Eglises d'Asie – Philippines
Le mouvement Silsilah reçoit un prix pour son action en faveur de la paix à Mindanao
Publié le 03/12/2013
C’est le fondateur du mouvement, le P. Sebastiano d’Ambra, missionnaire de l’Institut pontifical pour les missions étrangères (PIME) à Zamboanga, sur l’île de Mindanao, qui a reçu cette distinction à Tokyo au nom de Silsilah, pour ses longues années d’engagement en faveur du dialogue de paix entre musulmans et chrétiens. « Nous avons choisi la voie étroite de ceux qui, pour promouvoir une culture de dialogue et de paix au milieu des tensions et des conflits, pensent qu’il faut d’abord se changer soi-même afin de changer la société », a déclaré le P. Sebastiano d’Ambra en recevant le Goi Peace Award.
Silsilah (qui signifie ‘lien’ ou ‘chaîne’) a été créée en 1984 par le P. d’Ambra (1) et un groupe de musulmans et de chrétiens, convaincus de l’utilité du dialogue interreligieux dans la résolution du conflit meurtrier qui sévit depuis plus de 40 ans à Mindanao. Malgré les assassinats de plusieurs de ses membres, notamment des missionnaires, le mouvement n’a jamais abandonné son travail en faveur de la paix, multipliant les initiatives de réconciliation interreligieuse au sein des populations, et tout particulièrement auprès des jeunes. La création du Young Professional for Dialogue and Peace (YPDP), mouvement œuvrant pour le dialogue islamo-chrétien est l’un des nombreux exemples de l’efficacité de ces programmes de sensibilisation effectués depuis des dizaines d’années par Silsilah dans les écoles de l’enseignement public.
A plusieurs reprises, le mouvement pour le dialogue interreligieux a participé de manière décisive aux négociations pour la paix menées entre le gouvernement et les groupements rebelles musulmans. Lors d’une récente rencontre, début novembre, entre les évêques et les oulémas de Mindanao, une proposition de médiation a ainsi été initiée par Silsilah afin de tenter d’apaiser les tensions qui ont repris dans l’île, suite aux attaques de septembre dernier. A l’issue de cette rencontre, Mgr Fernando Capalla, évêque catholique émérite de Davao, Mgr Danilo Bustamante, évêque protestant, et Salipada Tamano, responsable de la ligue des oulémas, ont signé une déclaration conjointe dans laquelle ils proposaient de participer aux pourparlers de paix afin de permettre un « dialogue en profondeur ».
Régulièrement, Silsilah organise des sessions et des rencontres à Mindanao, réunissant différentes associations chrétiennes et musulmanes, membres des écoles et des universités, organismes citoyens et autres institutions. Ce fut notamment le cas fin novembre 2012, où le mouvement avait lancé une « Semaine de la paix » afin d’aider la population à comprendre les conséquences de « l’accord cadre » qui venait d’être signé entre le gouvernement philippin et les rebelles musulmans (2).
« Il est nécessaire de rétablir la confiance pour que les gens puissent imaginer ce qu’il reste à faire pour obtenir un accord de paix définitif et surtout, il faut que se modifient réellement les rapports entre chrétiens, musulmans et lumads (indigènes) à Mindanao », avait alors expliqué le P. d’Ambra. Le chemin vers la paix, avait-il poursuivi, est « plus long et plus difficile qu’un accord signé sur le papier : il s’agit d’accomplir la purification des cœurs, des esprits et des mémoires et, plus encore, d’entamer un processus de réconciliation, d’amitié et d’amour ».
Lors de la cérémonie de remise du prix, la Goi Peace Foundation a souligné le rôle joué par Silsilah dans « l’avancée du processus de paix au sein des différentes communautés de Mindanao » ainsi que dans le reste du monde, en « inspirant de nombreuses personnes par l’exemple d’un véritable dialogue fondé sur des valeurs spirituelles ».
Le P. d’Ambra a rappelé avec émotion le souvenir de son confrère, le P. Salvatore Carzedda (PIME), tué à Zamboanga le 20 mai 1992 durant une session d’été pour le dialogue islamo-chrétien organisée par Silsilah (3). Il a également évoqué les nombreux associés, membres et bénévoles qui, ces trente dernières années, se sont dépensé sans compter en faveur du mouvement.
« La devise de Silsilah est « Padayon ! », ce qui signifie « Allons de l’avant ! », a conclu le P. d’Ambra, cité par l’agence Fides ce mardi 3 décembre. « Je vous remercie d’avoir apprécié notre détermination et compris notre mission, basée sur des valeurs spirituelles, a-t-il poursuivi. Le dialogue est souvent considéré comme une stratégie mais, pour nous, il est avant tout une spiritualité parce que nous estimons que le dialogue est une expression de l’amour en action, du silence et de l’harmonie. »
Le missionnaire italien a terminé son allocution en évoquant les différents conflits actuels dans le monde où « l’avidité et le désir de pouvoir, souvent exacerbés par des différences culturelles et religieuses, transforment notre « maison commune » en clan divisé ». Le fondateur de Silsilah a pour finir appelé les musulmans et les chrétiens « à reconstruire une culture du dialogue sur des valeurs religieuses communes (…) au-delà de la peur et du conflit ».
(eda/msb)