Eglises d'Asie

Même « amendé », le Code pénal reste un instrument au service du contrôle de la société civile

Publié le 03/12/2015




De nombreuses instances et organisations internationales ont suivi avec attention le débat de l’Assemblée nationale vietnamienne sur le Code pénal entamé depuis quelque temps déjà. Le 19 novembre dernier, Human Rights Watch avait même déjà fait connaître publiquement les réformes que les députés vietnamiens …

… devaient lui apporter. Deux changements importants étaient attendus à l’issue de ce débat : la disparition ou, du moins, la diminution du nombre des crimes passibles de la peine de mort, et, d’autre part, la suppression de plusieurs prescriptions floues servant généralement de support pour l’arrestation des dissidents, des opposants, des adeptes de religions nouvelles ou non reconnues par l’Etat. Le 27 novembre dernier, les débats sont arrivés à leur terme et le nouveau Code pénal amendé a été adopté à une très large majorité (84,02 % des députés).

Si les adversaires de la peine de mort peuvent, en partie, se réjouir de voir disparaître quelques-uns des crimes autrefois passibles de l’exécution capitale, en revanche ceux qui attendaient du nouveau code qu’il ne fournisse plus aux autorités politiques des dispositions légales permettant de condamner n’importe quel dissident, opposant politique ou adepte d’une religion non reconnue risquent d’être cruellement déçus. En effet, non seulement subsistent les dispositions légales fournissant des motifs de condamnation aux jurys des procès politiques, mais elles sont renforcées dans la nouvelle mouture du code.

La suppression de la peine capitale pour un certain nombre d’activités criminelles a été introduite dans le code, dit le compte rendu de l’Assemblée nationale, après des consultations populaires et la prise en compte de l’avis des députés. Au total, sept crimes entraînant autrefois la condamnation à mort sont désormais passibles de peines de prison. Il s’agit du vol qualifié, de la fabrication et commercialisation de produits contrefaits en matière alimentaire et médicinale, de la production, commercialisation ou encore stockage de stupéfiants, de la destruction d’ouvrages ou d’installation en rapport avec la sécurité nationale, de la désobéissance aux ordres, et de la reddition à l’ennemi. Par ailleurs, la condamnation à mort pour crime de corruption pourra être remplacée par l’emprisonnement à vie à condition que les personnes concernées remboursent au moins 75 % des sommes et biens acquis illicitement. Il est précisé aussi que la peine capitale ne sera plus appliquée aux personnes ayant dépassé les 70 ans.

Cependant, le Comité Vietnam pour la défense des droits de l’homme, qui propose une analyse du nouveau code, basé en France, fait remarquer que, parmi les condamnations à mort subsistantes, certaines concernent des crimes contre « la sécurité nationale » : ainsi sont passibles de la peine capitale l’espionnage ou encore la subversion (définie comme tentative de renversement du pouvoir populaire). En 2013, le représentant du parquet avait requis la peine de mort contre le dissident Pham Van Thu accusé de subversion. En dernier ressort, il avait été condamné à la prison à vie.

Le nouveau code va, sans doute, entraîner une diminution des condamnations à mort, mais il laisse subsister l’arsenal des crimes permettant de réprimer toute opposition ou indépendance par rapport au pouvoir. C’est ainsi que l’on retrouve dans le code corrigé le crime de « diffusion de propagande antisocialiste », le crime d’« abus de la liberté et des droits démocratiques pour empiéter sur les intérêts de l’Etat ».

Il est à craindre que le toilettage effectué sur le Code pénal ne fléchisse guère la pratique des autorités à l’égard des opposants politiques, des partisans de la liberté d’expression ou de la pleine liberté religieuse. Bien au contraire, le nouveau code semble marqué par l’orientation actuelle des autorités politiques, qui favorisent un contrôle plus strict l’égard de la société civile.

(eda/jm)