affirmant que les jeunes catholiques arrêtés faisant partie de leur association étaient animés par des sentiments religieux et patriotiques et avaient toujours fait preuve d’une conduite irréprochable. De leur côté, les familles des victimes ont adressé une requête aux autorités locales, leur demandant de fournir des explications sur ces arrestations. L’organe d’information des religieux rédemptoristes a demandé, quant à lui, la libération immédiate des jeunes militants catholiques. D’autres responsables, comme l’avocat Lê Quôc Quân, ont également protesté publiquement. Mais ce sont les catholiques de Vinh, les paroisses rédemptoristes de Hanoi et Saigon, plus particulièrement concernés, qui ont fait preuve de la plus grande mobilisation. De nombreuses paroisses ont organisé des veillées de prière pour la libération des jeunes catholiques internés (2).